Du rapport du juge-commissaire et de l’affirmation du principe de proportionnalité
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1Dans son arrêt du 16 janvier 2020, la cour d’appel de Lyon a statué notamment sur la responsabilité pour insuffisance d'actif et la faillite personnelle de M. C. et M. T., respectivement dirigeant de fait et dirigeant de droit de la SARL C.
2Nous développerons deux aspects de cet arrêt : la nullité du jugement liée au rapport du juge-commissaire et la proportionnalité affirmée concernant la faillite personnelle.
I/ La nullité du jugement liée au rapport du juge-commissaire
3L'article R.662-12 du Code de commerce dispose que le « tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L.653-8 ». Le rapport peut être écrit ou oral (voir également : CA Lyon, 18 avril 2013, n° 11/07778). S'il est écrit, il n'a pas à être communiqué aux parties, qui peuvent le consulter au greffe du tribunal. En effet le juge-commissaire n'est pas une partie, ne rend pas d'avis et aucun texte ne prévoit la communication de son rapport. Les dispositions de l'article 15 du Code de procédure civile sont inopérantes car elles régissent les échanges entre les parties.
4La cour d'appel ajoute qu'il s'agit d'une formalité substantielle dont l'absence emporte nullité du jugement. En revanche, elle n'entraîne pas la nullité de l'acte de saisine.
5En l'espèce, le rapport du juge-commissaire a été pris en compte par le tribunal mais le juge-commissaire n'était pas présent et le rapport non lu à l'audience. La cour en déduit l'absence de respect du contradictoire étant donné que les parties n'avaient pas connaissance du rapport sur lequel les premiers juges ont statué. La nullité du jugement s'impose.
6La nullité n'affectant pas l'acte de saisine, l'effet dévolutif de la cour d'appel s'applique. De surcroît, cette dernière n'a pas besoin du rapport du juge-commissaire pour statuer car il n'est pas une formalité substantielle (Cass. com., 22 mai 2013 : Dr. soc. n° 145, note Legros ; CA Lyon 15 déc. 2016, n° 16/01235 ; contra : CA Dijon, 19 avr.1994 : RPC1996).
II/ La proportionnalité affirmée concernant la faillite personnelle
7En matière de sanctions commerciales, le principe de proportionnalité s'applique. Par conséquent, chaque fait retenu par la juridiction du fond doit être légalement justifié, tant pour la faillite personnelle que pour l'interdiction de gérer (Cass. com., 1er déc. 2009, n° 08-17.187 B). Si l'un des griefs n'est pas fondé, cela entraîne la cassation de l'arrêt condamnant le dirigeant (par ex. : Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-20.652).
8La cour d'appel de Lyon avait récemment encadré son appréciation de la sanction par le principe de proportionnalité, sans toutefois le nommer (CA Lyon, 3e ch. A, 8 nov. 2018, n° 18/02773 ; É. André, « De la proportionnalité des sanctions commerciales », BACALy, n°12) [En ligne].
9C'est désormais chose faite : « les fautes personnelles retenues contre MM. T. et C. et leur propension à disposer comme il leur semblait des biens de l'entreprise dans leur intérêt personnel à un moment où elle périclitait doit motiver le prononcé d'une sanction de faillite personnelle d'une durée de dix années. Cette durée est proportionnée à la gravité de leur comportement qui doit conduire à les écarter durablement de l'activité de gestion d'une entreprise ».
10En l'espèce, les griefs retenus contre M. T. et M. C. sont les suivants : avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la société C. et avoir détourné une partie de l'actif de la société C. et augmenté son passif (4° et 5°, L.653-4 Cass. com.). Le premier grief est prouvé par la majoration de la rémunération de M. C. et le maintien de celle de M. T. ainsi que de son compte courant débiteur, le second par l'utilisation frauduleuse des comptes courants et la non-inscription en comptabilité du produit de la cession des matériels de l'entreprise.
Le principe de proportionnalité a semble-t-il de beaux jours devant lui.
Arrêt commenté :
CA Lyon, 3e chambre A, 16 janvier 2020, n° 19/00773
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Auteur
À propos de l'auteur Alessandra Faure
Étudiante en M2 ALED, université Jean Moulin Lyon 3