BACALy

L’impact de l’application des lois dans le temps sur l’acquisition de la nationalité française

Aurore Camuzat


1La nationalité se situe parmi les éléments permettant d’identifier une personne. Il s’agit du lien juridique rattachant une personne physique à un État et consacrant son appartenance à une population. La nationalité est autant un élément de l’état des personnes que l’un des aspects de la souveraineté étatique. En France, elle est attribuée de plein droit par le droit du sang ou du sol (art. 18, C. civ.). Lorsque l’un des parents de l’enfant est Français, alors celui-ci sera Français, même s’il est né à l’étranger. Si l’enfant est né en France, il sera Français en vertu du jus solis. La nationalité peut également être acquise après la naissance, par la voie de la déclaration ou de la naturalisation (pour la différence entre les deux notions, voir H. Fulchiron, « Synthèse – Nationalité », J-Cl. Inter., oct. 2020). Lorsqu’elle est acquise par naturalisation, elle a un effet collectif à l’égard des enfants mineurs, si certaines conditions sont respectées (art. 22-1, C. civ.). Si l’une de ces conditions fait défaut, l’enfant ne pourra pas bénéficier de l’effet collectif. C’est tout l’enjeu de la situation présentée aux juges d’appel de Lyon.

2Un homme, de nationalité iranienne, a sollicité la délivrance d’un certificat de nationalité française auprès du greffe du tribunal d’instance de Clermont-Ferrand. Sa demande a été rejetée au motif qu’il ne pouvait pas bénéficier de l’effet collectif attaché à la naturalisation de son père, en raison de l’absence de mention de son nom sur le décret de naturalisation. Face à ce refus, l’homme a saisi le tribunal de grande instance de Lyon, qui l’a également débouté de sa demande en se fondant sur les mêmes motifs que le greffe du tribunal d’instance de Clermont-Ferrand.

3Le demandeur a fait appel de ce jugement. À l’appui de sa demande, il soutient que la filiation est régulièrement établie à l’égard de son père, naturalisé français par décret le 6 septembre 1993. Il rappelle qu’à l’époque de la naturalisation, il résidait habituellement chez son père en France. Enfin, il évoque un conflit d’application de lois dans le temps. Selon lui, le décret de naturalisation ne serait pas soumis aux dispositions prévues par la « nouvelle » loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, mais à celles de l’ancienne loi n° 73-42 du 9 janvier 1973. Ce faisant, les conditions étant remplies, il devrait pouvoir bénéficier de l’effet collectif produit par celui-ci.

4La question essentielle reposait sur la loi applicable au décret de naturalisation du père du demandeur et les conséquences en découlant, ce qui n’a pas échappé à la cour d’appel de Lyon.

5Sous l’égide de la loi du 9 janvier 1973, l’enfant mineur devient Français de plein droit lorsque l’un de ses parents acquiert la nationalité française, à condition qu’il soit un enfant légitime, naturel ou adopté de manière plénière (art. 84). Si cette loi a réellement vocation à s’appliquer à la situation du demandeur, cela signifie qu’il a seulement besoin de prouver sa minorité lors de la naturalisation et la filiation à l’égard de son père, notamment à travers un acte de naissance ou de mariage.

6Si au contraire, le décret de naturalisation est soumis à la loi du 22 juillet 1993, l’enfant mineur devient Français de plein droit, à condition qu’il soit légitime ou naturel, qu’il réside habituellement avec le parent ayant acquis la nationalité française et que son nom soit mentionné dans le décret de naturalisation (art. 22-1, C. civ.). En application de cette loi, le demandeur doit prouver sa minorité lors de la naturalisation, la filiation à l’égard de son père, sa résidence habituelle avec lui et la mention de son nom dans le décret de naturalisation. La charge de la preuve est donc nettement plus importante.

7Pour justifier l’application de la loi du 9 janvier 1973, le demandeur invoque les dispositions de l’article 52 de la loi du 22 juillet 1993, qui soumettent les déclarations de nationalité souscrites avant cette loi à la loi applicable lors de leur date de souscription. Son père ayant déposé une demande de nationalité en 1992, la loi du 22 juillet 1993 ne devrait pas avoir vocation à s’appliquer.

8La cour d’appel de Lyon a, très justement, relevé la confusion opérée par le demandeur entre déclaration de nationalité et demande de naturalisation. Le père du demandeur n’a pas acquis la nationalité française par déclaration mais par décision de l’autorité publique, c’est-à-dire par naturalisation. Or, l’article 51 de la loi du 22 juillet 1993 prévoit que ses dispositions sont applicables immédiatement. Si une exception est prévue s’agissant des déclarations de nationalité souscrites au préalable, tel n’est pas le cas des naturalisations. Le père du demandeur ayant été naturalisé Français par un décret du 6 septembre 1993, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 1993, celle-ci avait vocation à s’appliquer.

9À l’instar des juges de première instance, la cour d’appel de Lyon conclut, d’une logique implacable, que le demandeur ne pouvait bénéficier de l’effet collectif et acquérir la nationalité française, n’ayant pas été mentionné sur le décret de naturalisation de son père.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 2ch. A, 21 juillet 2020, n° 19/00852



Citer ce document


Aurore Camuzat, «L’impact de l’application des lois dans le temps sur l’acquisition de la nationalité française», BACALy [En ligne], n°16, Publié le : 01/03/2021,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2657.

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À propos de l'auteur Aurore Camuzat

Doctorante en droit de la famille, équipe de recherche Louis Josserand, université Jean Moulin Lyon 3


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