Les manquements et omissions de la caution dans sa déclaration patrimoniale n’empêchent pas la qualification d’engagement manifestement disproportionné

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Mots-clés

cautionnement, engagement manifestement disproportionné

Rubriques

Droit patrimonial de la famille

Texte

Lorsqu’est venu le temps pour le créancier professionnel de se faire payer, il est courant qu’il se retrouve face à un débiteur mauvais payeur. En prévision de telles difficultés, l’obligation objet de la relation contractuelle a pu être garantie par un cautionnement. Néanmoins, l’appel en garantie de la caution n’aboutit pas toujours au paiement du créancier. Il en va ainsi d’une banque qui, à la suite de la liquidation judiciaire de son cocontractant, une société par action simplifiée, a entendu actionner la caution.

L’arrêt de la cour d’appel met un terme à cinq années de procédure qui avaient débuté par le placement en redressement judiciaire d’une société par action simplifiée, ayant finalement conduit à sa liquidation. Pour l’acquisition du fonds de commerce qu’elle exploitait, la société avait contracté un prêt auprès d’une banque, ledit crédit ayant été, partiellement, cautionné solidairement par les époux. Cette dette de la société n’ayant pu être réglée par le mandataire judiciaire avec l’actif disponible, la banque a mis en demeure les époux d’honorer leur engagement de caution ; s’en est suivi un commandement de payer aux fins de saisie immobilière. Face à cela, un des époux a assigné la banque créancière pour être libéré de son engagement de caution. À cette fin, l’époux arguait, à titre principal, la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus et, à titre subsidiaire, une faute de la banque ayant empêché sa subrogation. Le tribunal de commerce de Lyon s’est opposé à cette demande. Les juges ont considéré que le cautionnement souscrit par l’époux ne souffrait d’aucune disproportion.

L’époux caution interjette appel en fondant ses prétentions tant sur l’article L.341-4 du Code de la consommation (devenu L.332-1) que sur l’article 2314 du Code civil, énonçant qu’une omission de la banque avait empêché sa subrogation.

Dans cette affaire, la cour d’appel de Lyon écarte d’abord les prétentions de la caution fondées sur une faute de la banque. Pour les besoins du contrat, la caution avait déclaré être mariée sous le régime de la séparation de bien, ce qu’elle avait révélé au jour de son engagement dans une fiche de renseignements. L’époux avait également déclaré, s’agissant de l’actif de sa situation patrimoniale, être titulaire d’un compte en banque à terme, omettant de mentionner son nantissement auprès d’un autre organisme, et, bénéficier de dividendes annuels, dont le montant n’avait pas été indiqué. En outre, l’époux avait précisé, au sein dudit document, avoir à sa charge le remboursement d’un prêt personnel. Bien que les éléments sus-évoqués aient fait l’objet d’erreurs matérielles et d’imprécisions, ils n’étaient pas susceptibles, pour la cour d’appel, de révéler des anomalies entraînant une obligation pour la banque d’en faire la vérification. Les déclarations de la caution seront donc celles qui sont à prendre en compte sans autres considérations. Ainsi, est-il fait application de l’article 2314 du Code civil, et la déchéance de l’engagement de caution ne saurait résulter que d’une faute du créancier. Une question reste tout de même en suspens : les manquements de la caution sont-ils nécessairement exclusifs d’une faute du créancier dans l’accomplissement de son obligation de vérification ?

En revanche, la cour d’appel retient ce qui avait été avancé par la caution pour ce qui est de l’application du droit de la consommation. Les dispositions du code applicables sont, par nature, protectrices de la personne physique lorsque celle-ci contracte avec un professionnel. L’article L.341-1 ne fait pas exception, et dispose qu’un tel créancier ne peut se prévaloir du cautionnement d’une personne physique, s’il est disproportionné. La disproportion s’apprécie, ce que rappelle la cour, au moment de la conclusion du contrat, aux vues des biens et revenus de la caution par rapport au montant de l’engagement ; sauf à ce que le patrimoine ait évolué, et permette d’y faire face, cette fois-ci, au jour de l’appel en garantie. S’appuyant sur ses précédentes considérations, la cour opère la balance entre les différents éléments d’actif et de passif déclarés par la caution. Elle en conclut que l’actif que pouvait escompter l’époux caution et les charges mensuelles de remboursement au jour de la signature, ne lui aurait pas permis de faire face à son engagement. La disproportion de cet engagement étant manifeste, la banque ne peut valablement s'en prévaloir « sauf à prouver que le patrimoine de la caution lui permettait d'y faire face au moment où elle est appelée ce qu'elle ne fait pas et ne prétend pas faire ». On perçoit, entre les lignes, que la décision aurait pu être différente si la banque avait eu des prétentions plus larges ; mais, on comprend aisément cette absence de prétention au vu de la situation financière générale de la société et des époux.

Arrêt commenté :
CA Lyon 3e chambre A, 21 novembre 2019 n° 18/00266

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Citer cet article

Référence électronique

Titouan Godard, « Les manquements et omissions de la caution dans sa déclaration patrimoniale n’empêchent pas la qualification d’engagement manifestement disproportionné », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 15 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2572

Auteur

Titouan Godard

Étudiant, M2 droit notarial interne, université Jean Moulin Lyon 3

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