Au cœur du processus indemnitaire des victimes ayant survécu aux attentats

Questionnements autour de la reconnaissance d’un préjudice situationnel d’angoisse

DOI : 10.35562/ajdc.1709

Plan

Ces dernières années, l’hexagone a fait l’objet d’un terrorisme de masse. Les attentats du 13 novembre 2015, puis celui de Nice du 14 juillet 2016, ont été le point de départ d’une nouvelle ère aussi bien sociale que législative. Le caractère violent, et atypique, de cette guerre sans nom a contraint la France à s’interroger sur la qualité de l’indemnisation proposée aux victimes d’actes de terrorisme. L’ouverture, en septembre 2022, des procès pour les attentats de Nice, a indubitablement été l’occasion de relancer le débat.

L’« attentat » constitue par nature un événement traumatique collectif (à l’instar des accidents collectifs) qui peut se définir comme : « un événement funeste, brutal, instantané et ponctuel, à l’origine d’une destruction humaine ou matérielle concernant un certain nombre de victimes dans un même temps et un même lieu » (article 412-1 du Code pénal). Du fait de l’acte terroriste, une situation traumatisante va naître pour la victime, puisque celle-ci « va brusquement quitter une réalité banale, pour se retrouver plongée dans un univers apocalyptique, évocateur de véritables “scènes de guerre”, sans avoir, à aucun moment imaginé la réalisation de ce risque » (Lienhard C. et Bibal F., « Le préjudice spécifique de terrorisme et d’accidents collectifs », Gaz. Pal., 2014, no 56).

Face à l’amplification du nombre d’attentats et, à fortiori du nombre de victime, la reconnaissance de nouveaux postes de préjudices spécifiques est apparue urgente et nécessaire. C’est dans ce contexte si particulier que plusieurs groupes de travail ont sollicité la création d’un préjudice autonome ayant vocation à réparer l’angoisse ressentie par les victimes directes ayant vu la mort de près : le préjudice situationnel d’angoisse.

En effet, il convient de rappeler qu’à ce jour les victimes directes peuvent obtenir réparation au titre des préjudices proposés par la nomenclature « Dintilhac ». Celle-ci a été créée en 2005, sous l’impulsion de Madame Nicole Guedj, par un groupe de travail dirigé par Monsieur Jean-Pierre Dintilhac. Il s’agit d’une liste commune des préjudices corporels visant à promouvoir « le droit des victimes de préjudices corporels à une juste indemnisation » (Guedj N., « Intitulé du programme d’action de la secrétaire d’État aux droits des victimes »). Elle répond par ailleurs au principe d’une indemnisation complète et équitable, ainsi qu’au principe d’égalité de traitement entre toutes les victimes. Le but recherché était d’élaborer une nomenclature qui puisse offrir aux victimes « une meilleure lisibilité et prévisibilité de leurs préjudices susceptibles d’être indemnisés » (Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels dirigé par Monsieur Jean-Pierre Dintilhac, 2005, p. 1). Les professionnels, tout comme les victimes, peuvent aujourd’hui prendre appui sur cet outil afin de qualifier juridiquement les préjudices corporels réparables. Par ailleurs, bien que cet outil constitue une référence en matière indemnitaire, il convient d’indiquer qu’il existe également, à côté de cette liste, un préjudice spécifique pour les victimes de terrorisme (dit « PESVT »), que nous détaillerons ultérieurement.

Ainsi, il convient de se demander : le régime indemnitaire actuellement organisé par les pouvoirs publics permet-il de réparer efficacement l’angoisse situationnelle ressentie par les victimes qui ont survécu aux attentats ?

Nous analyserons d’abord l’indemnisation initiale qui permettait de réparer, à l’époque des attentats, l’angoisse vécue par les victimes survivantes (I). Nous étudierons ensuite les rapports, fondamentaux en la matière, qui ont proposé la création d’un préjudice d’angoisse situationnelle de la victime directe et de la victime indirecte (II). Enfin, nous nous intéresserons aux consécrations jurisprudentielles partielles qui ont eu lieu à la suite de ces rapports (III).

I. L’indemnisation des victimes survivantes d’attentats par le FGTI

Dans le cadre d’un préjudice lié à un acte terroriste, la victime sera indemnisée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (dit « FGTI ») conformément aux articles L. 126-1 et L.422-1 du Code des assurances. Institué par une loi du 9 septembre 1986, cet organisme repose sur la solidarité nationale et traite des attentats commis à compter du 1er janvier 1985. Concernant les attentats commis sur le territoire français, il indemnise toutes les victimes quelle que soit leur nationalité. S’agissant des attentats commis à l’étranger, il indemnise les victimes de nationalité française. Le FGTI sera informé, selon le lieu de survenance de l’attaque, par le procureur de la République ou bien par le ministère des Affaires étrangères, de l’événement et de l’identité des victimes. Il prendra ensuite contact avec celles-ci en vue de procéder à leur indemnisation. Toute victime peut également saisir directement le fonds. Elle bénéficie alors d’un délai de dix ans à compter de la consolidation médico-légale. Dans le cadre d’un procès pénal, la victime dispose d’une année à compter de la décision rendue par la cour d’assises pour solliciter le FGTI.

Si le fonds juge recevable la demande d’indemnisation, une première provision sera versée à la victime dans le mois suivant la réception du dossier complet (article L.422-2 du Code des assurances). Cette somme, versée à titre d’avance, permet à la victime de financer les premiers frais auxquels elle est exposée, en attendant l’indemnisation définitive. À la suite d’un premier versement, des provisions complémentaires peuvent être versées à la victime si des frais médicaux ultérieurs le nécessitent. Le conseil d’administration du FGTI a généralement recours à une expertise médicale afin de déterminer l’étendue du dommage physique ou psychique de la victime, ainsi que les postes de préjudices indemnisables. Dès la réception du rapport médical définitif établi par un médecin, le fonds adresse à la victime une offre d’indemnisation (déduction faite des provisions éventuellement déjà versées) dans les trois mois suivant la restitution du dossier (article L.422-2 du Code des assurances).

La victime bénéficie d’un droit d’action en justice contre le FGTI, notamment si elle n’est pas satisfaite de l’offre d’indemnisation qui lui a été émise. Auparavant, l’affaire était portée devant le tribunal de grande instance de Créteil. Depuis le 1er juin 2019, un juge unique et spécialisé bénéficie d’une compétence exclusive pour connaître de l’ensemble des litiges liés à la réparation des préjudices des victimes d’actes de terrorisme : le juge d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (dit « JIVAT »). Ce juge unique a été créé par la loi du 23 mars 2019 et par le décret du 31 mai 2019 (article L.422-3 du Code des assurances). Il statue lors d’audiences se tenant au tribunal judiciaire de Paris. Pour déterminer à son tour le montant de l’indemnité, ce dernier a également recours à des expertises médicales. La saisine est également ouverte à toute personne qui s’estime victime mais dont la demande d’indemnisation a été jugée irrecevable par le fonds.

En premier lieu, la victime directe peut adresser au fonds une demande d’indemnisation au titre du préjudice de souffrances endurées (dit « SE »), proposé sous la nomenclature « Dintilhac ». Ce préjudice fait partie des préjudices extra-patrimoniaux temporaires. Il s’agit de « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation » (rapport Dintilhac, p. 38). Ce poste de préjudice doit être évalué à l’occasion d’une expertise médicale. À compter de la date de consolidation, si des souffrances persistent, celles-ci relèveront du déficit fonctionnel permanent (dit « DFP ») et seront indemnisées à ce titre (rapport Dintilhac, p. 38). La nomenclature « Dintilhac » se contente de lister les différents postes de préjudice corporel et n’édicte donc pas de règles d’évaluation applicables à chacun d’entre eux. Les professionnels du droit utilisent habituellement un référentiel indicatif, établissant des « fourchettes » de montant d’indemnisation pour certains postes de préjudice (L’indemnisation des préjudices en cas de blessures ou de décès, Benoît Mornet, 2022). À ce titre, le médecin missionné par le fonds évalue les souffrances endurées selon une échelle exprimée en degrés, allant de 1 à 7 (de « très léger » à « très important »). Si le degré de souffrance retenu s’élève à 1/7, le montant alloué pourra atteindre 2 000 €. À contrario, si le degré de souffrance retenu s’élève à 7/7, le montant alloué oscillera entre 50 000 et 80 000 € (référentiel Mornet, p. 65). À partir de la cotation des souffrances endurées fixée par l’expert, le conseil d’administration du fonds se livrera à une appréciation in concreto. À l’heure actuelle, la nomenclature « Dintilhac » se révèle pourtant imparfaite puisqu’elle ne prend pas en compte la spécificité du dommage résultant de catastrophes collectives, parmi lesquels figurent plus spécifiquement les actes de terrorisme. Le préjudice des SE en est l’exemple parfait. Ce poste de préjudice, étant extrêmement large, répare tous les types de souffrances imaginables. Par conséquent, les victimes d’attentats ne se singularisent pas par rapport aux victimes d’infractions de droit commun ou d’autres accidents. Il serait toutefois possible de remédier à cette lacune car la liste des préjudices corporels préétablis a vocation à évoluer. En effet, lors de la rédaction du rapport Dintilhac, ses auteurs avaient d’emblée tenu à préciser que cette nomenclature ne devait pas « être appréhendée par les victimes et les praticiens comme un carcan rigide et intangible ». Au contraire, cette liste seulement indicative est « susceptible au besoin de s’enrichir de nouveaux postes de préjudice » (rapport Dintilhac, p. 4).

En second lieu, la victime directe peut demander au fonds une indemnisation au titre d’un préjudice particulier, non compris dans la nomenclature « Dintilhac ». À côté des préjudices corporels classiques, il existe un préjudice destiné spécialement aux victimes du terrorisme : le préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme (dit « PESVT »). Il s’agit d’« une réparation forfaitaire complémentaire » qui vise à réparer les atteintes aussi bien physiques que psychiques (lettre d’information du FGTI, 5 février 2015, p. 4). Ainsi, l’établissement de ce préjudice spécifique permet notamment de prendre en compte l’état de stress post-traumatique, ainsi que les troubles causés par ces événements si particuliers. Concernant les modalités de réparation, le guide d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme fixe un seuil minimal de 10 000 €. Par ailleurs, la Cour des comptes a précisé dans un rapport annuel que le montant de cette réparation pouvait atteindre 30 000 € (Cour de comptes, La prise en charge financière des victimes de terrorisme, communication à la commission des finances du Sénat, décembre 2018, p. 52). Là encore, le processus indemnitaire auquel se livre le fonds est fortement personnalisé, chaque victime ayant un parcours, un vécu et un ressenti différent. Le PESVT a été institué afin de différencier les victimes du terrorisme des victimes de droit commun et d’accidents collectifs. À ce titre, il permet de réparer l’intégralité des dommages engendrés par un attentat, mais n’accorde pas d’indemnisation spécifique pour la peur et l’angoisse vécues durant l’acte.

Par conséquent, le système indemnitaire proposé n’était pas adapté au préjudice particulier subi par les victimes d’attentats. C’est pour cette raison qu’un travail visant à améliorer leur indemnisation a été entrepris (II).

II. La recherche d’une meilleure indemnisation des victimes d’attentats

La Cour de cassation hésite fréquemment sur la qualification à donner aux situations qui lui sont soumises. Parfois, elle est tentée de reconnaître un préjudice autonome, à côté des chefs de préjudices existants, pour mieux prendre en compte la situation des victimes. D’autres fois, elle s’y refuse et utilise uniquement la nomenclature « Dintilhac » (en ce sens : Cass. Crim., 23 octobre 2012, no 11-83.770). À l’inverse, le FGTI propose quant à lui, une réparation forfaitaire complémentaire au titre du PESVT (en ce sens : Cass. 2e Civ., 5 février 2015, no 14-10.097, et Livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats, barreau de Paris, 2016, p. 11).

Partant de ces observations, les rédacteurs d’un livre blanc dénoncent qu’à travers cette indemnisation générale, le FGTI « ne distingue pas les atteintes subies lors de l’évènement et celles qui perdurent à titre définitif » et que l’indemnisation forfaitaire ainsi proposée se fonde sur des critères ne prenant pas en compte « la réalité des éléments concrets de l’angoisse subie par les victimes » (Livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats, barreau de Paris, 2016, p. 11). En conséquence, le constat est donc évident : cette indemnisation ne permet pas de répondre au principe essentiel en matière de responsabilité, à savoir celui de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. Il conviendrait alors de reconnaître des postes de préjudices spécifiques à cette question pour indemniser au mieux les victimes.

Ce livre blanc a été réalisé en 2015 par le barreau de Paris afin de dénoncer les difficultés à appréhender les situations personnelles des victimes d’actes terroristes et de militer pour la défense de leurs intérêts. Les 175 avocats porteurs du projet souhaitent, au travers de ce rapport, obtenir une meilleure indemnisation des victimes des attentats, et soumettent à ce titre de nouveaux critères d’évaluation et d’indemnisation. Il s’agit d’un travail réalisé par des professionnels, doté d’aucune force juridique, mais qui peut permettre, et nous le verrons a permis, de faire avancer les évaluations de certains préjudices. La difficulté pour évaluer le préjudice subi par une victime d’attentat vient du fait de la temporalité de ce préjudice. La victime subit le préjudice en deux temps : le préjudice lié au moment même de l’attentat, qui est un préjudice situationnel, et le préjudice postérieur à l’attentat qui peut entraîner un syndrome de stress post-traumatique. Dans le livre blanc, il est proposé de retenir comme élément déclencheur « le premier bruit ou [la] première image pour les victimes directes, [la] première notion de la présence possible d’un proche au cœur de l’attentat pour les victimes indirectes » (p. 15). Pour définir le préjudice d’angoisse, au sens large, ressenti par les victimes directes, trois exemples de catastrophes collectives, ayant donné lieu à des définitions jurisprudentielles du préjudice d’angoisse, sont pris par les auteurs : l’affaire du Queen Mary II jugée par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire du 11 février 2008, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 2 juillet 2009 ; l’affaire de la collision entre un TER et un car scolaire à Allinges traitée par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains dans un jugement du 26 juin 2013 ; et l’affaire du crash de Yemenia Airways de l’arrêt du 30 juin 2016 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

La définition suivante est ainsi proposée dans le livre blanc :

« le préjudice d’angoisse spécifique peut être défini, pour les seules victimes directes, comme le préjudice autonome exceptionnel inhérent à une souffrance supplémentaire distincte et résultant, pour les victimes décédées, de la conscience d’une mort imminente provoquée par un acte terroriste et de l’angoisse existentielle y affér[a]nt et, pour les victimes survivantes, de la même angoisse d’une crainte pour son existence qui, dans ce cas, se poursuit après la survenance du dommage et qui est la conséquence du retentissement sur la victime concernée de l’aspect collectif et terroriste du dommage quant à sa propre existence ou celles des autres victimes directes qui l’accompagnaient » (p. 25).

Une méthode d’évaluation indemnitaire est alors proposée en retenant sept critères indicatifs avec un indice d’intensité variant de 1 à 5 : la durée de l’exposition à l’acte terroriste, la déshumanisation, la peur pour ses proches présents sur les lieux, la proximité des éléments de mort, le confinement, la proximité du danger de mort immédiate et le retard de prise en charge par les secours. Une indemnité représentative est prévue (proposée à 5 000 €). Elle doit être multipliée au total par des éléments d’évaluation. Le montant de l’indemnité serait alors compris entre 12 500 € et 175 000 € (p. 41).

À côté de ce préjudice d’angoisse des victimes, un autre préjudice a été envisagé par le groupe de travail : le préjudice d’attente et d’inquiétude des proches. Il est alors défini comme « le préjudice autonome exceptionnel, directement lié aux circonstances contemporaines et immédiatement postérieures aux attentats terroristes eux-mêmes » (p. 52) et seize critères sont proposés (avec des niveaux d’intensité différents) pour l’évaluer, tels que le lien affectif avec la victime (p. 59).

Un an plus tard, en 2017, un nouveau rapport a été publié sur ce thème. Il s’agit du rapport dirigé par Madame Stéphanie Porchy-Simon (Rapport du groupe de travail sur l’indemnisation des préjudices situationnels d’angoisse des victimes directes et de leurs proches, février 2017). Le but était de se prononcer sur l’indemnisation du préjudice d’angoisse des victimes directes ainsi que le préjudice d’attente et d’inquiétude de leurs proches en formulant « des préconisations sur les modalités de caractérisation, d’évaluation et d’indemnisation des préjudices d’angoisse et d’attente » (Lettre de mission adressée au secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes, décembre 2016), et en identifiant leurs spécificités par rapport aux postes de préjudices prévus par la nomenclature « Dintilhac ». Afin de s’interroger sur la nécessité de la reconnaissance, l’autonomie et l’évaluation des préjudices d’angoisse et d’attente, les auteurs du rapport ont sollicité plusieurs avis d’associations d’aide aux victimes. De nombreuses victimes souhaitent une reconnaissance des préjudices d’angoisse et d’attente pour les victimes d’accidents collectifs au sens large.

Pour Monsieur Stéphane Gicquel, secrétaire général de la FENVAC : « le système français de l’indemnisation des victimes de terrorisme est marqué par un paradoxe » (p. 22), en ce qu’il est certes protecteur mais souffre de l’incompréhension par les victimes du rôle du FGTI qui ne leur offre aucune possibilité d’expression. Par ailleurs, les victimes non assistées ont du mal à cerner le contenu du PESVT indemnisé par le FGTI et les modes d’évaluation retenus sont jugés obscurs. Reconnaître l’autonomie de ces préjudices permettrait de « mettre des mots sur les souffrances et le vécu des victimes » et « d’humaniser la procédure devant le FGTI » (p. 23). Cela permettrait de prendre en compte la spécificité de l’événement. En effet, selon Monsieur Gicquel, les critères retenus dans le livre blanc pourraient être difficiles à mettre en œuvre compte tenu du nombre de victimes d’attentats. Il conviendrait plutôt de mettre en place des critères d’évaluation qui traduirait le vécu traumatique des victimes. Une fois ces critères déterminés, des quantums d’indemnisation seraient fixés par groupes de victimes selon leur degré de traumatisme.

Pour Madame Caroline Langlade, représentante de l’association Life for Paris, le droit ne peut indemniser juste les suites de l’événement mais doit également indemniser l’instant même (p. 24). Pendant l’acte terroriste, les victimes sont confrontées à la peur de se voir mourir, la peur de ne pas s’en sortir. La reconnaissance de cette souffrance liée au moment de l’acte participerait dès lors à la reconstruction des victimes.

Les auteurs du rapport ont également recueilli l’avis des représentants du groupe de travail qui a conduit à la rédaction du livre blanc. L’évaluation hors expertise est justifiée par le fait que les souffrances ressenties sont difficilement évaluables. Ont également été auditionnés les représentants du FGTI. Ceux-ci défendent alors le fonds qu’ils jugent soucieux de l’égalité entre les victimes mais souhaitent une clarification des postes de préjudices.

Les rédacteurs arrivent au constat selon lequel les victimes ne peuvent être indemnisées correctement par le biais des postes de préjudice de la nomenclature « Dintilhac » ou du PESVT, ceux-ci ayant vocation à indemniser les suites des événements et non le pendant. Il conviendrait de créer deux nouveaux postes de préjudices : le préjudice situationnel d’angoisse des victimes directes et celui de leurs proches. Ils définissent le premier comme « le préjudice autonome lié à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant d’un acte soudain et brutal, notamment d’un accident collectif, d’une catastrophe, d’un attentat ou d’un acte terroriste, et provoquant chez la victime, pendant le cours de l’événement, une très grande détresse et une angoisse dues à la conscience d’être confronté à la mort » (p. 49). Ce préjudice doit faire l’objet d’une évaluation in concreto et non médicale. Trois critères, adaptables à chaque évènement, sont alors dégagés pour offrir la meilleure indemnisation possible : la durée de l’exposition à la situation, la proximité du danger et les circonstances particulières qui entourent l’acte (p. 52). Le second est défini comme « le préjudice autonome lié à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant d’un acte soudain et brutal, notamment d’un accident collectif, d’une catastrophe, d’un attentat ou d’un acte terroriste, et provoquant chez le proche, du fait de la proximité affective avec la victime principale, une très grande détresse et une angoisse jusqu’à la fin de l’incertitude sur le sort de celle-ci » (p. 54). Ses critères d’évaluation, également adaptables à chaque situation, sont la proximité du lien affectif ainsi que la durée et les conditions de l’attente (p. 55).

Suite à ces travaux, deux arrêts de la Cour de cassation ont relancé l’intérêt de cette question et ont fait un pas vers la consécration autonome de nouveaux postes de préjudices (III).

III. Vers la consécration prétorienne du préjudice situationnel d’angoisse ?

Deux arrêts inédits ont été rendus par la Cour de cassation réunie en chambre mixte le 25 mars 2022 (Cass. ch. Mixte, 25 mars 2022, no 20-15.624 et no 20-17.072). Ils ont été l’occasion pour la Haute juridiction de se prononcer en faveur de l’autonomie du préjudice d’angoisse de mort imminente, ainsi que du préjudice d’attente et d’inquiétude par rapport aux préjudices respectifs de souffrances endurées et d’affection (préjudices compris dans la nomenclature « Dintilhac »). Cette consécration faite par les juges du quai de l’horloge, si elle était certes attendue, n’était pas innée. De facto, des divergences entre les chambres de la Cour de cassation démontraient la difficulté d’aboutir à une telle « autonomisation ».

S’agissant de l’angoisse de « mort imminente » la chambre criminelle et la deuxième chambre civile apparaissent divisées sur la réponse à apporter. Pour la chambre criminelle de la Haute Cour, le préjudice d’angoisse de mort imminente devait être distingué de celui relatif aux souffrances endurées, conduisant ainsi à une évaluation et une indemnisation distincte. Les Hauts magistrats prônaient de ce fait, la consécration de l’autonomie du préjudice d’angoisse de mort imminente (Cass. Crim., 5 octobre 2010, no 09-87.385 et no 100-81.743 ; Cass. Crim., 23 octobre 2012, no 11-83.770 ; Cass. Crim., 26 mars 2013, no 12-82.600 ; Cass. Crim., 15 octobre 2013, no 12-83.055 ; Cass. Crim., 29 avril 2014, no 13-80.693 ; Cass. Crim., 27 septembre 2016, no 15-83.309 ; Cass. Crim., 27 septembre 2016, no 15-84.238 et no 15-83.309 ; Cass. Crim., 20 octobre 2016, no 14-28.866 ; Cass. Crim., 11 juillet 2017, no 16-86.796 ; Cass. Crim., 23 novembre 2017, no 16-13.948 ; Cass. Crim., 14 mai 2019, no 18-85.616 ; Cass. Crim., 25 juin 2019, no 18-82.655). Néanmoins, la deuxième chambre civile s’opposait à leur argumentation et soutenait qu’une autonomie de ce poste de préjudice aurait pour conséquence d’allouer à la victime une double indemnisation, violant ainsi le principe de réparation intégrale du dommage sans perte ni profit (Cass. 2e Civ., 18 avril 2013, no 12-18.199 ; Cass. 2e Civ., 16 mai 2013, no 12-17.147 ; Cass. 2Civ., 11 septembre 2014, no 13-21.506 ; Cass. 2Civ., 5 février 2015, no 14-10.096 ; Cass. 2e Civ., 20 octobre 2016, no 14-28.866 ; Cass. 2e Civ., 2 février 2017, no 16-11.411 ; Cass. 2Civ., 29 juin 2017, no 16-17.228 ; Cass. 2e Civ., 14 septembre 2017, no 16-22.013, Cass. 2e Civ. 23 novembre 2017, no 16-13.948). Les Hauts magistrats de la deuxième chambre civile clamaient ainsi que les souffrances endurées comprenaient en leur sein différents préjudices tels que le préjudice moral de mort imminente subi par la victime.

En plus de l’attente pressante de la doctrine d’une intervention prétorienne, il pesait une pression supplémentaire sur les plumes des magistrats. En effet, au regard du contexte actuel, leur décision allait être déterminante dans la suite du processus indemnitaire, puisque s’ouvrait le procès des attentats du 14 juillet 2016, ayant tué 86 personnes, le 5 septembre dernier devant la cour d’assises spéciale de Paris. Ainsi, les décisions de la Cour de cassation rendue le 25 mars 2022 allaient nécessairement impacter les indemnisations allouées lors dudit procès.

Le premier arrêt concernait une victime d’agression à l’arme blanche, qui décéda suite à un arrêt cardio-respiratoire du fait de ses blessures. La commission d’indemnisation des victimes d’infractions (dit « CIVI ») alloua aux ayants droit de la victime une indemnité au titre, d’une part, des souffrances morales liées à la conscience de la victime de sa mort imminente, et, d’autre part, au titre des souffrances endurées. La cour d’appel de Papeete confirma d’ailleurs cette décision dans un arrêt en date du 29 août 2019. Mécontent, le FGTI forma un pourvoi en cassation en arguant que le préjudice d’angoisse de mort imminente ressenti par la victime était dilué dans le préjudice des souffrances endurées. Pour lui, « les différentes souffrances psychiques et troubles qui y sont associés sont inclus dans le poste de préjudice des souffrances endurées » et qu’il ne convient pas de procéder à une double indemnisation, qui aurait pour conséquence d’outrepasser le principe de réparation intégrale sans perte ni profit. La Cour de cassation devait donc se prononcer sur l’intérêt de distinguer ces deux préjudices en deux postes distincts. Les juges du quai de l’horloge relèvent que la victime a conservé un état de conscience, jusqu’à son décès, tel qu’elle a pu envisager sa propre fin au regard de la dégradation de ses blessures qui provoquaient une hémorragie interne et externe. De ce fait, un préjudice spécifique lié à l’angoisse d’une mort certaine doit être consacré et la chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

La seconde affaire concernait quant à elle, le décès d’une personne lors de l’attentat du Bataclan. Le FGTI alloua une indemnité aux ayants droit de la victime au titre, d’une part, du préjudice d’affection, et, d’autre part, du PESVT. Considérant cette offre insuffisante, la demanderesse la refusa et assigna le FGTI devant le tribunal de grande instance de Créteil. La cour d’appel de Paris indemnisa notamment la requérante au titre du préjudice d’attente et d’inquiétude des proches qui étaient restés sans nouvelles durant pas moins de quatre jours. Insatisfait, le FGTI forma un pourvoi en cassation en affirmant que ledit préjudice était inclus dans le préjudice d’affection et qu’en statuant ainsi la cour d’appel indemnisait deux fois le même préjudice. Les juges de la Cour de cassation devaient donc répondre à la même interrogation que dans l’affaire précédente. Elle se positionna également en faveur de l’autonomie du préjudice d’attente et d’inquiétude en estimant que « le préjudice d’attente et d’inquiétude que subissent les victimes par ricochet ne se confond pas, ainsi que le retient exactement la cour d’appel, avec le préjudice d’affection, et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant ces victimes, mais constitue un préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome ».

Dans ces deux arrêts, la Haute Cour rend sa décision en faveur de la création de deux nouveaux postes de préjudices. Elle étend de ce fait courageusement les chefs de préjudices prévus par la nomenclature « Dintilhac », qui s’avérait avoir une portée seulement indicative. D’un point de vue intellectuel, la reconnaissance de cette autonomie est de prime abord symbolique pour les victimes. En effet, créer ces nouveaux postes de préjudice spécifique leur permet de se sentir soutenues juridiquement dans leur reconstruction physique et psychique. De surcroît, cette « autonomisation » garantit aux victimes une meilleure indemnisation, puisque les préjudices ne se retrouvent pas affaiblis par une interprétation globalisée des préjudices de souffrances endurées et d’affection. Surtout qu’il était établi que les médecins experts prenaient davantage en compte les souffrances physiques que psychiques et constituaient ainsi un frein dangereux pour une indemnisation intégrale. Nous pouvons saluer la bravoure des Hauts magistrats d’avoir concrétisé cette autonomie. Nous devons toutefois regretter son manque de précision. Effectivement, dans les deux affaires traitées, les victimes directes ont succombé lors de l’événement, mais qu’en serait-il si elles avaient survécu ? Auraient-elles eu droit à une indemnité au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente ? Et s’agissant de leurs proches, auraient-ils eu l’indemnité relative au préjudice d’attente et d’inquiétude des proches ? Il semblerait que la réponse soit négative et que la Cour conditionne l’autonomie du préjudice d’angoisse de mort imminente à la gravité des blessures entraînant une mort certaine de la victime, ainsi qu’à la contiguïté de l’agression et du décès. C’est pourquoi, une victime qui survivrait miraculeusement d’un attentat, n’aurait, à priori, pas droit à une indemnisation alors même qu’elle était persuadée et consciente qu’elle allait mourir. Pourtant, l’angoisse situationnelle ressentie lors de l’événement est véridique et son indemnisation ne devrait pas être subordonnée à une mort certaine. La situation effroyable vécue par les personnes présentes lors des attentats leur a légitimement laissé croire, durant toute la durée de l’acte terroriste, qu’elles allaient être les prochaines, faisant ainsi naître un préjudice d’angoisse de mort imminente. De la même manière, la réparation du préjudice d’attente et d’inquiétude des proches des victimes directes semble être conditionnée à leur mort, ou du moins à de graves blessures. Par conséquent, les proches d’une victime sortant physiquement indemne d’un attentat, ne pourront pas être indemnisés, alors même qu’ils se sont inquiétés et imaginés le pire durant des jours, sous prétexte que l’issue de l’événement est favorable. Monsieur Laurent Bloch énonçait d’ailleurs en ce sens « ne faudrait-il pas alors ouvrir le droit à indemnisation aux proches de celui qui a été exposé à un péril grave à la suite d’un attentat indépendamment du résultat de cette exposition ? Autrement dit le critère de gravité devrait s’appliquer exclusivement au péril auquel la victime a été exposée et non au résultat de cette exposition » (Bloch L., « Reconnaissance de l’autonomie des préjudices d’angoisse de mort imminente et préjudice d’attente et d’inquiétude », RCA, 2022, no 5, comm. 120). D’autant plus que d’un point de vue chronologique, l’angoisse ressentie par les proches durant l’attente de nouvelles est bien antérieure au résultat de l’événement et devrait être indemnisée de la même manière selon que la personne décède ou survive.

Finalement, l’angoisse situationnelle souhaitée par le livre blanc en 2016, et par le rapport Porchy-Simon en 2017, liée à des circonstances traumatisantes, n’est que partiellement reconnue par la Haute juridiction. Les juges semblent effectivement subordonner la réparation des deux nouveaux postes de préjudices à la mort de la victime. Néanmoins, une lacune persiste s’agissant de la survie des victimes puisque dans ce cas l’angoisse qu’elles ont pu ressentir n’est pas juridiquement pleinement prise en compte et se trouve systématiquement liée aux préjudices de souffrances endurées et d’affection. Il semblerait que la question puisse être réglée, si les juges de la Cour de cassation consacraient l’autonomie du préjudice situationnel d’angoisse à proprement parler en suivant les propositions faites. Cela permettrait non seulement d’indemniser plus favorablement les victimes directes des attentats ainsi que leurs proches mais au surplus ce serait une symbolique indispensable à la reconstruction des victimes. En attendant une intervention prétorienne en ce sens, l’état de droit actuel ne laisse pas les victimes survivantes démunies. Néanmoins, elles devront se contenter des préjudices préalablement existants : le préjudice de souffrances endurées, et le PESVT. Quant à leurs proches, ils pourront toujours être indemnisés au titre du préjudice d’affection, mais également au titre du PESVT.

Pour conclure, nous sommes d’avis qu’une reconnaissance du préjudice situationnel d’angoisse est nécessaire pour offrir, à minima, une meilleure indemnisation aux victimes. Toutefois, certains auteurs restent hostiles à cette idée, craignant une multiplication des postes de préjudice. En effet, l’activité juridictionnelle, et celle des différents fonds d’indemnisation, conduisent aujourd’hui à un foisonnement des postes de préjudice. Cette situation est dénoncée par certains comme constituant « une tendance inflationniste des magistrats et des avocats vis-à-vis des postes de préjudice » (Rapport Dintilhac, p. 2). Pour d’autres, cette multiplicité vient créer une « incohérence », un « manque de lisibilité » et une remise en cause dans l’application uniforme de la nomenclature « Dintilhac » par les professionnels du droit, bien qu’elle ne soit qu’un instrument dépourvu de force obligatoire (Hacène A., « Victoire pour les victimes : pas de double indemnisation, mais deux nouveaux préjudices autonomes », Dalloz actualité, 13 avril 2022 et pour une analyse critique du phénomène de désintégration du préjudice moral et son impact sur l’équilibre économique et structurel du droit français de la responsabilité civile V. Knetsch J., « La désintégration du préjudice moral », Dalloz, 2015). Malgré ces réticences, il reste nécessaire de reconnaître officiellement le préjudice situationnel d’angoisse. Encore aujourd’hui, la situation et la détresse vécues par la victime au moment de l’attentat ne sont pas indemnisées par un chef de préjudice particulier, mais par plusieurs postes distincts qui ne prennent pas en compte les circonstances mêmes de la situation, c’est-à-dire l’angoisse ressentie « à l’instant T ». Il semblerait alors que la situation d’angoisse vécue par la victime survivante ne constitue pas un fondement suffisant et légitime pour obtenir une indemnisation autonome, à l’inverse de la personne décédée ou blessée durant l’attentat. En attendant une réelle consécration prétorienne, une simple amélioration de plafond ne suffirait pas, puisque l’argent n’est souvent qu’une maigre consolation pour les victimes. En effet, aucune somme ne pourra atténuer ni même effacer le traumatisme des victimes du terrorisme, puisque « les larmes ne se monnaient point » (CE, 1954, Bondurand). Ce n’est pas ce dont elles ont réellement besoin. Elles attendent une véritable consécration symbolique de leur préjudice situationnel d’angoisse qui faciliterait leur reconstruction. Néanmoins, tout laisse à croire que la consécration de l’autonomie du préjudice situationnel d’angoisse n’est pas à l’ordre du jour, notamment pour des raisons d’ordre économique. En effet, ce serait beaucoup trop coûteux d’allouer à toutes les victimes, de plus en plus nombreuses, une indemnité supplémentaire au titre de ce préjudice spécifique. La reconnaissance du préjudice situationnel d’angoisse reste nécessaire pour le bien des victimes. Monsieur Jean-Marie Pointier relève ainsi que « s’il n’est pas au pouvoir des dirigeants de supprimer tout ce qui est injuste, il est de leur devoir de contribuer à rendre ce dont ils ont la charge un peu plus juste » (Pointier J-M., « Indemnisation juste », Actualité juridique du droit administratif, 2017, no 13, p. 705). Avec cette reconnaissance, serait également solutionnée la problématique du statut même de victime situationnelle (à côté de la problématique seulement indemnitaire). Certaines refusent de se dire « victimes » de la situation subie à ce moment précis, et s’estiment uniquement victimes de ses conséquences, car elles n’ont pas été blessées physiquement (rapport Dintilhac, p. 25). La problématique soulevée est d’une importance capitale à plusieurs niveaux puisque des considérations humaines sont impliquées dans le débat. Les enjeux ne sont donc pas seulement juridiques, mais sont avant tout sociaux. Cette conciliation devra être prise en compte si une reconnaissance du préjudice situationnel d’angoisse devait voir le jour.

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Référence électronique

Noale Goi, Léonie Martins et Émilie Vincent, « Au cœur du processus indemnitaire des victimes ayant survécu aux attentats », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 24 | 2022, mis en ligne le 20 mars 2023, consulté le 18 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1709

Auteurs

Noale Goi

Étudiante en Master 2 Droit civil général, université Clermont Auvergne, F-63000 Clermont-Ferrand, France

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Léonie Martins

Étudiante en Master 2 Droit civil général, université Clermont Auvergne, F-63000 Clermont-Ferrand, France

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Émilie Vincent

Étudiante en Master 2 Droit civil général, université Clermont Auvergne, F-63000 Clermont-Ferrand, France

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