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Administrateurs de société anonyme et conflits d’intérêts

Anthony Magagnin


1S’il est admis que l’action en responsabilité est plus volontiers engagée contre le directeur général – personnage central de la SA – qu’à l’encontre des administrateurs, cet arrêt de la cour d’appel de Lyon, rendu sur renvoi après cassation, fournit une illustration des fautes pouvant être retenues à l’encontre d’administrateurs.

2Dans le cadre d’une structure d’acquisition assez complexe, les actionnaires d’une SA avaient autorisé une cession de parts constituant l’un des principaux éléments de l’actif social. Soulignons que les administrateurs de la SA étaient, par l’intermédiaire d’une autre société, indirectement acquéreurs de ces parts. C’est dans ce contexte que différents manquements leur étaient reprochés.

3S’agissant tout d’abord de la recevabilité, la cour rappelle que l’approbation des comptes et le quitus donné en toute connaissance de cause ne sauraient faire obstacle à l’engagement ultérieur de la responsabilité des administrateurs.

4Sur les fautes reprochées, la cour considère qu’en réalisant la cession alors qu’ils avaient connaissance de son prix anormalement bas, les administrateurs avaient commis une première faute de gestion. Il est ensuite relevé que, en vue d’obtenir l’autorisation de cession par l’assemblée, les administrateurs avaient favorisé l’offre à 14 millions de Francs – formulée par leur propre société de reprise – face à une autre offre à 24 millions de Francs. S’ils avaient tenté de justifier cette préférence pour la première offre au motif que la seconde exigeait une garantie de passif, ce raisonnement n’a pas convaincu la cour. La garantie était en effet limitée, plafonnée et peu risquée en l’absence de passif particulier. Rien ne permettait d’expliquer l’absence d’information complète sur ces deux opportunités de cession « alors même que la dissimulation d’éléments de nature à influer sur le consentement du cédant constitue un manquement au devoir de loyauté ». La structure d’acquisition mise en œuvre avait, en outre, permis aux administrateurs de devenir détenteurs, sans investissement réel, d’une proportion importante des parts cédées. Ils avaient ainsi favorisé leur propre intérêt et non l’intérêt social. L’ensemble de ces éléments caractérisait donc un manquement à l’obligation d’information totale et transparente, constitutif d’une seconde faute de gestion. Enfin, en ne soumettant pas la cession à la procédure des conventions réglementées, les administrateurs avaient commis une troisième faute.

5Ainsi, les membres d’un conseil d’administration de SA ne sont pas à l’abri de toute action en responsabilité. Le devoir de loyauté et la protection de la société contre des potentiels conflits d’intérêts peuvent s’en voir renforcés.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 17 octobre 2019, n° 15/04729



Citer ce document


Anthony Magagnin, «Administrateurs de société anonyme et conflits d’intérêts», BACALy [En ligne], n°15, Publié le : 01/10/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2514.

Auteur


À propos de l'auteur Anthony Magagnin

Étudiant, M2 droit des affaires et fiscalité/DJCE, université Jean Moulin Lyon 3


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