Un candidat repreneur dont l’offre a été rejetée par le tribunal peut présenter une nouvelle offre

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Mots-clés

plan de cession, appel, effet dévolutif, offre de reprise

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La problématique à laquelle la cour d’appel de Lyon a dû répondre n’est pas courante. Pour autant, elle ne manque pas d’intérêt et mérite d’être étudiée.

En l’espèce, un groupe de sociétés fut placé sous la protection du tribunal. À l’issue de la période d’observation, les coadministrateurs judiciaires présentèrent un plan de cession. Le tribunal le rejeta en raison de l’insuffisance des financements ainsi que de moyens humains et structurels afin d’assurer la reprise. Suite à cet échec, le candidat repreneur présenta une seconde offre de reprise améliorée, à partir de laquelle un nouveau plan fut présenté. Le tribunal de commerce le rejeta également, considérant que l’autorité de la chose jugée dont était assortie le premier jugement rendait l’offre irrecevable.

Les sociétés débitrices ainsi que les coadministrateurs judiciaires interjetèrent appel. La question qui se posait était donc de savoir si un candidat dont la première offre avait été rejetée par le tribunal était en mesure de présenter une nouvelle offre améliorée.

La cour d’appel, dans son jugement du 13 septembre 2019, a tenu un raisonnement opposé à celui des juges de première instance. En raison de l’effet dévolutif de l’appel, elle adopta finalement le plan de cession au profit de ce candidat.

Cet arrêt est intéressant en de nombreux points. Tout d’abord, les juges écartent l’autorité de la chose jugée considérant, par une formule de principe, que « les dispositions de droit commun des articles 480 du Code de procédure civile et 1355 du Code civil ne s'appliquent pas aux jugements appliquant le livre VI du Code de commerce, d'ordre public. »

Si cette affirmation paraît trop générale (voir en ce sens : N. Borga, « Éloge de la persévérance : l'adoption d'un plan de cession après un rejet », BJE nov. 2019, n° 117j0, p. 23), elle semble toutefois se vérifier en matière de jugement rejetant un plan de cession.

En effet, l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux jugements contentieux (CPC art. 480). Or, ce n’est pas le cas en l’espèce, le tribunal ne tranchant aucune contestation. En outre, la cour souligne très justement qu’avec la prolongation de la période d’observation, le tribunal ne s’était pas vidé de sa saisine puisqu’il serait amené à se prononcer de nouveau.

En tout état de cause, tout porte à croire que la solution aurait été identique si la cour n’avait pas écarté de la sorte les textes de droit commun. En effet, leur application suppose une identité de partie, de cause et d’objet. Or en l’espèce, bien que l’offre émane de la même personne, c’est bien sur le plan proposé par l’administrateur judiciaire que le tribunal statue. Ainsi, ce second plan était différent du premier et l’autorité de la chose jugée n’avait pas lieu d’être mobilisée en l’espèce.

En outre, l’identité du candidat n’a pas d’influence sur l’autorité de la chose jugée dans la mesure où celui-ci n’est pas partie au jugement. Preuve en est, il n’a pas qualité pour faire appel de la décision rejetant le plan (C. Com. art. L.661-6).

Ensuite, la cour écarte, à raison, l’application du principe d’intangibilité des offres. En effet, l’article L.642-2 du Code de commerce indique que « l’offre lie son auteur jusqu’à la décision du tribunal ». Dès lors, il ne semble pas cohérent qu’un candidat demeure tenu par une offre qui a été refusée par le tribunal.

De plus, cette nouvelle offre étant améliorée par rapport à la première, elle ne peut être que plus favorable au maintien de l’emploi, à la poursuite de l’activité et à l’apurement du passif.

Enfin, la cour considère que le premier juge a commis un excès de pouvoir négatif en déclarant l’offre irrecevable sans avoir examiné ses éléments de fond. Cette précision est importante dans la mesure où ce critère permet d’ouvrir la voie d’un appel nullité à une partie pour laquelle l’appel réformation est fermé par le législateur.

En fin de compte, rien ne semble s’opposer à ce qu’un candidat dont la première offre a été rejetée puisse en présenter une nouvelle. Cet arrêt devrait donc pousser les candidats à persévérer lorsque le tribunal a rejeté le plan de cession, et présenter une nouvelle offre par la suite. Cela suppose toutefois que la situation économique du débiteur le permette, ce qui ne sera pas toujours le cas.

Arrêts commentés :
CA Lyon, 3e chambre A, 13 septembre 2019, n° 19/05463, n° 19/05466, n° 19/05468

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Référence électronique

Marceau Piras, « Un candidat repreneur dont l’offre a été rejetée par le tribunal peut présenter une nouvelle offre », Bulletin des arrêts de la Cour d'appel de Lyon [En ligne], 15 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2612

Auteur

Marceau Piras

Étudiant M2 ALED, université Jean Moulin Lyon 3

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