Était en litige dans cette affaire un projet de construction d’une maison individuelle sur la commune de Saint-Pargoire, lequel a fait l’objet d’une première autorisation par un arrêté de permis de construire le 1er mars 2021, puis d’une seconde, procédant à la régularisation de la première le 8 mars 2024 délivrée suite au jugement avant dire droit du 5 octobre 2023 prononçant, en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, un sursis à statuer sur la légalité du permis de construire initial.
Pour rappel, cette possibilité laissée au juge de surseoir à statuer pour permettre une régularisation de l’autorisation initiale introduite par l’ordonnance nº 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme est devenue une obligation depuis la loi ÉLAN du 23 novembre 2018, dans le but, pour reprendre les termes du rapport de la présidente Maugüé qui ont inspiré les dispositions de la loi ÉLAN, de « donner une chance supplémentaire au pétitionnaire de réaliser son projet sans aucune annulation contentieuse ».
Se prononçant ainsi sur la mesure de régularisation, le tribunal administratif de Montpellier rend un jugement intéressant sur le plan de la recevabilité du recours ainsi que sur l’appréciation des moyens de légalité soulevés à l’encontre de l’autorisation.
Sur la recevabilité tout d’abord, l’affaire présente la particularité d’une absence d’identité des requérants dans les deux instances, les auteurs du recours contre l’arrêté initial et ceux contestant la mesure de régularisation étant distincts. Or, la contestation de la mesure de régularisation est communément le fait des requérants ayant suscité le jugement avant dire droit, c’est-à-dire ceux contestant l’autorisation initiale. Le tribunal n’y voit aucune difficulté et déclare le recours des nouveaux contestataires recevable, ceux-ci ayant un intérêt à agir, et écarte le moyen d’irrecevabilité de la requête soulevé par le pétitionnaire, traitant ainsi isolément la mesure de régularisation et garantissant ainsi l’effectivité du droit au recours.
Sur l’appréciation de la légalité de la mesure de régularisation, une autre particularité de l’affaire ressurgit. La commune de Saint-Pargoire s’est dotée d’un plan local d’urbanisme pendant la période de régularisation ouverte par le juge, obtenant notamment une dérogation à la règle dite d’urbanisation limitée, nécessaire en raison de l’absence de schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune. L’intérêt de la mesure de régularisation en cours d’instance réside notamment dans le fait que si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entre-temps modifiée ou si la règle n’est plus méconnue du fait d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce, les moyens tirés de la méconnaissance par le permis initial des irrégularités ainsi régularisées étant inopérants1. Aussi le pétitionnaire ne s’est-il pas borné à régulariser les vices de l’autorisation initiale mais a apporté à son projet des modifications d’une particulière importance, profitant de la modification des règles d’urbanisme applicable. Ont notamment été modifiées la surface de plancher, la surface imperméabilisée, la hauteur du faitage tandis qu’un parking privatif a été créé.
Il en découle deux intérêts spécifiques.
Le premier réside dans l’encadrement des moyens invocables contre un permis de régularisation. Pour rappel, dans le cadre du recours contre la mesure de régularisation, il ne s’agit de rouvrir le débat contentieux qu’à l’encontre des seuls aspects sur lesquels le permis initial a été modifié2. Toutefois, le juge s’assure que les modifications opérées n’ont pas eu pour effet d’aggraver l’atteinte aux règles d’urbanisme telle qu’elle résultait déjà du permis initial3. Le tribunal a, par voie de conséquence, déclaré inopérants plusieurs moyens au motif qu’ils se rapportaient à la contestation du permis initial. S’agissant du moyen opérant, portant sur les modifications effectivement opérées au projet initial, le tribunal juge que celles-ci n’aggravent pas l’atteinte déjà constatée aux préoccupations environnementales définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de l’environnement par rapport au projet initial.
Le second tient à l’application au cas d’espèce de l’arrêt Mme C…4, lequel procède à une extension du champ d’application l’avis Barrie5, qui permet au permis modificatif d’apporter des changements significatifs au projet dans la limite d’un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même, à l’ensemble du projet, et non seulement uniquement aux vices qu’il s’agit de régulariser.
En réponse au moyen, le tribunal administratif a estimé que les modifications réalisées ne procèdent pas à une modification de l’économie générale du projet, et moins encore n’en changent sa nature, dès lors que le bâtiment construit demeure une maison individuelle constituée d’un sous-sol au niveau de la voie publique, d’un rez-de-chaussée et d’un étage et que l’aspect général de la construction reste similaire.