Par la présente décision, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions d’exercice de l’action récursoire de l’ONIAM ayant indemnisé la victime des préjudices résultant d’une infection nosocomiale.
Rappelons qu’en vertu de l’article L 1142-1-1 du code de la santé publique, les dommages résultant d’infections nosocomiales les plus graves ouvrent droit à réparation par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale.
Toutefois, le législateur a prévu la possibilité pour l’Office, au titre d’une action récursoire, d’agir contre le praticien ou l’établissement de santé à la stricte condition d’établir que le dommage résulte d’une faute qui leur est imputable.
« Lorsqu’il résulte de la décision du juge que l’Office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l’article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l’établissement de santé, le service ou l’organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l’origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. L’office signale sans délai l’infection nosocomiale au directeur général de l’agence régionale de santé. »
C’est dans ces conditions que l’ONIAM, dans le cadre de la présente espèce, avait intenté un recours contre le praticien, lui reprochant une faute d’information, à l’origine pour le patient d’une perte de chance d’éviter l’intervention dommageable.
La cour d’appel le déboute de sa demande. La Cour de cassation confirme cette position, estimant que dans le cadre de son action récursoire, l’ONIAM ne peut se prévaloir « de la méconnaissance du droit, reconnu aux patients par l’article L. 1111-2, d’être informés des risques des traitements qui leur sont proposés ».
Ainsi, la Cour fait une distinction entre les droits attachés aux patients dont la transgression ne peut servir de fondement à l’action récursoire de l’ONIAM et la faute médicale au sens strict qui peut, quant à elle, justifier un tel recours.
L’ONIAM doit ainsi démontrer que l’établissement de santé ou le praticien a commis « une faute à l’origine de l’infection », distincte du seul manquement à l’obligation d’information (faute d’asepsie, faute dans la mise en œuvre de l’antibioprophylaxie, retard fautif de diagnostic, etc.).
En réalité, la Haute juridiction se rallie ici à la position adoptée par le Conseil d’État qui pour rejeter toute action récursoire de l’ONIAM en la matière, se réfère à l’intention du législateur (CE, 28 novembre 2014, n° 366154) :
« 5. Considérant, enfin, qu’en prévoyant, par les dispositions citées ci-dessus de l’article L. 1142-21 du code de la santé publique, que l’ONIAM, condamné, en application de l’article L. 1142-1-1 du même code, à réparer les conséquences d’une infection nosocomiale ayant entraîné une incapacité permanente supérieure à 25 % ou le décès de la victime, peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l’établissement de santé, le service ou l’organisme concerné ou son assureur “en cas de faute établie à l’origine du dommage”, le législateur n’a pas entendu exclure l’exercice de cette action lorsqu’une faute établie a entraîné la perte d’une chance d’éviter l’infection nosocomiale ou d’en limiter les conséquences ; qu’ainsi, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant, pour écarter la possibilité pour l’ONIAM d’exercer une action récursoire en se prévalant de ce que le centre hospitalier n’avait pas informé M. A… des risques d’infection nosocomiale que comportait l’intervention qui lui était proposée, qu’une telle faute, à la supposer établie, n’aurait pas constitué la cause directe de l’infection nosocomiale mais pouvait seulement avoir fait perdre au patient une chance de l’éviter en refusant l’intervention ; 6. Considérant, toutefois, que le législateur n’a pas entendu permettre à l’office, dans le cadre de son action récursoire dirigée contre l’établissement de santé, de se prévaloir de la méconnaissance du droit que l’article L. 1111-2 du code de la santé publique reconnaît aux patients d’être informés des risques des traitements qui leur sont proposés ; qu’il y a lieu de substituer ce motif, qui n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait, à celui sur lequel repose l’arrêt attaqué, dont il justifie sur ce point le dispositif ; »
Pour aller plus loin :
Pour un exemple de fautes susceptibles de justifier l’action récursoire de l’ONIAM : CAA Lyon, 6 novembre 2014, n° 12LY24173.