Le scandale des prothèses PIP a donné lieu à un large contentieux que ce soit dans le volet pénal avec la condamnation du dirigeant (Cass. crim., 11 septembre 2018, nº 16-84.059), dans le volet administratif avec la tentative d’engagement de la responsabilité de l’État (CE, 16 novembre 2020, nº 437600), ou encore dans le volet civil avec l’indemnisation des victimes. Au titre de ce dernier volet, la Cour de cassation s’était prononcée une première fois ce qui avait donné lieu à des cassations avec renvoi (Cass. civ. 1re, 10 octobre 2018, pourvois nº 15-26.093 ; nº 15-28.891 ; nº 15-28.531 ; nº 16-19.430 ; nº 17-14.401 ; nº 15-26.115 et 15-26.388). Il s’agit, dans cette espèce, de l’arrêt de la cour d’appel de renvoi, qui a donné lieu à un nouveau pourvoi en cassation.
La société PIP qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à une seconde société et à sa filiale, de procéder à l’évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu’à l’examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux. Ces sociétés avaient été choisies puisqu’elles étaient un organisme notifié par les États membres à la Commission européenne et aux autres États membres. Elles avaient rendu plusieurs décisions d’approbation du système de qualité de la société PIP et délivré un certificat d’examen CE. Or, à la suite d’une inspection, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d’un gel de silicone différent du gel de marque qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive. En effet, il y a eu un remplacement du gel prévu dans le dossier de conception ; le gel Nusil ayant permis à la société PIP de commercialiser ses produits conformément à la norme CE relative aux dispositifs médicaux. En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la Santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation. La société PIP a été placée en liquidation judiciaire et ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d’escroquerie, donc condamnés, en raison des manœuvres de dissimulation du gel utilisé lors des visites de la société de contrôle. L’assureur de la société PIP a assigné celle-ci en annulation des contrats d’assurance souscrits par cette société. Les distributeurs d’implants mammaires sont intervenus volontairement à l’instance pour soutenir que l’assureur devait sa garantie, et ont assigné en intervention forcée les sociétés qui avaient procédé au contrôle des implants (Catherine Berlaud, « L'affaire des implants mammaires devant la Cour de cassation, une occasion manquée ? », Gaz. pal. 2018, nº 36, p. 37-38). La cour d’appel de renvoi a déclaré ces sociétés civilement responsables des préjudices causés à des femmes porteuses d’implants mammaires PIP et aux distributeurs de ces prothèses, au titre d’un manquement à leur obligation de contrôle et de vigilance dans l’exercice de leur mission de certification des dispositifs médicaux. Elles se sont alors pourvues en cassation.
La Cour de cassation confirme la responsabilité des organismes notifiés. Selon elle, les sociétés de contrôle auraient dû vérifier la comptabilité de la société PIP pour s’assurer que les quantités de gel Nusil acheté étaient conformes aux ventes de prothèses réalisées. Cette comptabilité aurait démontré que les quantités commandées de gel Nusil, à partir de 2002, ne correspondaient pas aux quantités nécessaires à la fabrication des implants. Par ailleurs, au cours de l’année 2004, aucun achat de gel Nusil n’a été effectué. L’organisme notifié aurait donc également dû procéder à des visites inopinées, dans la mesure où il existait des indices suggérant que le dispositif médical n’était pas conforme. En cela, il a failli à sa mission de contrôle, de prudence et de vigilance. Il était également reproché un manque d’indépendance de l’organisme notifié en lien avec des intérêts économiques, issus de relations commerciales entretenues avec la société PIP. En outre, il a été relevé que l’organisme notifié a minoré l’importance des écarts sur la capacité de la société PIP à se conformer au système de qualité et recommandé le maintien de la certification. Se faisant, la responsabilité de l’organisme notifié doit être engagée. La Cour de cassation retient donc une double faute, tirée d’une « inertie fautive », et un lien de causalité avec des préjudices divers, tel que le préjudice d’anxiété mais également un préjudice moral distinct né d’une atteinte au droit à la santé (obs. Patrice Jourdain, « Les enseignements de l’affaire des prothèses PIP sur les préjudices moraux réparables », RTD civ. 2023, p. 899-902 ; Eugénie Petitprez, « Affaire PIP, ou la souplesse des conditions de la responsabilité civile », Dalloz Actualité juin 2023 ; Jérôme Peigné, « Prothèses PIP : la responsabilité de l’organisme notifié confirmée », RDSS 2023,p. 721-726 ; Mireille Bacache « Dommage corporel », D. 2023,p. 1977-1989). Le préjudice d’anxiété est caractérisé par le fait que les patientes porteuses de ces prothèses se trouvaient dans une situation d’incertitude et étaient exposées à un risque de complications pouvant nécessiter une explantation.
En revanche, l’arrêt d’appel est cassé et annulé sur la période de responsabilité retenue. La responsabilité des organismes notifiés est retenue à partir de 2006, date à laquelle la cour d’appel estime que l’organisme notifié aurait dû procéder à des visites inopinées des locaux de la société PIP qui auraient permis de découvrir la fraude. Or, la cour d’appel a relevé que les incohérences de comptabilité courent dès 2002. En conséquence, la responsabilité de ces organismes doit être recherchée dès 2002. L’extension de la période de responsabilité retenue conduira alors à réévaluer le montant des indemnités dues aux victimes.