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Focus sur la sanction de l’année lombarde dans le calcul du TEG

Julian Jacquin


1Le régime des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du TEG a été précisé et uniformisé par l’ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 au terme de laquelle, « en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévu à l’article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur » (C. consommation., Art. L. 341-48-1, al. 1er). En d’autres termes, le juge civil peut désormais, au regard du préjudice subi par l’emprunteur, prononcer la déchéance partielle ou totale du droit aux intérêts. Auparavant en jurisprudence, la déchéance du droit aux intérêts coexistait avec la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels. Dans un cas comme dans l’autre, le juge ne disposait pas de la possibilité de prononcer une sanction proportionnée au manquement constaté, la sanction n’étant pas modulable, que le manquement constaté soit une absence totale de TEG, une erreur conséquente dans son calcul ou une erreur minime selon un rapport établi par Emmanuel Constans, Président du Comité consultatif du secteur financier, sur l’application de la réglementation relative au TEG remis en juillet 2017 au ministre de l’Économie et des Finances.

2La sanction unique prévue par l’ordonnance prend en compte l’exigence de proportionnalité de la sanction qui est issue des directives n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et n° 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel. Pour satisfaire à ce principe de proportionnalité dans le domaine des contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers, la Cour de cassation a d’abord refusé de sanctionner une erreur inférieure ou égale au seuil légal par un arrêt du 1er octobre 2014 (Cass. civ 1re, 1er oct. 2014, nº 13-22.778). Dans un arrêt du 26 novembre 2014, la Cour de cassation a ensuite refusé de sanctionner une erreur inférieure ou égale à la décimale (Cass. civ., 1re, 26 nov. 2014, nº 13-23.033).

3L’arrêt commenté offre l’occasion d’illustrer ce cas de figure. En l’espèce, l’emprunteur avait souscrit un prêt immobilier auprès d’une banque pour un montant de 148 500 euros à un taux nominal annuel de 3,15 % remboursable sur une durée de 25 ans. Estimant le TEG erroné car non conforme aux dispositions du Code de la consommation, en date du 12 décembre 2014, l’emprunteur a mis en demeure la banque de lui rembourser l’excédent des intérêts indûment versés et voir constater la déchéance de son droit aux intérêts pour l’avenir du prêt. Insensible à cette argumentation, la banque n’a pas donné suite à cette mise en demeure. L’emprunteur l’assigna alors devant le tribunal de grande instance de Lyon le 13 avril 2015. Suite au rejet de ses demandes en première instance, il forma appel devant la cour d’appel de Lyon.

4L’argumentation de l’emprunteur résidait dans le fait que la banque ait eu recours à l’année lombarde de 360 jours pour calculer les intérêts. À ce titre, il rappelle que la Cour de cassation a précisé que la sanction du recours à l’année lombarde est uniquement la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêts. Le TEG stipulé dans l’offre serait erroné car il s’élève en réalité à 4,00161 % et non pas à 3,95 %. L’emprunteur avançait ensuite que le TEG devait en l’espèce être proportionnel au taux de période et que la durée prise en compte par la banque dans le calcul du TEG ne correspondait ni à celle d’un mois normalisé, ni à celle d’une année civile. En cela, l’emprunteur a estimé que le prêteur a manqué à son obligation générale d’information, de loyauté et d’honnêteté. La banque estimait en substance avoir calculé les intérêts sur la base d’un mois normalisé et donc d’une année civile et que seuls les intérêts de la première période et ceux de la période comprise entre le remboursement anticipé et l’échéance qui le précède sont calculés en appliquant au capital le taux d’intérêt annuel divisé par 360 et multiplié par le nombre de jours. En conséquence, l’incidence de l’application de cette clause s’élève à 9,61 euros et elle est inférieure au seuil de précision issu de la réglementation. En cela, la clause litigieuse ne peut donner lieu à l’annulation des stipulations d’intérêts. Ainsi, selon le prêteur, la preuve d’une erreur de TEG supérieure au seuil réglementaire n’est pas rapportée puisque la différence est inférieure à une décimale de pourcentage.

5La cour d’appel retient que le formalisme de l’offre de prêt exigé par l’article L. 312-8 du Code de la consommation ne peut être sanctionné par la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels en ce que « les erreurs alléguées figuraient dans l’offre de prêt (…) et ne pourraient pas entraîner la nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel ». La cour d’appel ajoute que « pour que soit prononcée la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, l’emprunteur doit établir que les erreurs qu’il allègue ont entrainé une inexactitude affectant le TEG figurant au contrat d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du Code de la consommation ». En conséquence, la cour d’appel confirme le jugement du tribunal de grande instance de Lyon en l’absence d’erreur supérieure à une décimale et en l’absence de manquement de la banque à ses obligations. Il s’agit là de l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle pour prononcer la déchéance, l’écart doit être constaté sur le TEG et non sur le taux conventionnel, et doit être supérieur à la décimale (Cass. civ., 1re, 25 janv. 2017, n° 15-24.607). Cette jurisprudence vient d’ailleurs d’être entérinée par un avis de la Cour de cassation rendu le 10 juin 2020 (Cass. civ., 1re, avis, 10 juin 2020, n° 20-70.001).

6Par un arrêt du 10 juin 2020 (Cass. civ., 1re, 10 juin 2020, nº 18-24.284), la Cour de cassation a aussitôt appliqué les principes dégagés dans son avis rendu le même jour et a précisé le régime des sanctions concernant les contrats souscrits avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019. Au terme de cet arrêt il « apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ». Dans cette affaire, l’erreur commise était supérieure à la décimale prescrite par le Code de la consommation mais il s’agit d’un arrêt majeur par lequel la Cour de cassation confirme la déchéance du droit aux intérêts de la banque, dans la proportion fixée par le juge, comme sanction de l’erreur qui affecte le TEG. Cette décision vient rappeler que l’ordonnance n’est pas rétroactive, mais que dans les cas où elle ne serait pas applicable, l’omission ou l’erreur du TEG justifie tout de même une déchéance du prêteur dans son droit aux intérêts et ce dans la proportion fixée par le juge au regard de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur. Il s’agit là d’un véritable revirement de jurisprudence, là où le prêteur encourait l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la Cour de cassation lui applique désormais la même sanction qu’en matière d’offre préalable de crédit.

7Pour résumer, en cas d'erreur ou d’inexactitude du TEG, s’il est démontré une inexactitude de plus d’une décimale défavorable à l’emprunteur et qu’il a subi un véritable préjudice financier découlant de cette inexactitude, alors seule une déchéance proportionnée du droit aux intérêts serait encourue par le prêteur. L’évaluation de la proportion de la déchéance du droit aux intérêts et du préjudice de l’emprunteur relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Ainsi, une incertitude demeure quant aux critères, autres que le préjudice effectivement subi par l'emprunteur, susceptibles d'être retenus par les juges pour le sanctionner.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre civile A, 23 janvier 2020, n° 17/05678



Citer ce document


Julian Jacquin, «Focus sur la sanction de l’année lombarde dans le calcul du TEG», BACALy [En ligne], n°15, Publié le : 01/10/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2446.

Auteur


À propos de l'auteur Julian Jacquin

Legal Officer, Banque cantonale de Genève (France) SA, chargé d’enseignement, université Jean Moulin Lyon 3


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