Le courrier du mandataire judiciaire indiquant le refus de poursuivre un contrat en cours n’équivaut pas à un acquiescement à l’action en revendication.
Il est nécessaire pour les propriétaires de se conformer aux formes et aux délais prévus par le Livre VI du Code de commerce pour rendre opposable leur droit de propriété à la procédure collective et obtenir la restitution de leur bien. Si les mécanismes des articles L. 624-9 et suivants sont relativement souples quant à la nature et l’état des biens susceptibles d’être revendiqués, ils le sont en revanche beaucoup moins sur les contraintes de forme et de délais des engagées par les revendiquants auprès des organes de la procédure.
Ce sont en somme les enseignements de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 12 septembre 2019.
En l’espèce, trois batteries électriques ont été louées en contrat de longue durée à une société de service à domicile, et intégrées à trois véhicules acquis en pleine propriété auprès de la même société de location. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 12 décembre 2018 à l’encontre de la société de service à domicile. Réalisant les actifs, le mandataire judiciaire a informé le loueur d’une proposition de rachat des trois véhicules précédemment vendus au débiteur.
En réponse, la société loueuse a adressé par courrier le 15 janvier 2019 sa déclaration de créance au titre des contrats de location, et revendiqué la propriété des batteries intégrées au véhicule. En retour, le mandataire judiciaire a simplement indiqué à la société de location le 18 février 2018 qu’il n’entendait pas poursuivre les contrats de location des batteries intégrées au véhicule.
Devant l’inactivisme du revendiquant, le mandataire judiciaire a saisi par voie de requête le juge-commissaire aux fins de rejeter les revendications et d’être autorisé à procéder à la vente aux enchères publiques des voitures. Par ordonnance du 17 avril 2019 le juge-commissaire a pris acte du défaut d’acquiescement du liquidateur, de l’absence de demande de revendication ou de restitution de la société de location, et a autorisé la vente aux enchères des véhicules. La société de location a interjeté appel de l’ordonnance.
La cour d’appel de Lyon a rejeté la demande de restitution de la société de location et confirmé l’ordonnance du juge-commissaire rappelant les éléments de procédure contraignant l’exercice des actions en revendication.
L’article L. 624-16 du Code de commerce permet de revendiquer des biens incorporés dans d’autres biens à la double condition qu’ils se trouvent en nature dans le patrimoine du débiteur à l’ouverture de la procédure collective, et que la séparation puisse s’effectuer sans dommage.
Par ailleurs, la société de location estime qu’elle n’a pas à revendiquer les batteries intégrées dans les véhicules qui ne sont plus détenus par le débiteur, les juges rappellent ainsi qu’il est nécessaire de revendiquer pour rendre opposable le droit de propriété et que la jurisprudence ne subordonne pas l'acquiescement à la possession effective du bien par le débiteur. En effet, il importe peu que le bien revendiqué soit détenu par le débiteur ou par un tiers pour le compte du débiteur (Cass. com., 3 déc. 1996, n° 94-21.227). Mais ces premières considérations ne sont finalement que des éléments de contexte du contenu de la revendication, il y a surtout lieu en l’espèce de se focaliser sur la forme et les délais de la revendication de la société de location.
Si l’action en revendication a bien été engagée dans le délai de trois mois, la revendication n’a en revanche aboutie à aucun acquiescement du mandataire judiciaire dans le délai d’un mois (R. 624-13 C. com). À défaut d’acquiescement du mandataire judiciaire dans ce délai, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans le délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de réponse.
Or l’acquiescement ne se présume pas : il doit être exprès. La société de location ne pouvait en effet se fonder sur le courrier adressé par le mandataire judiciaire indiquant le refus de poursuivre le contrat de location des batteries, qui, de toute façon, avait été adressé plus d’un mois après le courrier d’action en revendication hors du délai légal de réponse. La jurisprudence avait déjà précisé que la continuation d’un contrat en cours ne valait pas acquiescement à une demande de revendication (Cass. com., 12 janv. 2016, n° 14-11.943), on pourrait ainsi admettre que la réciproque négative emporte aussi la même conséquence.
La société de location aurait donc dû saisir le juge-commissaire à l’expiration du délai de réponse accordé au mandataire judiciaire. Ce dernier pouvait, lui, se permettre de ne pas y répondre, s’agissant d’une simple faculté, et n’y étant tenu par aucun texte légal. La sanction est dure mais justifiée pour la société de location qui aurait raisonnablement pu obtenir la restitution de ses batteries, si elle ne s’était pas maintenue dans une position préjudiciable de suffisance et d’inactivisme vis-à-vis des organes de la procédure.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 3e chambre A, 12 septembre 2019, n° 19/03274