M. H, propriétaire de la parcelle section H nº 182 à Beaumont-de-Pertuis, a demandé par courrier du 1er août 2022 au maire de la ville d’engager la procédure constatant l’état d’abandon manifeste – ou de dresser un procès-verbal provisoire afférent à cette procédure – concernant les parcelles cadastrées section H nos 177, 178 et 180, conformément à l’article L. 2243-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et permettant d’engager ultérieurement la procédure d’expropriation prévue à l’article L. 2243-3 du même code.
Le maire, après avoir gardé le silence, a rejeté la demande par courrier du 1er décembre 2022. M. H a formé un recours contre ce refus, implicite puis explicite. Les conclusions du juge nîmois visent uniquement la décision expresse du 1er décembre 2022.
Il est de bon droit que la légalité de toute décision administrative puisse être contestée devant le juge1. Toutefois, ce principe connaît des limites : en tant qu’il est le régulateur du flux contentieux et le garant d’un accès maîtrisé à son prétoire, le juge administratif n’ouvre la voie du recours pour excès de pouvoir qu’à l’encontre de certains actes, qualifiés de décisoires, c’est-à-dire ceux qu’il considère comme faisant grief.
Il est donc question en l’espèce de savoir si ce refus, explicite, d’engager la procédure de l’article L. 2243-1 du CGCT et de dresser un procès-verbal provisoire constatant le même état d’abandon, est un acte faisant grief et donc susceptible de recours par la voie de l’excès de pouvoir.
Cette notion d’acte faisant grief est déterminante. En effet, elle conditionne la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. Un acte est considéré comme faisant grief lorsqu’il affecte de manière suffisamment immédiate et grave une situation juridique ou, plus largement, l’ordonnancement juridique. Peu importe que l’acte soit positif, par exemple une injonction ou une autorisation, ou négatif, tel qu’un refus. C’est son effet juridique qui importe. Le grief constitue ainsi un véritable marqueur de l’utilité concrète qu’il y aurait à statuer au fond sur le recours.
La jurisprudence, parfois implicite, n’a cessé d’évoluer, généralement dans un sens plus favorable à l’ouverture du prétoire du juge administratif. Il en résulte une difficulté réelle à donner une définition stable et exhaustive de l’acte faisant grief.
En l’espèce, force est de constater que le juge nîmois ferme la porte à une nouvelle extension de ces actes, puisqu’il affirme qu’« eu égard à l’objet et à la finalité de la procédure de déclaration de parcelles en état d’abandon manifeste, l’acte du 1er décembre 2022 ne saurait être regardé comme une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».
Le juge administratif se fonde donc sur « l’objet et la finalité de la procédure » pour juger de l’irrecevabilité des conclusions du demandeur, sans pour autant expliquer ce qui, dans cet objet et dans cette finalité, justifie sa décision. Il invite donc, par cette économie de motivation, à déduire son raisonnement : l’objet de la procédure est de produire une déclaration ou une constatation de l’état d’un bien, cet acte affecte l’état dudit bien en tant qu’il permet son expropriation future via l’article L. 2243-3 du CGCT. En ce sens, il peut être vu comme une mesure préparatoire qui demeure en marge du recours de l’excès de pouvoir. En effet, elle n’a pour objet que de précéder l’édiction d’un acte décisif futur, sans affecter à elle seule la situation juridique de l’administré. D’ailleurs, le juge administratif s’était déjà prononcé en ce sens en 2009, affirmant que les procès-verbaux dressés par un maire pour constater l’abandon d’une parcelle relèvent de la catégorie des mesures préparatoires2). Ils ne sont donc pas directement contestables3.
Ainsi est-il possible d’envisager ce raisonnement comme celui opéré par le juge nîmois pour écarter les conclusions du demandeur, d’autant qu’il constate qu’aucune opération d’expropriation n’était envisagée et que cette procédure relève en principe d’une « initiative du maire […] lequel n’était pas tenu […] de faire droit à la demande présentée par M. H. ». En définitive, il semble s’être fondé assez classiquement sur l’articulation entre la gravité et l’immédiateté de l’effet juridique produit.