Limitation de l’indemnisation des préjudices moraux des enfants à naître

Civ. 2e, 11 mars 2021, no 19-17.384

DOI : 10.35562/ajdc.1510

Index

Mots-clés

action civile, enfant né après le décès de la victime directe, lien de causalité, préjudice moral, réparation intégrale, victime par ricochet

Depuis un arrêt très commenté du 14 décembre 2017 (Civ. 2e, 14 décembre 2017, no 16-26.687) on sait que la Cour de cassation reconnait à l’enfant simplement conçu un préjudice moral en cas de décès de l’un de ses proches. La décision concernait initialement un enfant qui avait perdu son père avant la naissance. S’est ensuite posée la question de savoir si la solution devait être étendue à la disparition d’autres proches, comme les frères et sœurs ou les grands-parents.

Par une décision du 11 février 2021 (Civ. 2e, 11 février 2021, no 19-23.525), la deuxième chambre civile a apporté un début de réponse à cette interrogation, en admettant de réparer le préjudice moral résultant de la perte d’un grand-parent.

Dans l’arrêt que nous commentons du 11 mars 2021, c’est, en revanche, un coup d’arrêt qui est porté par le juge du droit à cette possibilité d’être indemnisé pour la disparition d’un proche avant la naissance, la deuxième chambre civile estimant qu’un enfant né plusieurs années après la disparition de sa sœur de 10 ans ne peut, faute d’avoir été conçu avant cette disparition, invoquer de préjudice moral.

La solution se comprend au regard du principe qui fonde, depuis 2017, la réparation des préjudices moraux des enfants à naître. C’est, en effet, en application de la maxime de l’infans conceptus que la jurisprudence accepte désormais de réparer ces préjudices extrapatrimoniaux estimant qu’il est de l’intérêt des enfants simplement conçus d’être considérés comme nés au moment de la disparition d’un de leurs parents. Cette fiction ne peut bien entendu fonctionner que si l’enfant était conçu au moment du décès de ce proche. Elle doit, en revanche, être écartée lorsque la conception de l’enfant est intervenue après la disparition du parent concerné.

Justifiée en droit, on pourra se demander si cette solution est fondée en opportunité car on peine à voir les différences de souffrances entre ces deux situations. Dans les deux cas, c’est l’absence du parent à compter de la naissance qui cause un préjudice à l’enfant. Peu importe la date de disparition du parent, le plus important étant que celle-ci survienne avant la naissance de l’enfant. Une nouvelle fois, c’est la réalité des préjudices subis qui devrait conditionner le choix de la réparation, plutôt que d’éventuelles fictions ou présomptions juridiques.

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Référence électronique

Adrien Bascoulergue, « Limitation de l’indemnisation des préjudices moraux des enfants à naître », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 22 | 2021, mis en ligne le 13 décembre 2021, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1510

Auteur

Adrien Bascoulergue

Université Lumière Lyon 2, Droit, contrat, territoires, DCT, EA 4573, F-69007, Lyon, France

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