Nécessité de distinguer le préjudice permanent exceptionnel du déficit fonctionnel permanent

Civ. 2e, 11 septembre 2014, n° 13-10.691

DOI : 10.35562/ajdc.429

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Mots-clés

déficit fonctionnel permanent, préjudice permanent exceptionnel

Rubriques

Victime directe blessée : préjudices extrapatrimoniaux

Consacrée par la nomenclature Dintilhac dans la catégorie des préjudices extrapatrimoniaux que peut subir une victime directe lorsqu’elle est blessée, l’indemnisation du préjudice permanent exceptionnel fait l’objet de beaucoup de débats aujourd’hui. Si, pour certains, la réparation de ce poste (censé indemniser « des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats » (V. notamment : Civ. 2e, 15 décembre 2011, n° 10-26.386 ; Civ. 2e, 16 janvier 2014, n° 13-10.566) devrait rester très restreinte pour préserver justement son caractère exceptionnel, pour d’autres (notamment les avocats de victimes), les potentialités de cette notion sont nombreuses et devraient être mieux explorées par la jurisprudence.

Envisagé ab initio par les membres de la commission Dintilhac comme un préjudice aux contours limités, comme en témoigne l’exemple donné par ces derniers pour illustrer ce poste (celui de la victime japonaise devenue incapable de s’incliner du fait d’une atteinte à la colonne vertébrale, signe d’extrême impolitesse dans sa culture), il est vrai que les situations susceptibles de rentrer dans le champ de la notion sont nombreuses. En dehors des préjudices que peuvent subir certaines victimes d’événements exceptionnels (attentats, catastrophes naturelles, crash aérien), un tel poste semble aussi pouvoir intégrer (comme l’a très bien démontré récemment un numéro spécial de la Gazette du Palais) le préjudice subi par des personnes croyantes privées de la possibilité de continuer à pratiquer leur religion dans des conditions ordinaires, et notamment dans l’impossibilité de s’agenouiller ou de participer normalement au culte (S. Fraisse et F. Bibal, « Le préjudice religieux », Gazette du Palais, 25 février 2014, n° 56, p. 7), celui subi par certains blessés graves contraints de séjourner durant le reste de leur existence en milieu institutionnel (A. Wantusch, « Le préjudice exceptionnel d’institutionnalisation », Gazette du Palais, 25 février 2014, n° 56, p. 9) ou encore le syndrome très particulier fait de honte et de culpabilité ressentie par certaines victimes de viols (S. Fraisse et D. Tapinos, « Le préjudice exceptionnel d’acte intra-familial », Gazette du Palais, 25 février 2014, n° 56, p. 14).

Pour autant, jusqu’à aujourd’hui, ce n’est pas le choix effectué par la Cour de cassation qui retient une conception très restreinte de ce poste ; rejetant régulièrement les demandes d’indemnisation supplémentaire fondées sur celui-ci au motif que son existence ne serait pas suffisamment caractérisée et détachée d’autres préjudices comme le déficit fonctionnel permanent (C. Cass. 15 décembre 2011, préc.) ou le préjudice esthétique (C. Cass. 16 janvier 2014, préc.).

Pour la Haute juridiction, le préjudice exceptionnel se caractérise d’abord par l’exclusion des autres postes. Face au retentissement particulier allégué, la première mission du juge est de passer en revue chaque chef de préjudice personnel pour vérifier si l’atteinte considérée n’est pas déjà prise en compte, quitte, bien sûr, à en majorer l’indemnisation quand le retentissement présente un caractère particulier.

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Référence électronique

Adrien Bascoulergue, « Nécessité de distinguer le préjudice permanent exceptionnel du déficit fonctionnel permanent », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 1 | 2014, mis en ligne le 06 mars 2015, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=429

Auteur

Adrien Bascoulergue

Université Lumière Lyon 2, Droit, contrat, territoires, DCT, EA 4573, F-69007, Lyon, France

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