En l’espèce, M. Y. a été victime, le 27 octobre 2007, d’un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par Mme X., préposé de la société L. La victime et son épouse assignent donc la société en indemnisation de leurs préjudices.
Dans un arrêt du 12 octobre 2015, la cour d’appel de Paris évalue le préjudice « perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle » à hauteur de 70 000 € prenant alors en considération le refus de la victime du poste de reclassement qui lui avait été proposé par la société L.
M. Y ainsi que son épouse font grief à l’arrêt de limiter de la sorte l’évaluation du dommage corporel subi. Il précise ainsi, au nom du principe de la réparation intégrale, que la Cour n’avait pas à tenir compte des actes que la victime a pu accomplir ou a pu s’abstenir d’accomplir postérieurement à la réalisation du dommage et qui auraient pu éventuellement réduire son préjudice.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 12 janvier 2017 rejette le pourvoi. Elle précise alors que le moyen
« ne tend, sous couvert du grief non fondé de violation de la loi qu’à remettre en discussion […] l’appréciation souveraine par laquelle la cour d’appel, relevant que le reclassement proposé à M. Y […] sur un poste conforme aux recommandations du médecin du travail et aux conclusions de l’expert judiciaire confirmait, même s’il l’avait refusé, sa capacité subsistante à exercer une activité professionnelle, à évaluer l’étendue de son préjudice ».
Deux éléments semblent, selon nous, devoir retenir notre attention :
- Rappel de l’évaluation in concreto des préjudices corporels
La Haute juridiction réaffirme tout d’abord l’importance du pouvoir souverain des juges d’appel. Le principe de réparation intégrale et le principe indemnitaire ont pour corollaire une étroite personnalisation de l’indemnisation tant quant à la détermination des préjudices subis que dans leur évaluation. Les juges doivent donc analyser et évaluer les éléments de faits. La Cour ne fait ici que rappeler le principe de l’évaluation in concreto des préjudices (en ce sens par exemple : Civ. 2e, 30 juin 2005, n° 04-06.039).
- Précisions concernant les conditions tenant à l’indemnisation des conséquences professionnelles de l’incapacité permanente
Lorsque la victime accidentée conserve des séquelles définitives après consolidation, des retentissements peuvent se produire dans la sphère professionnelle. La nomenclature Dintilhac indemnise ces conséquences sous trois chefs de préjudices distincts : PGPF ; IP ; PSU.
Lorsque l’état de la victime ne lui permet pas de poursuivre son activité antérieure mais qu’il ne l’empêche pas de poursuivre certaines reconversions professionnelles, alors l’évaluation du préjudice se trouve ajustée par les magistrats en fonction des possibilités qui lui sont offertes.
En l’espèce, les conclusions de l’expert soulignaient la capacité de la victime à exercer une activité adaptée à son état. La société L. lui avait proposé un poste conforme aux recommandations médicales. La victime était en droit de refuser cette proposition de reclassement. Cependant, selon la Haute juridiction, ces éléments permettaient au magistrat de constater sa capacité subsistante à exercer une activité professionnelle et donc à ajuster l’évaluation de ses préjudices.