Responsabilité administrative : indemnisation de préjudices résultant de la vaccination contre la covid-19

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Décision de justice

TA Montpellier, 2ème chambre – N° 2205591 – Mme X – 09 décembre 2024 – C+

Juridiction : TA Montpellier

Numéro de la décision : 2205591

Date de la décision : 09 décembre 2024

Code de publication : C+

Index

Rubriques

Responsabilité de la puissance publique

Textes

Résumé

Lorsqu’il est saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination effectuée dans le cadre de mesures prescrites sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe.

Il lui appartient ensuite, soit, s'il est ressorti qu’en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations subies par l'intéressé et les symptômes qu'il a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations

Première reconnaissance d’un possible lien de causalité entre le vaccin Pfizer contre la Covid-19 et un syndrome de tachycardie posturale orthostatique.

60 – Responsabilité de la puissance publique

60-02-01-03 Service des vaccinations

Notes – référence

CE, 9 février 2024, Mme C… n°471441

Responsabilité administrative : indemnisation de préjudices résultant de la vaccination contre la covid-19

Sarah Tabani

Enseignante-chercheuse contractuelle, docteure en droit public qualifiée aux fonctions de maître de conférences, université d’Avignon, membre du JPEG (UPR 3788), membre associée du CERCRID (UMR 5137)

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  • IDREF

DOI : 10.35562/ajamont.294

C’est le régime issu de l’article L. 3131-4 du Code de la santé publique (ci-après « CSP »), d’application exceptionnelle jusque-là, qui a concentré l’attention des autorités publiques durant les premiers mois de la crise sanitaire. Nous pensons ici à la lettre de l’ancien ministre de la santé, Olivier Véran, du 20 décembre 2020 par laquelle il a cherché à rassurer le corps médical en invoquant la prise en charge des dommages liés à la campagne de vaccination contre la covid-19 au titre de la solidarité nationale, laissant entendre que ce régime serait d’application automatique et exclusive1. C’est de l’application de ce régime de responsabilité d’exception dont il est question dans cette affaire.

La requérante assure en l’espèce souffrir une péricardite et du syndrome de tachycardie posturale (ci-après « POTS ») depuis un premier vaccin en date de janvier 2021 contre la covid-19, dont elle indique que les liens de causalité avec la vaccination sont fermement établis. Cela a par la suite été confirmé par des rapports d’expertises demandés par l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ci-après « ONIAM »). Elle demande par conséquent l’indemnisation de l’intégralité des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux auprès de l’ONIAM résultant de sa vaccination contre la covid-19. Le tribunal administratif de Montpellier fait droit à la demande de la requérante et condamne l’ONIAM à l’indemniser de l’intégralité de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux directement en lien avec ces pathologies. Il s’agit ici de revenir brièvement sur le régime d’exception découlant de la crise sanitaire.

Le régime d’indemnisation spécifique aux mesures sanitaires d’urgence

Lorsqu’il est saisi d’un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d’une vaccination effectuée dans le cadre de mesures prescrites sur le fondement de l’article L. 3131-1 du CSP, qui précise l’ampleur des pouvoirs du ministre chargé de la santé en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre peut dans l’intérêt de la santé publique prescrire certaines mesures, toute mesure réglementaire ou individuelle nécessaire.

Le tribunal rappelle qu’il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique au regard de la vaccination, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l’administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l’affection dont souffre l’intéressé est ou non établi, mais de s’assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu’il n’y a aucune probabilité qu’un tel lien existe. Le tribunal démontre aisément qu’au regard des études scientifiques et des symptômes de la requérante, le lien entre la vaccination et les symptômes en question est établi. Fondées sur l’article L. 3131-4 du CSP qui prévoit une réparation intégrale « des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins » qui sont réalisées en application de mesures sanitaires d’urgence, les conditions d’engagement de la solidarité nationale sont donc remplies pour la réparation intégrale des préjudices découlant des pathologies de péricardite et de syndrome de POTS. Il s’agit de la même procédure que pour la contestation des vaccinations obligatoires, la demande est adressée directement à l’ONIAM qui se prononcera directement sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande2.

La question de l’indemnisation de l’ONIAM ne fait en l’espèce aucun doute. On rappellera qu’en l’absence de faute, lorsqu’un préjudice est lié à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ayant entraîné des conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient, comme de l’évolution prévisible de celui-ci, l’ONIAM doit indemniser la victime. En l’espèce, le tribunal affirme que c’est bien à la suite de la vaccination, de surcroit en l’absence de tout antécédent explicatif, que la requérante a développé le syndrome de POTS et qu’il doit bien être regardé comme étant en lien avec l’injection du vaccin3.

Les réparations des préjudices issus de la vaccination contre la covid-19

L’intérêt est ici de constater quels préjudices peuvent être directement causés par le vaccin. Distinguant classiquement les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, le juge administratif retient principalement l’existence de préjudices extrapatrimoniaux. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux, le juge admet sans difficulté l’indemnisation des frais de déplacement liés à des rendez-vous médicaux et au stationnement, ainsi que l’existence des frais engagés en ce qui concerne l’assistance temporaire d’une tierce personne4. Il refuse en revanche l’indemnisation pour l’assistance permanente d’une tierce personne, étant établi par un examen clinique un bon état général de la requérante pour procéder aux tâches quotidiennes. Dans la même veine, le juge refuse également de reconnaitre le préjudice de perte de gains professionnels futurs en lien direct avec les pathologies (bien que la requérante exerce le métier d’infirmière libérale), au regard d’un faisceau d’indices (âge, état psychique, etc.). La requérante semble donc au regard de l’instruction en capacité de reprendre une activité comparable à celle qu’elle exerçait avant la vaccination.

S’agissant des préjudices extrapatrimoniaux, le juge reconnaît un déficit fonctionnel temporaire, l’existence de souffrances ainsi que des conséquences sur son activité professionnelle à indemniser au regard de la pénibilité physique et psychologique découlant des pathologies de nature à grever ses chances de progression et possibilités d’investissement en milieu professionnel. En ce qui concerne les préjudices permanents, le juge constate l’existence d’un préjudice d’agrément, la requérante justifiant de la pratique habituelle du sport, ainsi que d’un préjudice sexuel et d’un déficit fonctionnel permanent. On note que la cour administrative d’appel de Versailles a également admis l’existence d’un préjudice sexuel résultant de la vaccination par le Pandemrix contre la grippe A5.

La solution de l’arrêt commenté s’inscrit dans la ligne jurisprudentielle visant à indemniser les requérants victimes d’effets du vaccin contre la covid-19.

Notes

1 Le texte est consultable sur le site internet du ministère [en ligne] Retour au texte

2 CSP, articles R. 3131-1 à R. 3131-3-5. Retour au texte

3 Voir par analogie sur la vaccination contre la grippe A H1N1, TA de Bordeaux, 22 mai 2025, nº 2302658. Retour au texte

4 Voir dans le même sens, TA de Strasbourg, 1er avril 2025, nº 2302572, sur la vaccination la grippe A H1N1 Retour au texte

5 Cour administrative d’appel de Versailles, 20 mars 2025, nº 23VE00470. Retour au texte

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