L’arrêt rendu le 3 juillet 2014 par la Cour de cassation est une illustration topique de la question très épineuse que constitue le recours des tiers payeurs.
En l’espèce, une mutuelle avait versé à une victime d’un accident de la circulation, en application du contrat qui les liait, des prestations comprenant notamment une somme au titre de la prise en charge du forfait hospitalier.
On rappellera que le forfait hospitalier, dont le montant est fixé chaque année par arrêté ministériel, représente la participation financière du patient aux frais d’hébergement et d’entretien entraînés par son hospitalisation.
Afin d’obtenir remboursement de ces sommes, elle intenta un recours contre l’assureur du responsable de l’accident devant la juridiction de proximité de Niort sur le fondement de l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, lequel fixe limitativement un certain nombre de prestations ouvrant droit à recours subrogatoire (prestation à caractère indemnitaire par l’effet de la loi).
La juridiction de proximité a débouté la mutuelle de sa demande au motif que le forfait hospitalier ne faisait pas partie des prestations visées par l’article précité.
C’est dans ces conditions que l’organisme de mutuelle a déféré cette décision à la censure de la Cour de cassation.
Deux arguments principaux ressortent des moyens du pourvoi :
D’une part, l’organisme mutualiste reprochait aux juges du fond d’avoir considéré que le forfait hospitalier n’entrait pas dans les prévisions de l’article 29 alors que selon lui, il s’agirait d’une « somme versée en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation » et à tout le moins qu’on pourrait les rattacher « aux indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité versées par les groupements mutualistes » visées par le texte.
D’autre part, elle faisait grief à la juridiction d’avoir estimé que le caractère réparable ou non du forfait hospitalier pour la victime n’avait pas d’incidence sur l’existence de son droit à recours alors que selon elle, apprécier l’étendue du recours subrogatoire suppose de déterminer préalablement les droits de la victime elle-même.
La Haute juridiction, reprenant scrupuleusement la motivation des juges du fond, rejette le pourvoi, excluant ainsi purement et simplement le recours de la demanderesse.
Cette décision procède d’une interprétation stricte de l’article 29 de la loi de 1985 conforme à la volonté du législateur.
En effet, on ne peut intégrer le forfait hospitalier à la catégorie des « frais médicaux » qui relèvent de la prestation de soins et non de l’hôtellerie.
De la même manière, il ne s’agit pas plus « d’indemnités journalières » qui correspondent à des prestations ayant pour objet de pallier une perte économique ce qui n’est manifestement pas le cas s’agissant de la prestation litigieuse.
Quant à l’incidence des droits de la victime sur l’appréciation du droit au recours de la mutuelle, cet argument n’était pas plus recevable dans la mesure où l’action de la victime et l’action des tiers payeurs sont distinctes et reposent sur des fondements autonomes.
Pour aller plus loin :
La jurisprudence est partagée sur la possibilité de remboursement du forfait hospitalier en raison de sa nature, d’aucuns considérant que les dépenses d’hébergement et de nourriture représenté par ce forfait ne découleraient pas de l’accident puisqu’elles auraient été normalement exposées par la victime.
Si cette solution a l’avantage de la simplicité, elle n’est pas satisfaisante dans la mesure où le forfait hospitalier est « nécessairement lié à l’accident » (C.A. PARIS, 17ème chambre, Section A, 29 novembre 2004, RG n° 03/08763) car « compte tenu de son hospitalisation, la victime n’avait pas la possibilité de choisir un mode d’entretien moins cher et n’avait pas d’autre choix que de bénéficier des prestations hospitalières compensées par le paiement du forfait hospitalier » (CA POITIERS, 13 mars 2013, n° 11/04789).