Les décisions relatives à la réalisation et l’exploitation des installations fixes et permanentes de présentation au public des animaux d’espèces non domestiques relèvent du contentieux de la pleine juridiction

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Décision de justice

CAA Marseille, 7e chambre – N° 22MA00901 – SAS Cheloniens Diffusion – 22 septembre 2023

Juridiction : CAA Marseille

Numéro de la décision : 22MA00901

Numéro Légifrance : CETATEXT000048106803

Date de la décision : 22 septembre 2023

Index

Rubriques

Environnement

Résumé

Les décisions relatives à la réalisation et l’exploitation des installations fixes et permanentes de présentation au public des animaux d’espèces non domestiques trouvent leur fondement juridique à la fois dans la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement et dans la législation relative à la protection de la nature et relèvent ainsi d’un contentieux de pleine juridiction, dans les conditions fixées par l’article L. 514‑6 du code de l’environnement.

Conclusions du rapporteur public

Olivier Guillaumont

Rapporteur public

DOI : 10.35562/amarsada.388

« A Cupulatta » signifie tortue en langue Corse.

Par un arrêté du 2 novembre 2000, le préfet de la Corse‑du‑Sud a autorisé l’ouverture du parc animalier « A Cupulatta ». Porté par la SAS Cheloniens Diffusion, ce parc est implanté sur un site naturel de 2,5 ha. Il permet aux visiteurs de découvrir des tortues de tous les continents. Le parc a également une activité d’élevage de tortues terrestres et aquatiques du monde entier.

La SAS Cheloniens Diffusion a déposé, les 28 avril 2008 et 9 août 2017, des demandes de délivrance de certificat intra-communautaire (CIC) de « code source C » (commerce) en vue de la commercialisation de tortues terrestres figurant à l’annexe A du règlement CE no 338/97 du conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce.

Par courrier du 6 décembre 2018, le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la Corse­du‑Sud a rejeté ces demandes.

A la suite de rapports en manquement administratif de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de la Corse-du-Sud du 26 mars 2019 et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage du 3 septembre 2019, la préfète de la Corse‑du‑Sud, par un arrêté du 16 janvier 2020, l’a mise en demeure de régulariser sa situation administrative concernant la commercialisation de tortues terrestres menacées d’extinction et son activité de parc animalier de présentation au public.

La SAS Cheloniens Diffusion relève appel du jugement du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Bastia qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 16 janvier 2020.

I. REP ou plein contentieux ?

Ce type d’établissement est soumis à une double autorisation :

- En application d’abord de l’article L. 512‑1 du code l’environnement, au titre de la rubrique 2140 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement qui vise la « présentation au public d’animaux non domestiques (installations fixes et permanentes de présentation au public) ».

- En application ensuite de l’article L. 413‑3 du code de l'environnement1, qui s’applique « sans préjudice des dispositions en vigueur relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement », pour l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

Depuis 2005, l’article R. 413‑12 du code de l’environnement précise : « Lorsque l'établissement est soumis à autorisation en application de l'article L. 512‑1, la demande d'autorisation présentée à ce titre vaut demande d'autorisation au titre de la présente sous‑section. ».

Mais comme l’explique Xavier de Lesquen dans ses conclusions sur CE du 30 janvier 2013, Section Européenne du Fonds International pour la Conservation de la Nature, no°347177,

« si en vertu de l’article R. 413‑12 du code de l'environnement, la demande d’autorisation au titre de la législation ICPE vaut demande d'autorisation au titre de la loi sur la protection de la nature, les deux autorisations demeurent distinctes. Il faut donc considérer, comme la cour, que l’arrêté est divisible et comporte deux mises en demeure distinctes. »

Il précise dans une note de bas de page : « En vertu de l’article 10 du décret du 25 novembre 1977 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, dont est issue cette législation, l’autorisation délivrée au titre de la législation ICPE valait autorisation d’ouverture pour la législation de protection de la nature (voir pour un exemple d’application : 19 octobre 1990, Manseau, no°88901, B fiché sur ce point). Mais ces dispositions n’ont pas été reprises lors de la codification du décret de 1977 dans le code rural (décret du 27 octobre 1989 créant l’article R. 213‑17 du code rural, repris depuis à l’article R. 413‑15 du code de l’environnement). ». Précisons qu’elles n’ont pas davantage été reprises dans le code de l’environnement.

Il convient donc parfois pour une même structure de raisonner au regard des deux législations.

C’est précisément le cas en l’espèce, l’arrêté et les mesures prises, relèvent pour partie de la législation relative à la protection de la nature et pour partie de la législation relative aux installations classées dès lors notamment que l’article 2 de l’arrêté contesté porte « mise en demeure concernant son activité de parc animalier avec présentation au public », activité qui relève de la rubrique 2140 de la rubrique des installations classées (R. 413-6 du code de l’environnement).

Cette spécificité conduit à s’interroger sur votre office.

Vous savez que dans le cadre du contentieux des ICPE, vous intervenez en tant que juge du plein contentieux.

En revanche, le Conseil d’Etat n’a pas pris fermement position sur l’office du juge s’agissant de l’article L. 413‑3 du code de l'environnement qui reprend les dispositions de la loi du 19 juillet 1976 sur la protection de la nature en ce qui concerne l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

Dans les conclusions précitées (sur CE du 30 janvier 2013, Section Européenne du Fonds International pour la Conservation de la Nature, no°347177) Xavier de Lesquen était d’avis de rester dans une logique de REP :

« contrairement aux mesures de police administrative prises pour l’application de la législation ICPE, aucune disposition législative n’impose que celles prises en application de loi du 10 juillet 1976 soient soumises à un contentieux de pleine juridiction. La qualification de la nature du recours ouvert contre la décision administrative procède en principe, en l’absence de texte, de l’entière liberté du juge (voir 1er avril 2005, Mme Le Pen, p. 136 ; également les conclusions du Président Genevois sous la décision de Section du 8 janvier 1982, Aldana Barrena, p. 8). Mais en l’espèce, nous ne voyons guère de raison de considérer que cette police des établissements d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, qui se rattache à la police de la protection de la faune et de la flore, soulève « par nature » un litige de plein contentieux, même si elle est, en cette matière particulière, étroitement associée à la police des ICPE . Nous pensons donc raisonnable d’en rester au cadre habituel du litige pour excès de pouvoir. »

Des réserves peuvent cependant être opposées à cette position dès lors notamment qu’en pratique, comme le présent dossier le démontre, les décisions prises mettent en œuvre ou portent sur les deux polices.

L’étude de la jurisprudence du Conseil d’Etat montre que les deux solutions sont pleinement envisageables.

Il s’agit en réalité d’un choix de « politique jurisprudentielle ».

La première option consisterait à verser dans le plein contentieux l’ensemble des décisions portant sur les établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

Il existe un précédent relativement comparable.

Ainsi, le Conseil d’Etat a qualifié, de recours de plein contentieux, les autorisations délivrées à des centrales hydroélectriques au titre de la loi de 1919 (CE 12 novembre 2007 Lorette et SARL Force et Energie Electrique no°288 456 en B). Cet arrêt est fiché ainsi :

« Les décisions relatives à la réalisation et à l'exploitation des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique trouvent leur fondement juridique simultanément dans la loi du 16 octobre 1919 et dans les articles L. 214‑1 et suivants du code de l'environnement et relèvent ainsi, en application de l'article L. 214‑10 de ce code, d'un contentieux de pleine juridiction, dans les conditions fixées par l'article L. 514-6 du même code ». Le Conseil a choisi d’assimiler ces autorisations à celles qui sont délivrées au titre de la loi sur l’eau de 1992, lesquelles relèvent bien, pour leur part, d’un contentieux de pleine juridiction en vertu de l’article L. 214‑10 du code de l’environnement.

Dans ses conclusions sur cet arrêt M. Yann AGUILA éclaire les motifs de cette décision après avoir envisagé la solution inverse :

« (…) Ce qui nous a définitivement convaincu du fait qu’une telle solution n’était pas opérationnelle, c’est la lecture, dans le présent dossier, de l’arrêté du 26 juin 1990, précité, dont avait initialement bénéficié M. Lorette pour étendre la capacité de son installation. Cet arrêté montre que l’autorisation et le règlement d’eau constituent en réalité un seul et même acte juridique. Son article 1er, qui s’intitule « Autorisation de disposer de l’énergie », constitue l’autorisation délivrée sur le fondement de la loi de 1919. Et les articles 2 et suivants, qui comportent les prescriptions techniques (caractéristiques du barrage, débit réservé, inondations, libre circulation des poissons, etc), constituent le « règlement d’eau ».

Il ne nous paraît pas possible de dissocier, au sein d’un même acte juridique, deux séries de dispositions, pour les soumettre à des régimes contentieux différents.

En réalité, la notion de « règlement d’eau » n’est peut-être pas si précise qu’il n’y paraît. En l’espèce, l’arrêté de 1990 porte le titre, globalement, de « règlement d’eau ». Mais il comporte à la fois l’autorisation elle-même et les prescriptions techniques. L’autre solution, conforme à cette réalité, consisterait alors à dire que les règlements d’eau, au sens de l’article L. 214‑5, comprennent l’autorisation. Dans ce cas, les autorisations d’exploiter une installation hydraulique relèveraient bien d’un recours de plein contentieux. Mais, par voie de conséquence, il faudrait également appliquer un tel recours au refus d’autorisation - c’est à dire à la décision contestée en l’espèce (sauf à instituer un régime symétrique : plein contentieux pour les autorisations, recours pour excès de pouvoir pour les refus d’autorisation - mais on voit mal ce qui justifierait une telle distinction).

On pourrait alors songer à une seconde solution, qui s’inspirerait de votre décision Gaston : au sein des décisions relatives aux installations hydrauliques, seules les « mesures de police de l’eau » seraient soumises à un contentieux de pleine juridiction. Voire en fonction du moyen soulevé, dans un recours dirigé contre l’ensemble de ces dispositions ?

Toutefois, cette solution se heurte à plusieurs objections. D’abord, le critère de la « mesure de police » est vague et difficilement applicable en pratique. Que faut-il entendre par « mesures relevant de la police de l’eau » ? La loi de 1992 prévoit que cette police a pour but de veiller au respect des intérêts mentionnés à l’article L. 211‑1. Dès lors, toute mesure préfectorale destinée à une installation hydraulique ne contribue-t-elle pas, directement ou indirectement, à la protection de ces intérêts ?

Inversement, au sein d’un même arrêté préfectoral d’autorisation d’une installation hydraulique, toutes les dispositions n’ont pas pour unique objet d’assurer la protection de l’eau. Faut-il alors faire varier les pouvoirs du juge, au cas par cas, en fonction de l’objet de la disposition litigieuse ?

C’est pourquoi, après avoir hésité, nous penchons finalement pour une troisième solution, celle qui consiste à unifier le régime en soumettant tous les litiges relatifs aux installations de la loi de 1919 à un recours de plein contentieux.

Certes, contre cette solution, on pourrait observer qu’il n’y a pas de plein contentieux sans texte. Or, il n’existe pas ici de source légale expresse au plein contentieux, sauf pour ce qui concerne les règlements d’eau. Mais cette objection peut être facilement écartée : tous les régimes de plein contentieux ne sont pas nécessairement fondés sur des textes – à commencer par le régime des installations classées, qui est né, sans texte, sur la base d’une tradition historique, et en poursuivant avec le contentieux des prises d’eau fondées en titre, dont il a toujours admis qu’il revêtait le caractère d’un plein contentieux.

Or, une telle solution peut se prévaloir de plusieurs avantages. D’abord, elle nous paraît conforme à l’esprit de l’articulation voulue par le législateur entre les deux régimes. On aurait pu instituer un mécanisme de double autorisations, les unes prises au titre de la loi de 1919, les autres au titre de la police de l’eau. Le législateur a voulu simplifier le dispositif, en posant le principe selon lequel l’autorisation d’exploitation des installations hydrauliques prise au titre de la loi de 1919 pouvait intégrer les préoccupations de la loi sur l’eau. Dès lors, tout arrêté préfectoral relatif à une installation hydraulique est susceptible de comporter des dispositions prise au titre la police de l’eau. Comme tout arrêté relatif à la loi sur l’eau, il peut donc être soumis à un plein contentieux. 

En outre, même si tous les litiges en droit de l’environnement ne relèvent pas d’un plein contentieux – pour les installations nucléaires, voyez votre décision d’Assemblée du 28 février 1975, Sieur Herr, Rettig et Boss, aux conclusions du président Denoix de Saint Marc – il faut bien reconnaître que cette matière connaît fréquemment un tel régime : on pense, outre la loi sur l’eau, au régime des installations classées ; mais également, et dans une hypothèse plus proche de notre affaire, au contentieux des prises d’eau fondées en titre, qui relève bien d’un régime de pleine juridiction. 

Enfin, une telle solution aurait le mérite de la simplicité et de la sécurité juridique. 

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à juger que le présent litige relevait bien d’un plein contentieux. Dès lors, comme le soutiennent les requérants, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en se plaçant à la date des décisions attaquées pour apprécier la validité du titre de propriété de M. Lorette sur les parcelles litigieuses ».

Les arguments évoqués par Yann Aguila dans ce précédent peuvent pour une large part être repris en l’espèce. Pour être totalement transparent avec vous, nous devons vous préciser qu’il existe une différence avec ce précédent ; dans l’affaire de ce matin les textes n’ont pas prévu une autorisation unique. Nous l’avons déjà dit l’article R. 413‑12 du code de l’environnement précise : « Lorsque l'établissement est soumis à autorisation en application de l'article L. 512‑1, la demande d'autorisation présentée à ce titre vaut demande d'autorisation au titre de la présente sous-section. ». Cela ne nous semble cependant pas décisif et à la lumière de ce précédent, il ne serait pas incohérent de basculer dans une logique de plein contentieux. Le dossier peut être regardé comme s’y prêtant d’autant plus que, comme nous l’avons vu, que deux législations peuvent s’appliquer à la même structure.

Toutefois cet argument a ses limites car précisément même si vous n’avez qu’un seul arrêté, il contient bien deux décisions distinctes soumises à des législations distinctes bien qu’imbriquées. Et s’il peut sembler incohérent que les deux polices ne soient pas toutes deux soumises au même type de recours, ce n’est en réalité que la marque de la singularité du contentieux des installations classées.

Comme l’expliquait le commissaire du Gouvernement C. de La Verpillière sur CE Sect., 15 décembre 1989, Ministre de l’environnement c/ Société Spechinor (Rec. p. 254, CJEG 1990 p. 136)

« cette caractéristique résulte directement des textes qui ont successivement régi la matière. Le premier fut le décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode, modifié par le décret du 25 mars 1852. Il associait étroitement les conseils de préfecture à l’application de la réglementation puisque ceux-ci étaient d’une part consultés sur les autorisations d’ouverture d’établissements de première classe et d’autre part appelés à statuer sur les « oppositions » formées par les voisins ainsi que sur les « recours » formés par les industriels, mais seulement dans ce cas pour les établissements de 3e classe. Cette implication des conseils de préfecture dans la procédure, liée au fait qu’ils ne pouvaient à l’époque être saisis de recours pour excès de pouvoir, ont tout naturellement fait de ce contentieux un contentieux de pleine juridiction. Vous l’avez confirmé à maintes reprises sous l’emprise de cette législation (…). La loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ne changera rien à la nature du recours porté devant le conseil de préfecture. Au contraire, en vertu des articles 14 et 19 dans leur rédaction issue de la loi du 20 avril 1932, celui-ci devint la juridiction de droit commun pour les recours formés contre les arrêtés préfectoraux d’autorisation, de refus d’autorisation, de sursis ou d’ajournement à statuer, ceux imposant des conditions nouvelles ou portant atténuation des prescriptions déjà édictées, quelle que soit la classe de l’établissement ou la qualité du requérant. (…) Aujourd’hui, le recours spécial de plein contentieux trouve son fondement dans l’article 14 de la loi du 19 juillet 1976 (…) les travaux préparatoires de la nouvelle loi indiquent sans aucune ambiguïté qu’il n’est pas porté atteinte à la nature du recours »2.

Vous connaissez la suite, l’ensemble des lois adoptées depuis ont confirmé la nature des recours existant en matière d’ICPE. La consécration textuelle a été faite par la loi no°92‑654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi no°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Cette loi est venue modifier (article 7 IV3) de l’article 14 de la loi no°76‑663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement en y précisant que les décisions en cause « sont soumises à un contentieux de pleine juridiction »4. Cette précision est aujourd’hui codifiée à l’article L. 514‑6 du code de l’environnement5.

Il n’existe pas de dispositions législatives équivalentes en ce qui concerne la protection du patrimoine naturel dont font partie les espèces végétales et animales (articles L. 411-1 et s du code de l’environnement). Les travaux parlementaires préparatoires à la loi no°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ne comportent pas d’indication sur la nature du contentieux6. Les aspects contentieux sont peu nombreux dans la loi sur la protection de la nature et le législateur n’a ni explicitement, ni implicitement (ni consciemment ni inconsciemment) recherché de cohérence sur ce point avec la législation ICPE (consécration en 1992 comme indiqué précédemment7).

Bref, il ne nous semble pas qu'il existe une volonté du législateur de s'opposer à un éventuel passage au plein contentieux.

Mais l’absence, dans la loi de 1976 sur la protection de la nature, de disposition législative équivalente à la loi (adoptée quelques jours plus tard) sur les ICPE, « matière » voisine, peut être perçue comme un indice de l’intention du législateur. Voyez par exemple en ce sens M. Stéphane HOYNCK dans ses conclusions sur CE 24 juillet 2019 Réseau sortir du nucléaire et autres nos°4161408, 425780 :

« votre liberté pour définir la nature de votre office est plus limitée lorsque le législateur a fixé cet office pour des domaines voisins de celui dont vous êtes saisi. Vous avez ainsi déjà retenu une lecture stricte de l’article L. 596‑2, s’agissant des décisions prises par l’ASN dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale des activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants. (372839 SCP Nodee‑Noël‑Nodee‑Lanzetta aux T9). Vous devrez donc vous placer dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, comme l’ont fait les requérants qui n’ont pas pris d’avocat aux Conseils ».

Vous aurez relevé que ce type de considération n’a nullement été analysée comme décisive par Yann Aguila dans les conclusions précédemment rappelées. Il nous semble par ailleurs que la cohabitation REP et plein contentieux dans le domaine du nucléaire peut s’expliquer en raison des spécificités de la matière et les nombreuses interventions du législateur pour précis l’office du juge.

A notre sens, lorsque le législateur ne s’est pas positionné, la détermination de la nature d’un contentieux relève bien d’un choix de politique jurisprudentiel. Le juge ne nous semble pas contraint dans ce choix tant que le législateur n’est pas intervenu. Or, comme nous l’avons indiqué, le législateur de 1976 ne s’est pas posé la question dans le cadre du vote de la loi sur la protection de la nature et ce n’est qu’en 1992 qu’il est venu confirmer la nature (de plein contentieux) du contentieux des ICPE.

La seconde option consiste par conséquent à distinguer les deux contentieux. Cette seconde option qui était celle de Xavier de Lesquen dans ses conclusions précitées sur CE du 30 janvier 2013, Section Européenne du Fonds International pour la Conservation de la Nature (no°347177) est sans doute celle de la prudence. Et vous pourriez considérer qu’il convient de laisser au seul Conseil d’Etat le choix de procéder à un basculement vers le plein contentieux.

Il est donc possible de justifier chacune de ces deux options.

A la réflexion, il nous semble néanmoins que la première option a notamment pour elle le mérite de la simplicité et de la cohérence. L’argument n’est pas mince. Il nous semble même essentiel. Il s’agit d’unifier le contentieux applicable à un même établissement dès lors qu’il est soumis à la législation ICPE dont vous consacrerez dans ce domaine le caractère « attractif ».

C’est par conséquent au final cette solution que nous vous proposons de suivre. Il appartiendra le cas échéant au Conseil de déterminer si cette option est la bonne.

L’évolution que nous vous proposons est mesurée. Elle demeure dans notre esprit circonscrite à l’ensemble des contentieux portant sur les autorisations, refus d’autorisations et mesures opposées aux établissements détenant des animaux d'espèces non domestiques soumis concurremment à la législation relative à la protection de la nature et à la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Cela concerne plus précisément les établissements relevant de la rubrique « 2140. Présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques (installations fixes et permanentes de présentation au public) ».

Le contentieux des établissements ne relevant pas de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) doit en revanche à notre sens demeurer dans une logique de REP. Cela correspond d’ailleurs aux orientations disponibles d’autres juges du fond10.

Si vous nous suivez, vous jugerez que les décisions relatives à la réalisation et à l'exploitation de tels établissements détenant des animaux d'espèces non domestiques trouvent leur fondement juridique simultanément dans la législation relative à la protection de la nature et dans la législation ICPE et relèvent ainsi, en application de l'article L. 512‑1 du code de l’environnement, d'un contentieux de pleine juridiction, dans les conditions fixées par l'article L. 514‑6 du même code (comparer avec CE 12 novembre 2007 Lorette et SARL Force et Energie Electrique no°288 456 en B).

Il s’agit ainsi pour nous de vous proposer une évolution mais nullement un bon en avant susceptible d’avoir des conséquences potentiellement déstabilisantes sur d’autres polices spéciales (ou par exemple dans le contentieux de l’urbanisme). La solution que nous vous proposons n’est donc pas une révolution mais bien une évolution mesurée. N’y voyez pas une volonté de reléguer le REP à « l’archéologie juridique » pour reprendre la formule d’Hauriou (note sous CE 29 novembre 1912 Boussuge au Sirey 1914.3.33).

II. Le préfet était-il en situation de compétence liée ?

4.

Nous analyserons plus loin les conséquences concrètes d’une telle évolution en l’espèce.

Avant cela il convient de revenir au cadre du litige s’agissant de la détention d’espèces non domestiques. Il est fixé par différents textes nationaux et européens.

Il convient tout d’abord de déterminer si le préfet était oui ou non en situation de compétence liée.

Il convient sur ce point de se reporter à trois articles du code de l’environnement.

Il est prévu à l’article L. 413‑5 du code de l'environnement que : « Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées en application du présent titre, des mesures administratives pouvant aller jusqu'à la fermeture de l'établissement peuvent être prescrites par l'autorité administrative. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. ».

Aux termes de l’article R. 413‑45 de ce code :

« Lorsqu'un établissement soumis aux dispositions du présent chapitre est exploité sans avoir fait l'objet de l'autorisation ou de la déclaration prévues aux articles R. 413‑8, R. 413‑28 et R. 413‑40, le préfet met l'exploitant en demeure, pour régulariser sa situation, de déposer, dans un délai déterminé, suivant le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration. ».

L’article R. 413-48 du même code dispose :

« Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un agent mentionné à l'article L. 415‑1 a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'un établissement soumis aux dispositions du présent chapitre ou des règles de détention des animaux, le préfet met ce dernier en demeure de satisfaire à ces conditions ou de se conformer à ces règles dans un délai déterminé. ».

L’article L. 415‑1 du code de l’environnement auquel il est renvoyé dresse la liste des agents habilités à rechercher et constater les infractions à la législation protectrice des espèces naturelles. Il s’agit notamment des officiers et agents de police judiciaire, des inspecteurs de l'environnement (mentionnés à l'article L. 172‑1) et des agents de l’ONF.

S’il n’existe pas à notre connaissance de précédent, la rédaction retenue dans ces articles est identique à celle qui existe en matière d’ICPE11 (« le préfet met » « en demeure »). Elle vous conduira à identifier une situation de compétence liée (sur ce point en matière d’ICPE : CE, 9 juillet 2007, Ministre de l'écologie c/ Société Terrena-Poitou, no°288367 en B12 :

« Il résulte des dispositions du I de l'article L. 514‑1 du code de l'environnement, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976, que lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si l'article L. 514‑1 laisse au préfet un choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, la mise en demeure qu'il édicte n'emporte pas par elle-même une de ces sanctions. L'option ainsi ouverte en matière de sanctions n'affecte donc pas la compétence liée du préfet pour édicter la mise en demeure. »

Ainsi, il résulte de ces dispositions que lorsque des agents ont constaté l’inobservation de conditions légalement imposées à l’exploitant détenant des animaux d’espèces non domestiques, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d’édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé.

Le TA a tiré des conséquences radicales de cette conclusion partielle. Il a jugé que l’ensemble des moyens soulevés par la requérante étaient inopérants. Il a en effet jugé que

« la décision attaquée fait suite à l’arrêté du 2 novembre 2000 par lequel le préfet de Corse a autorisé l’ouverture du parc animalier « A Cupulatta » et aux rapports en manquement administratif relatifs aux conditions d’exploitation commerciale de spécimens protégés de tortues et d’activité de parc animalier ouvert au public, qui ont été rendus respectivement par la DREAL de Corse, le 26 mars 2019, et par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le 3 septembre 2019. Dès lors, la préfète de Corse, sans procéder à une nouvelle appréciation des manquements constatés, était tenue d’édicter une mise en demeure à l’encontre de la SARL Chéloniens diffusion afin de régulariser sa situation administrative. Il s’ensuit que tous les vices allégués, de légalité externe ou interne, susceptibles d’affecter l’arrêté litigieux, sont, en tout état de cause, inopérants ».

Cette analyse nous semble entachée d’erreur de droit.

Certes, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant par les agents précités impose au préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé.

Le préfet est effectivement tenu d’édicter une mise en demeure dans une telle situation.

Mais cela ne signifie pas que l’exploitant serait privé du droit de contester cette décision. Or qualifier l’ensemble des moyens de légalité interne et externe d’inopérants reviendrait de fait à cela.

A notre sens, l’exploitant doit nécessairement être en mesure de contester, s’il s’y croit fondé, la situation de compétence liée dans laquelle est placée le préfet lorsque des agents ont constaté l’inobservation de conditions légalement imposées à l’exploitant détenant des animaux d’espèces non domestiques. Pour le dire autrement, le juge doit pouvoir contrôler que les conditions de reconnaissance de la situation de compétence liée étaient effectivement réunies. Dire que le préfet ne peut procéder à ce contrôle est une chose, interdire au juge de procéder à ce contrôle en est une autre.

Voyez sur ce point les conclusions du Commissaire du gouvernement Mattias Guyomar sur CE, 9 juillet 2007, Ministre de l'écologie c/ Société Terrena-Poitou, (no°288367 en B) : Sur le choix :

« Devant choisir entre une interprétation littérale et une interprétation finaliste- qui aurait, vous l’avez compris, nos préférences- nous nous sommes reportés aux travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976. Ils ne sauraient être plus éclairants. La rédaction initiale de l’article 23 comportait la formule « le préfet peut mettre en demeure ». Lors de la séance du 11 juin 1975, le rapporteur devant le Sénat propose un amendement de forme qui est accepté par le gouvernement et adopté. Il s’agit de remplacer les mots « peut mettre » par le mot « met » ce qu’explique en ces termes le rapporteur : « C’est une obligation pour le préfet ». Le rapport no°364 du Sénat est parfaitement clair : « Votre commission estime que la mise en demeure des exploitants irrespectueux des conditions qui leur sont imposées ne doit pas être laissée à l’appréciation du préfet mais qu’elle doit revêtir un caractère automatique dès lors que l’inobservation des conditions techniques a été dûment constatée. Les tiers auront ainsi la possibilité de contester utilement une éventuelle défaillance du pouvoir de police. Aussi vous propose-t-elle que le préfet n’aura sur ce point qu’une compétence liée. » (p. 53) La rédaction n’a en rien été modifiée à la faveur de la codification. Dans ces conditions, il n’y a d’autre solution, sauf à méconnaître directement la volonté du législateur ce que nous ne saurions vous proposer, que de reconnaître, comme vous y invite le ministre chargé de l’environnement, la compétence liée du préfet. La circonstance que la mise en demeure édictée par le préfet annonce les sanctions envisagées si l’exploitant persiste à ne pas appliquer les prescriptions édictées dans l’autorisation qui lui a été délivrée ne change rien dès lors que cette mise en demeure n’emporte pas par elle-même une des sanctions prévues au 1°, 2° et 3° de l’article L. 514‑1 du code de l’environnement. Il est important de souligner qu’il s’agit d’une simple indication de nature à éclairer l’exploitant sur les suites éventuelles d’une non exécution de la mise en demeure. Mais elle ne saurait lier le préfet. Cela méconnaîtrait en effet le pouvoir d’appréciation dont il dispose pour le choix de la sanction et constituerait une forme de préjugement contestable au regard des exigences du principe d’impartialité ».

Il poursuit néanmoins :

« réglant l’affaire au fond en application de l’article L. 821‑2 du code de justice administrative, vous tirerez toutes les conséquences de la situation de compétence liée dans laquelle se trouve le préfet dès lors qu’il est tenu d’édicter une mise en demeure sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée. Vous en déduirez que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur la circonstance que l’arrêté attaqué a été pris à la suite d’une procédure ayant méconnu l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 pour l’annuler. L’effet dévolutif de l’appel qui vous saisira alors sera de peu de portée. La plupart des autres moyens soulevés par la société CAVAL devant le tribunal administratif de Poitiers doivent en effet être écartés comme inopérants : incompétence du signataire de l’arrêté, insuffisance de motivation. Reste à examiner les moyens qui, s’ils étaient fondés, seraient de nature à remettre en cause les conditions de la compétence liée du préfet. Tel serait le cas du moyen tiré de l’illégalité de l’arrêté du 11 août 1983 relatif aux silos de stockage de céréales mais il n’est pas assorti de précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Tel serait également le cas de l’inapplicabilité de la prescription dont la méconnaissance a été constatée par l’inspecteur des installations classées. Rappelons que le préfet ne peut recourir à la procédure de la mise en demeure pour imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions (15 janvier 1986 Ministre de l’environnement c/ société DSB ; 3 décembre 2003 Me Brion). L’article 2 de l’annexe de l’arrêté du 22 mai 1986 qui a autorisé la société requérante à procéder à l’extension de son unité de stockage et de séchage de céréales précisait, en application de l’arrêté du 29 juillet 1998 relatif aux silos et aux installations de stockage de céréales, graines, de produits alimentaires ou de tous autres produits organiques dégageant des poussières inflammables, que : « tous éléments de manutention et de traitement de céréales seront implantés à une distance au moins égale à 50 mètres de toute installation ». Or, il résulte de l’article 1er de cet arrêté qu’il s’applique aux installations soumises à autorisation au titre de la rubrique 2160 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. Tel est bien le cas des installations de la société qui ne sauraient être considérés comme des constructions n’entrant pas dans le champ de l’article 2. Elle n’est donc pas fondée à soutenir que ses installations n’entreraient pas dans le champ de la réglementation. Quant à la circonstance que la prescription en cause représenterait une obligation impossible à satisfaire, elle est parfaitement inopérante. Vous pourriez vous étonner d’un régime de compétence liée dont l’existence serait subordonnée à la vérification préalable de la légalité des prescriptions dont l’inspection des installations classées a constaté la méconnaissance. Mais en réalité, l’autorité préfectorale n’aura pas à effectuer, avant d’ordonner la mise en demeure, ce contrôle qu’il vous appartient d’exercer, statuant au contentieux. Elle est en effet l’auteur de l’arrêté d’autorisation qui a posé ces prescriptions. C’est donc au moment de la délivrance de celui-ci qu’elle devra s’assurer de n’imposer que des prescriptions légales ».

Ainsi, dans l’esprit du commissaire du Gouvernement ayant conclu dans l’affaire Ministre de l'écologie c/ Société Terrena-Poitou si le préfet n’a pas, avant d’ordonner la mise en demeure, à contrôler l’analyse faite par l’inspection des installations classées ou les autres agents chargés du contrôle concluant à l’inobservation de conditions légalement imposées à l’exploitant, ce contrôle doit être exercé par le juge.

Voyez également en ce sens les conclusions de Mme Suzanne Von Coester sur CE 6 décembre 2012 Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, Des Transports et du Logement c/Société Arcelormittal no°354241 en B13 :

« Vous savez qu’en cas de méconnaissance des conditions légalement imposées à l’exploitant d’une installation classée, lorsqu'un inspecteur des installations classées a constaté l'inobservation d’une ou plusieurs de ces conditions, le préfet est tenu de mettre en demeure l’exploitant d’y satisfaire, dans un délai déterminé, en vertu de l’article de l’article L. 514‑1 du code de l’environnement. Cette mise en demeure est une mesure de police et non une sanction. Elle est seulement le préalable à de possibles sanctions (4 juillet 1979, ministre c. Vidal, tables p. 804) et elle permet à l’exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, « en vue d’éviter une sanction pouvant aller jusqu’à la suspension du fonctionnement de l’installation » (14 novembre 2008, Société Soferti, p. 420). Par la décision du 9 juillet 2007, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables c/ Société Terrena-Poitou, aux conclusions de Mattias Guyomar, vous avez jugé qu’en raison de la compétence liée du préfet pour édicter une mise en demeure lorsqu’un constat de carence a été dressé, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est inopérant à l’appui d’une contestation de la légalité de la mise en demeure. Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de votre décision de Section du 3 février 1999, Montaignac, p. 6 : lorsque l’administration est tenue de prendre une décision sans avoir à apprécier la situation de fait, les vices susceptibles d’affecter cette décision sont sans incidence. Est-ce à dire que vous vous interdisez de contrôler le caractère contradictoire de la procédure précédant cette décision ? Nous ne le croyons pas, dès lors que la régularité de la procédure a une incidence sur la compétence liée du préfet. Vous avez en effet veillé à préciser, dans la décision Terrena-Poitou, que le constat de l’inspecteur des installations classées qui fonde la compétence liée du préfet doit être réalisé « selon la procédure requise par le code de l’environnement ». De même, la Cour de cassation juge que c’est « lorsqu’a été dûment constatée l’inobservation des conditions imposées à l’exploitant d’une installation classée » que le préfet se trouve en compétence liée (Crim. 21 février 2006, Société Soferti, no°05‑82.232, Bull.crim. no°50 p. 190). Cyril Roger-Lacan y faisait écho dans ses conclusions sous la décision Abbadie que nous allons évoquer dans un instant, en estimant que le préfet a compétence liée pour mettre en demeure l’exploitant « à condition que le manquement à ses obligations ait été régulièrement constaté ». Or, le code de l’environnement prévoit que le constat de manquement est établi selon un certain nombre de règles édictées à l’article L. 514‑5 : par des personnes dûment assermentées, avec un préavis (sauf contrôle inopiné) et, aussi, une information de l’exploitant par l'inspecteur des installations classées sur les suites du contrôle. Il est précisé à cet égard que « L'inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l'exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations. ». Le rapport de l’inspection des installations classées doit donc être communiqué à l’exploitant pour que la procédure soit régulière. La régularité du constat de manquement suppose le respect de cette procédure contradictoire, non certes sur le fondement de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration, mais sur le fondement de cet article L. 514‑5 du code de l’environnement. C’est en effet bien parce qu’il existe une procédure contradictoire spéciale dans le code de l’environnement que vous avez écarté l’invocabilité de la loi DCRA, par vos récentes décisions du 28 décembre 2009, ministre de l’écologie c/Abbadie, no°319736 et 30 mai 2011, ministre de l’écologie c/ société coopérative agricole Cap Seine, no°332139. Nous vous engageons à tirer aujourd’hui toutes les conséquences de ces précédents, en admettant l’opérance du moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 514‑5 du code de l’environnement. Un moyen d’irrégularité ne saurait certes qu’être inopérant si le préfet est en situation de compétence liée ; mais celui-ci ne saurait avoir compétence liée pour édicter une mise en demeure que si le constat a été régulièrement dressé, ce qui suppose le respect de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 514‑5 du code de l’environnement. (…) Nous vous invitons au contraire à juger qu’il appartient au préfet de vérifier que le constat de manquements a été établi selon les règles du code de l’environnement avant de s’estimer en situation de compétence liée pour édicter une mise en demeure. Concrètement, le préfet devra donc prendre des assurances sur la régularité du constat, par exemple en exigeant que les notifications soient au dossier, voire même en prévoyant un visa de ces notifications. »

Ces conclusions confirment que le juge doit contrôler qu’il existe bien une situation de compétence liée. Cela implique nécessairement un contrôle sur l’existence effective des manquements à ses obligations et donc un contrôle par le juge (pas par le préfet) de la pertinence de l’analyse en droit et en fait de la conclusion des contrôleurs.

Pour conclure sur ce point, nous vous renvoyons également à la formule ramassée et efficace de Mme Marie-Astrid de Barmon sur CE 24 juillet 2019 Mme Said Achiraffi no°428548 :

« De fait, l’administration se trouve alors en situation de compétence liée, ce qui, en application de votre jurisprudence de Section Montaignac (Section, 3 février 1999, no°149722, au Rec.), rend inopérants l’ensemble des moyens dirigés contre la décision dès lors qu’ils ne remettent pas en cause la situation de compétence liée, notamment ceux tirés de l’irrégularité de la procédure ayant conduit à son adoption (13 juillet 1962, Syndicat des taxis Gapençois, au Rec.). Votre décision de Section M. Nègre du 26 février 2003 a fait application de la jurisprudence Montaignac dans le domaine des pensions en jugeant qu’après s’être borné à constater l’ancienneté acquise par l’intéressé, sans avoir à porter aucune appréciation sur les faits de l’espèce, le ministre était tenu de réviser à la baisse la pension concédée et vous avez déduit de la compétence liée du ministre l’inopérance des moyens de légalité externe visant la décision attaquée, en l’occurrence son défaut de motivation (Section, 26 février 2003, M. Nègre, no°220227, au Rec.11) ».  

Il vous appartient ainsi d’examiner les moyens susceptibles de remettre en cause la situation de compétence liée14.

5.

L’application de cette grille d’analyse conduit à distinguer des moyens opérants dans les écritures de la requérante.

Quelques précisions préalables sur les limites des mises en demeure de ce type.

Vous savez que le préfet ne peut recourir à la procédure de la mise en demeure pour imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions (CE 15 janvier 1986 Ministre de l’environnement c/ société DSB no°45118 ; CE 3 décembre 2003 Me Brion no°236901 ; CE 12 janvier 2009 société Total France no°306194).15

Néanmoins ce principe ne doit pas être compris au pied de la lettre. Il doit être interprété avec une certaine souplesse en raison tant de l’office du juge du plein contentieux que de l’efficience de la législation applicable en matière de protection de l’environnement. Comme le relève Isabelle Da Silva dans ses conclusions sur CE 14 novembre 2008, Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable c/Société SOFERTI, no°297275 si les dispositions de l’article L. 514‑1 du code de l’environnement aujourd’hui codifiée à l’article L. 171‑8 du même code font référence aux « prescriptions applicables » (« I. ‑ Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. (…) ») une telle formule (dans son affaire était en cause l’article L. 514‑1 du même code aujourd’hui codifiée à l’article L. 171‑8) « ne limite pas le champ de la mise en demeure au cas où la société méconnaîtrait les prescriptions figurant dans son arrêté d’autorisation, mais vise de manière générale « l’inobservation des conditions imposées à l’exploitant ». » Elle poursuit en précisant : « Nous ne voyons pas de motif qui conduirait à distinguer [, pour l’application de l’article L. 514‑1,] entre le respect des prescriptions spéciales contenues dans l’arrêté d’autorisation initial, et les conditions générales résultant de la réglementation relative aux installations classées, notamment lorsque celles-ci ont été adoptées postérieurement à l’arrêté d’autorisation initial.

Ces différentes « conditions » que l’exploitant est tenu de respecter ont un même objet : la protection de l’environnement et la prévention des risques qui s’attachent à l’exploitation des installations classées. (…) Dès lors, la circonstance que l’étude de dangers imposée par la réglementation n’avait pas été réalisée plaçait bien le préfet en situation de compétence liée pour prononcer la mise en demeure… ». Vous pouvez suivre, en l’espèce, le même raisonnement que vous aviez retenu dans votre décision Terrena-Poitou : dès lors que la cour de Bordeaux n’avait pas retenu un moyen tiré de l’absence de bien-fondé des prescriptions édictées par l’arrêté préfectoral, elle devait regarder comme inopérant le moyen tiré de ce que la mise en demeure du préfet aurait méconnu la procédure prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000. Par suite, en retenant un moyen inopérant pour annuler la mise en demeure, la cour a commis une erreur de droit (voir, tirant les conséquences de la compétence liée, Section, 25 juillet 1980, Tusseau, p. 31 ; Section, 3 février 1999, Montaignac, p. 6, y compris lorsqu’est en cause le respect d’une procédure instituée par la loi, telle celle de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; Section, 26 février 2003, Nègre, p. 53) »16.

Cette interprétation doit également être faite s’agissant des dispositions précitées de l’article R. 413-48 du code de l’environnement qui évoque plus directement

« l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant » (« Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un agent mentionné à l'article L. 415‑1 a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'un établissement soumis aux dispositions du présent chapitre ou des règles de détention des animaux, le préfet met ce dernier en demeure de satisfaire à ces conditions ou de se conformer à ces règles dans un délai déterminé »).

Il convient donc à notre sens de considérer que la mise en demeure doit imposer le respect de toutes les conditions imposées à l’exploitant directement dans l’arrêté initial ou dans la réglementation nationale ou européenne applicable visée dans cet arrêté.

6.

Ces précisions effectuées, il convient de déterminer les moyens opérants.

L’analyse de l’opérance des moyens sera différente selon que vous admettrez ou non de passer dans une logique de plein contentieux pour l’ensemble du dossier.

En effet, dans une logique de REP, les régularisations effectuées ne pourront qu’être écartées alors que dans une logique de plein contentieux, les régularisations effectuées devront être prises en compte. Cette prise en compte devant se traduire par l’abrogation de l’arrêté attaqué en tant qu’il met en demeure la requérante de procéder aux mesures ayant fait l’objet de ces régularisations (voir par exemple pour la rédaction CAA Douai 10 novembre 2011 Société VALORISOL no°10DA00638).

Nous observons que si par un nouvel arrêté du 10 janvier 2022 (page 111), le préfet a autorisé l’ouverture de l’établissement et modifié l’arrêté initial du 2 novembre 2000, il ne résulte pas de l’instruction que les manquements non régularisés portent sur des prescriptions qui auraient été supprimées par le nouvel arrêté de 2022. Sur ce point, nous partageons l’analyse de M. Xavier de Lesquen dans ses conclusions sur CE 8 octobre 2012 SETM no°345013 selon laquelle la circonstance qu’une mise en demeure

« légalement engagée, au vu d'un constat de l'inspecteur des installations classées relevant l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant, (…) ne ferait pas obstacle, selon nous, à ce que le préfet fasse usage de la faculté que lui offre l'article L. 512‑3 de modifier ou d'adapter les conditions d'exploitation imposées à l'exploitant pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511‑1. Il est en effet tout à fait concevable que de telles mesures soient prises concomitamment à une mise en demeure de se conformer à celles des prescriptions initiales qui ne serait pas affectées par un arrêté complémentaire : en un mot, au vu des condition de l'exploitation, le préfet peut à la fois adapter certaines prescriptions et mettre en demeure l'exploitant de respecter celles qui demeurent. Il est également concevable qu'au vu des observations présentées par l'exploitant, et des échanges qui peuvent faire suite à la mise en demeure, le préfet décide de modifier les prescriptions dont l'inobservation a été préalablement relevée par des arrêtés complémentaires qui, en vertu de l'article R. 512‑31 du code de l’environnement, ne peuvent être pris que sur proposition de l'inspection des installations classées. Le préfet ne peut donc déjuger l'inspection : c'est bien cette dernière qui oriente l'action administrative. Il n'y a dès lors aucune justification pour limiter le champ d’action du préfet dont la finalité est, sous le contrôle du juge de plein contentieux, de fixer et si nécessaire d’adapter les prescriptions que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511‑1 rend nécessaires au vu des réalités de l'exploitation ».

Vous aurez relevé au passage que ces conclusions rejoignent l’analyse faite par Isabelle Da Silva dans les conclusions précitées sur CE 14 novembre 2008, Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable c/Société SOFERTI, no°297275.

Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de déterminer quels sont les moyens opérants et ceux qui ne le sont pas. Nous nous bornerons à ce stade à exposer ces différents moyens. Nous analyserons les moyens opérants plus loin.

Sont à notre sens opérants en l’espèce les moyens suivants :

- celui tiré de ce que l’exigence du retrait du cheptel des reproducteurs des animaux non cessibles (donc des animaux dotés d’une CIC F) serait contraire au règlement du 4 mai 2006, tout comme la position de principe consistant à soutenir que les produits de la reproduction de ce cheptel auront de manière systématique et définitive un CIC F ;

- celui tiré de ce que l’exigence d’une séparation des activités de commerce et de présentation au public des tortues d’élevage serait dépourvue de fondement légal ;

- celui tiré de ce que la séparation de ses activités de commerce et de présentation au public des tortues d’élevage serait contraire au principe de la liberté d’entreprendre ;

- celui tiré de ce que la demande de tenue à jour d’un document permettant de suivre les naissance année par année de façon plus précise avec une meilleur traçabilité ne correspondrait à aucune exigence règlementaire ;

- celui tiré de ce que le règlement intérieur existait lors des contrôles (cela relève à notre sens de l’erreur de fait et dans l’arrêt 21MA04528 du 21 avril 2023, SNEGBA, nous avons estimé que le moyen était opérant, idem 21MA04405, société HMTP du 3 février 2023) ;

- celui tiré de ce que la mise en demeure est sans objet sur le point relatif aux mentions obligatoires requises dans le registre des effectifs (idem moyen précédent) ;

D’autres moyens, qui seraient inopérants si vous restiez dans une logique de REP dès lors qu’ils consistent pour l’exploitant à faire état de mesures prises postérieurement à la mise en demeure, deviennent opérants si vous nous suivez pour admettre une logique de plein contentieux et peuvent conduire à une abrogation partielle de la décision attaquée s’agissant des manquements régularisés. Sont ainsi opérants les moyens suivants :

- l’arrêté contesté a été mis jour par les mentions de M. X, du nom des capacitaires et de leurs certificats de capacité ; (inopérant uniquement si on reste en REP) ;

- la vérification et le marquage des spécimens ont été réalisés (inopérant uniquement si on reste en REP) ;

- l’enregistrement des animaux dans le fichier national d’identification des animaux d’espèces non domestiques (IFAP) a été effectué (inopérant uniquement si on reste en REP) ;

- les demandes des certificats intra-communautaires après marquage et identification ont été réalisées (inopérant uniquement si on reste en REP) ;

- les mesures de mise en place d’un espace de sécurité entre les animaux et le public ont été prises pour les espèces présentant un risque pour la sécurité publique (inopérant si on reste en REP) ;

- les travaux concernant la réalisation d’une enceinte extérieure ont été effectués (inopérant uniquement si on reste en REP).

Sont en revanche inopérants (plein contentieux ou REP) du fait de la compétence liée :

- le moyen de légalité externe tiré de l’absence de motivation de l’arrêté contesté ;

- le moyen tiré de ce que la demande de tenir à jour un document permettant de suivre les naissance année par année de façon plus précise avec une meilleur traçabilité serait irréaliste.

7.

Plusieurs moyens sont donc opérants dès lors qu’ils consistent pour l’exploitant à contester l’analyse selon laquelle il n’aurait pas respecté des conditions qui s’imposaient à lui.

Il convient d’examiner en premier lieu le moyen portant sur le manquement relevé tenant à l’absence de retrait du cheptel des reproducteurs des animaux non cessibles.

Contrairement à ce qui est allégué, il existe bien une obligation en la matière.

Il ressort de l’arrêté contesté que la préfète a mis en demeure la SAS Chelonniens Diffusion de retirer du cheptel des reproducteurs toutes les tortues qui détiennent un certificat intra-communautaire (CIC) qui n’autorise que la présentation au public sans achat ni vente, ce qui implique pour les tortues juvéniles qui n’ont pas encore obtenu de certificat intra-communautaire avant cette séparation, de se voir attribuer des « codes source F » n’autorisant que la présentation au public sans achat ni vente. Elle s’est fondée sur les manquements relevés par la DREAL dans son rapport du 26 mars 2019 (page 8908 du dossier) selon lesquels le stock de géniteurs destinés à la commercialisation des Testudo Marginata, Testudo Hermanni et Astrochelys radiata comprend des spécimens dont les conditions ne sont pas remplies pour déroger à l’interdiction de commerce rendant le cheptel inéligible à la commercialisation des spécimens issus de leur reproduction, ce qui constitue un manquement aux dispositions du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006, notamment les articles 48 et 54.

La SAS Cheloniens Diffusion soutient qu’aucune disposition ne fonde une telle exigence et que cette injonction revient à considérer que les spécimens régulièrement détenus au titre d’un « CIC F », donc destiné à la présentation au public mais incessible ne peuvent participer à l’activité de reproduction de l’élevage.

Toutefois, en vertu de l’article 8 du règlement (CE) no°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996, il peut être dérogé aux interdictions d'acheter, de proposer d'acheter, d'acquérir à des fins commerciales, d'exposer à des fins commerciales, d'utiliser dans un but lucratif et de vendre, de détenir pour la vente, de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré cas par cas, lorsque ces spécimens sont nés et élevés en captivité d'une espèce animale.

Au sens de l’article 54 du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006, les animaux bénéficiant d’un « CIC commerce » ou « code source C », sont ceux considérés comme nés et élevés en captivité et lorsque quatre conditions sont remplies :

- Premièrement, le spécimen est un descendant ou le produit d'un descendant, né ou produit autrement en milieu contrôlé, de l'une des catégories suivantes de parents, à savoir des parents qui se sont accouplés ou dont les gamètes ont été transmis autrement en milieu contrôlé (reproduction sexuée), des parents vivant en milieu contrôlé au début du développement de la descendance (reproduction asexuée).

- Deuxièmement, le cheptel reproducteur a été constitué conformément aux dispositions légales qui lui étaient applicables à la date d'acquisition et d'une manière ne portant pas préjudice à la survie de l'espèce concernée dans la nature.

- Troisièmement, le cheptel reproducteur est maintenu sans introduction de spécimens sauvages, à l'exception d'apports occasionnels d'animaux, d'œufs ou de gamètes, conformément aux dispositions légales pertinentes et de manière non préjudiciable à la survie de l'espèce concernée dans la nature.

- Quatrièmement, le cheptel reproducteur a produit une descendance de deuxième génération ou de génération ultérieure (F2, F3, etc.) en milieu contrôlé ou est géré d'une manière qui s'est révélée capable de produire, de façon sûre, une descendance de deuxième génération en milieu contrôlé.

Par ailleurs, lorsqu’une ou plusieurs de ces quatre conditions prévues par l’article 54 du règlement précité ne sont pas remplis, un « code source F » est attribué aux animaux nés sur place mais qui ne sont pas éligibles à la vente.

Ainsi, ces animaux ne peuvent pas participer à l’activité de reproduction de l’élevage des spécimens destinés au commerce qui doivent eux-mêmes remplir ces quatre conditions.

Vous n’aurez pas manqué de relever que si le règlement de 1996 existait à la date d’adoption de l’arrêté initial d’ouverture du parc, l’article 54 du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006 est postérieur à l’arrêté initial pris en 2000 qui autorise l’ouverture du parc. Or, nous l’avons vu, le préfet ne peut recourir à la procédure de la mise en demeure pour imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions (CE 15 janvier 1986 Ministre de l’environnement c/ société DSB no°45118 ; CE 3 décembre 2003 Me Brion no°236901 ; CE 12 janvier 2009 société Total France no°306194). Toutefois, ce principe ne doit pas être compris au pied de la lettre. Il doit être interprété avec une certaine souplesse en raison tant de l’office du juge du plein contentieux que de l’efficience de la législation applicable en matière de protection de l’environnement. Nous avons déjà cité les conclusions de Mme Isabelle Da Silva dans ses conclusions sur CE 14 novembre 2008, Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable c/Société SOFERTI, no°297275 ainsi que celles de Xavier Delsquen sur CE 8 octobre 2012 SETM no°345013. Nous vous y renvoyons. Si vous acceptez le basculement dans la logique du plein contentieux, vous constaterez que le préfet a pris la mis en demeure mais également dans la foulée l’arrêté du 10 janvier 2022 qui vient préciser ces obligations conformément aux constats de la DREAL.

Ainsi, les dispositions de l’article 54 du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006, bien que non incluses dans l’arrêté préfectoral d’autorisation de l’installation, avaient le caractère de conditions imposées à l’exploitant.

Par suite, la préfète de la Corse‑du‑Sud a pu légalement demander à la SAS Cheloniens Diffusion de retirer du cheptel des reproducteurs toutes les tortues qui détiennent un certificat intra‑communautaire (CIC) n’autorisant que la présentation au public sans achat ni vente.

8.

Vous êtes saisis, en deuxième lieu, de moyens portant sur les manquements relevés tenant à l’absence de séparation des deux activités de présentation et de commerce de tortues au public, ainsi qu’à l’absence de registres d’entrée et de sortie dédiés à l’élevage commercial.

Par la mise en demeure contestée, la préfète a demandé à la SAS Cheloniens Diffusion de procéder à la séparation, sur le plan juridique, de ses deux activités de commerce de tortues d’élevage et de présentation au public de ces tortues, ainsi que des registres d’entrée et de sortie dédiés à l’élevage commercial.

La société requérante ne peut utilement soutenir que cette demande est contraire aux textes nationaux, plus précisément à l’article 14 de l’arrêté du 8 octobre 2018 et à l’article 63 de l’arrêté du 25 mars 2004 dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables aux spécimens mentionnés à l’annexe A du règlement no°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 concernant les dispositions au contrôle d’activités commerciales.

Par ailleurs, elle ne peut utilement soutenir que l’arrêté du 2 novembre 2000 autorisant l’ouverture de l’établissement « A Cupulatta » ne prévoit pas une telle séparation dès lors que cet arrêté qui autorise le gérant à exploiter un établissement d’élevage de tortues de terre et d’eau douce ne concerne pas la commercialisation des espèces mentionnés à l’annexe A du règlement no°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 laquelle est régie par l’article 8 de ce règlement ainsi que par les articles 48 et 54 du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006 précités.

La différenciation des deux activités de présentation et de commerce de tortues au public, ainsi que des registres d’entrée et de sortie dédiés à l’élevage commercial résulte de l’application des dispositions de l’article 48 du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006 qui prévoient pour la délivrance des « CIC commerce » que les animaux soient nés et élevés en captivité et remplissent les 4 conditions fixées par l’article 54 du règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006.

Par suite, l’activité de commerce doit être nécessairement séparée de celle de présentation au public des autres spécimens de tortues dans le but de déterminer si les critères prévus par l’article 54 sont remplis et par conséquence d’attribuer le « code source C » permettant la délivrance du « CIC commerce ». Dès lors, cette exigence n’est pas entachée d’un défaut de base légale17.

En outre, et en tout état de cause, il résulte de l’instruction que par un arrêté du 10 janvier 2022, le préfet de la Corse‑du‑Sud a modifié cet arrêté du 2 novembre 2020 en raison de son caractère obsolète lequel vise désormais le règlement (CE) no°865/2006 du 4 mai 2006. Par suite, La SAS Cheloniens Diffusion ne peut utilement soutenir que l’arrêté du 2 novembre 2000 ne prévoit pas une telle séparation et que l’exigence de séparation modifierait l’autorisation initiale délivrée par cet arrêté du 2 novembre 2000.

Enfin la liberté d’entreprendre s’entend comme celle d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées (Voir par exemple rappelant ce principe CAA Paris 26 octobre 2004 M. Pierre CADEAC no°02PA02714 en C+ sur un autre point 18). Dès lors, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la séparation de ses activités de commerce et de présentation au public des tortues d’élevage serait contraire au principe de la liberté d’entreprendre doit être écarté.

9.

Il convient d’analyser, en troisième lieu, le moyen portant sur les manquements relevés s’agissant du registre des effectifs.

Si la SAS Cheloniens Diffusion soutient que le rapport du 3 septembre 2009 de l’ONCFS indique que « globalement le registre est tenu conformément à la réglementation en vigueur », il relève cependant une irrégularité du registre des effectifs et demande à l’exploitant de reprendre le registre des effectifs en y indiquant les mentions obligatoires requises, à savoir la date d’entrée et de sortie des animaux, les références des justificatifs entrée et sortie et le numéro d’identification et statut des espèces. Il ne résulte pas de l’instruction que ce manquement ait été corrigé. Par suite, l’arrêté contesté n’est pas sans objet sur ce point.

10.

Analysons, en quatrième lieu, le moyen portant sur l’absence de mise à jour du document permettant de suivre les naissance année par année de façon plus précise avec une meilleur traçabilité notamment avec l’indication des références des parents, en principe a minima la mère qui doit pouvoir être identifiée, les références des enclos des parents.

La société requérante soutient que cette demande excède les exigences imposées à un établissement par l’arrêté du 8 octobre 2018. Toutefois, ce moyen n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.

11.

Analysons, en cinquième lieu, le moyen portant sur la question de la réintégration dans les registres entrées/sorties (hypothèse notamment de la mort ou de la vente d’un animal) dédiés à l’élevage commercial des lignes de l’ancien registre antérieur à 2013.

Si le rapport du 3 septembre 2009 de l’ONCFS indique que « globalement le registre est tenu conformément à la réglementation en vigueur », il relève cependant une irrégularité du registre des effectifs en violation de l’article 8 de l’arrêté du 8 octobre 2018 et demande à l’exploitant de reprendre le registre des effectifs en y indiquant les mentions obligatoires requises, date d’entrée et de sortie des animaux, références des justificatifs entrée et sortie, numéro d’identification et statut des espèces. Il ne résulte pas de l’instruction que ce manquement ait été corrigé. Par suite, cette exigence de la mise en demeure contestée n’est pas sans objet.

12.

Analysons en sixième lieu, le moyen portant sur la vérification et le marquage des spécimens. La société requérante soutient avoir régularisé sa situation. Le défaut de marquage des tortues constitue un manquement aux dispositions de l’article 3 de l’arrêté interministériel du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention des animaux. L’administration défenderesse indique que ce n’est pas le cas et produit un compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021 dont il ressort que le marquage n’a pas été effectué sur certaines espèces pour l’ensemble des spécimens et qu’il n’a pu être vérifié sur certaines espèces compte tenu de la période d’hibernation. La société requérante n’apporte aucun élément postérieur à ce rapport de nature à établir la régularisation alléguée. Le grief est donc fondé et la mise en demeure contestée n’est pas sans objet.

13.

Analysons, en septième lieu, le moyen portant sur les demandes des certificats intra-communautaires après marquage et identification. L’absence de certificats intra-communautaires constitue un manquement aux dispositions de l’article 3 de l’arrêté ministériel du 30 juin 1998 fixant les modalités d’application de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction et des règlements européens no°338/97 du Conseil et 939/97 de la commission. Là encore la société requérante soutient que ce manquement a été régularisé. L’administration défenderesse indique que tel n’est pas le cas. Cette régularisation ne résulte pas du compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021. La société requérante n’apporte aucun élément postérieur à ce rapport de nature à établir la régularisation alléguée. Le grief est donc fondé et la mise en demeure contestée n’est pas sans objet.

14.

En revanche, le ministre admet en défense que la société requérante a régularisé sa situation sur plusieurs points en s’appuyant sur le compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021 et les conclusions d’un rapport d’inspection du 30 mai 2022 :

- absence de règlement intérieur (régularisation admise en défense + compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021)19 ;

- absence d’espace de sécurité entre le public et les animaux (régularisation admise en défense + rapport d’inspection du 30 mai 2022)20 ;

- l’arrêté contesté a été mis jour par les mentions de M. X, du nom des capacitaires et de leurs certificats de capacité ; (régularisation admise en défense + compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021) ;

- l’enregistrement des animaux dans le fichier national d’identification des animaux d’espèces non domestiques (IFAP) a été effectué ; (régularisation admise en défense + compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021) ;

- les travaux concernant la réalisation d’une enceinte extérieure ont été effectués. (régularisation admise en défense + compte-rendu de visite de la DREAL du 23 avril 2021).

Si vous restez dans une logique de REP, les moyens relatifs à ces manquements tirés de ce que, postérieurement à l’arrêté en litige, la société appelante s’est conformée aux exigences de la préfète de la Corse-du-Sud sont inopérants.

Inversement si vous admettez un basculement dans le plein contentieux, vous jugerez ces moyens opérants et vous tiendrez compte de ces régularisations. C’est notre proposition. (Voyez en ce sens : CAA Douai 10 novembre 2011 Société VALORISOL no°10DA00638 :

« Mais, considérant que la société VALORISOL a, le 2 octobre 2009, modifié sa déclaration pour porter sa capacité de compost produit à 9,99 tonnes par jour ; que le préfet de l’Oise lui en a donné acte le 19 novembre 1999 ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal dont le jugement doit être réformé sur ce point, il y a lieu d’abroger, à compter du 19 novembre 1999, l’arrêté en tant qu’il met en demeure la société de respecter le seuil de 2,16 tonnes par jour initialement déclaré »).

15.

En dernier lieu, dès lors que la préfète de la Corse‑du‑Sud était en situation de compétence liée, tous les autres vices allégués (il en reste finalement peu), de légalité externe ou interne, susceptibles d’affecter l’arrêté litigieux, doivent être écartés comme étant inopérants.

16.

Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Cheloniens Diffusion est seulement fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a refusé de tenir compte des régularisations effectuées.

Par ces motifs, nous concluons :

- A ce que l’arrêté du 16 janvier 2020 de la préfète de la Corse‑du‑Sud soit abrogé en tant qu’il met en en demeure la SAS Cheloniens Diffusion de régulariser les manquements qui portaient sur l’absence de règlement intérieur, l’absence d’espace de sécurité entre le public et les animaux, l’absence de mise à jour par les mentions de M. X, du nom des capacitaires et de leurs certificats de capacité, l’absence d’enregistrement des animaux dans le fichier national d’identification des animaux d’espèces non domestiques, l’absence d’enceinte extérieure.

- A ce que le jugement no°2000302 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Bastia soit réformé en ce qu’il a de contraire au point précédent.

- Le surplus des conclusions de la SAS Cheloniens Diffusion est rejeté.

Notes

1 Le législateur a indiqué à l’article L. 413‑3 du code de l'environnement « Sans préjudice des dispositions en vigueur relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'ouverture des établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère, doivent faire l'objet d'une autorisation délivrée dans les conditions et selon les modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat. » Retour au texte

2 Le rapporteur devant le Sénat indique que le projet de loi « ne modifie pas la portée du contrôle telle qu’elle résulte actuellement des textes et de la jurisprudence » (rapport n° 364 de M. Legaret p. 37) tandis que le rapporteur devant l’Assemblée Nationale précise qu’« après réflexion, il a estimé qu’il ne fallait pas briser cette jurisprudence du Conseil d’Etat au demeurant traditionnelle en ce domaine qui a permis un contrôle efficace des pouvoirs, eux-aussi très étendus de l’administration et donc finalement un respect rigoureux des droits des industriels aussi bien que des tiers » (rapport no°2143 de M. Bignon p. 29). Retour au texte

3 Article 7 de la loi no°92‑654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi no°76‑663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement : «(…) IV. - Le premier alinéa de l'article 14 est ainsi rédigé : "Les décisions prises en application des articles 3, 6, 11, 12, 16, 23, 24 et 26 de la présente loi sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Elles peuvent être déférées à la juridiction administrative (…) ». Retour au texte

4 Texte d’origine loi 19 juillet 1976 (article 14) : « Les décisions prises en application des articles 3, 6, 11, 12, 16, 23, 24 et 26 de la présente loi peuvent être déférées à la juridiction administrative : Retour au texte

1. Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois qui commence à courir du jour où lesdits actes leur ont été notifiés ;

2. Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article 1er, dans un délai de quatre ans à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes, ce délai étant, le cas échéant, prolongé jusqu'à la fin d'une période de deux années suivant la mise en activité de l'installation. Les tiers qui n'ont acquis ou pris à bail des immeubles ou n'ont élevé des constructions dans le voisinage d'une installation classée que postérieurement à l'affichage ou à la publication de l'arrêté autorisant l'ouverture de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer ledit arrêté à la juridiction administrative. Le permis de construire et l'acte de vente, à des tiers, de biens fonciers et immobiliers doivent, le cas échéant, mentionner explicitement les servitudes afférentes instituées en application de l'article L. 421‑8 du code de l'urbanisme ». Article 14 tel que modifié par la loi 1992 : « Les décisions prises en application des articles 3, 4, 4-2, 6, 11, 12, 16, 23, 24 et 26 de la présente loi sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

Elles peuvent être déférées à la juridiction administrative :

1. Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois qui commence à courir du jour où lesdits actes leur ont été notifiés ;

2. Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article 1er, dans un délai de quatre ans à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes, ce délai étant, le cas échéant, prolongé jusqu'à la fin d'une période de deux années suivant la mise en activité de l'installation. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux décisions concernant les autorisations d'exploitation de carrières pour lesquelles le délai de recours est fixé à six mois à compter de l'achèvement des formalités de publicité de la déclaration de début d'exploitation transmise par l'exploitant au représentant de l'Etat dans le département. Les tiers qui n'ont acquis ou pris à bail des immeubles ou n'ont élevé des constructions dans le voisinage d'une installation classée que postérieurement à l'affichage ou à la publication de l'arrêté autorisant l'ouverture de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer ledit arrêté à la juridiction administrative. Le permis de construire et l'acte de vente, à des tiers, de biens fonciers et immobiliers doivent, le cas échéant, mentionner explicitement les servitudes afférentes instituées en application de l'article L. 421‑8 du code de l'urbanisme. »

5 « I. – Les décisions prises en application des articles L. 512‑7‑3 à L. 512‑7‑5, L. 512‑8, L. 512‑12, L. 512‑13, L. 512‑20, L. 513‑1, L. 514‑4, du I de l'article L. 515‑13 et de l'article L. 516‑1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Par exception, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration. Un décret en Conseil d'Etat précise les délais dans lesquels les décisions mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être déférées à la juridiction administrative ». Retour au texte

6 Notamment : discussion en première lecture, AN, Débats parlementaires (abrégés DP), 1ère et 2e séances du 22 avril 1976, Journal officiel (abrégé JO), 23 avril, p. 2035‑2053 et p. 2055‑2093. Suite de la discussion et vote (scrutin no°304), AN, DP, 1ère séance du 7 avril 1976, JO, 28 avril, p. 2164‑2167 et p. 2181‑2182. Discussion en première lecture, Sénat, DP, séance du 18 mai 1976, JO, 19 mai, p. 1067‑1113. Vote (scrutin no°54), p. 1127‑1128. Discussion en deuxième lecture, AN, DP, 2e séance du 11 juin 1976, JO, 12 juin, p. 4059‑4073. Discussion en deuxième lecture, Sénat, DP, séance du 17 juin 1976, JO, 18 juin, p. 1830‑1833. Retour au texte

7 Il convient d’ailleurs, plus généralement, de relever que la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 a été adoptée au cours de la même session parlementaire que la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ainsi que la loi du no°76‑1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme. Les trois textes ont été examinés séparément et le sujet de la cohérence de la nature des contentieux n’a pas été traité. Retour au texte

8 Le fichage en B confirme que ce contentieux est un REP :  Retour au texte

54 Procédure.

54‑07 Pouvoirs et devoirs du juge.

54‑07‑02 Contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

54‑07‑02‑03 Appréciations soumises à un contrôle normal.

Décision de l'ASN autorisant la mise en service et l'utilisation de la cuve d'un réacteur nucléaire ne satisfaisant pas aux exigences essentielles de sécurité (art. 9 de l'arrêté du 30 décembre 2015) (1).

54‑07‑02‑03

Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la décision par laquelle l'ASN autorise, sur le fondement de l'article 9 de l'arrêté du 30 décembre 2015 relatif aux équipements sous pression nucléaires, la mise en service et l'utilisation de la cuve d'un réacteur nucléaire ne satisfaisant pas à l'ensemble des exigences essentielles de sécurité applicables aux équipements sous pression nucléaires.

1. Rappr., sur les conditions encadrant la délivrance d'une telle autorisation, dont l'exigence d'un niveau de sécurité identique à celui qui résulterait du respect des exigences essentielles de sécurité, CE, 16 octobre 2017, Association Notre Affaire à tous et autres, nos°397606 401136, pts. 5 et 14, inédite au Recueil.

9 a) Les recours formés contre les décisions prises par l'ASN dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale des activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants présentent le caractère de recours pour excès de pouvoir. Retour au texte

10 Voyez CAA Marseille 7 juin 2021 Association One Voice no°19MA04275 et CAA Lyon 3 février 2022 Association One Voice no°20LY00080 (à suivre, pourvoi en cours). Dans la première affaire, l’association One Voice demandait d’annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de faire droit à sa demande datée du 3 mai 2017, tendant, d’une part, à l’abrogation de l’arrêté du 15 juillet 2015 en tant qu’il permet la détention et la présentation par le « Cirque d’Europe » d’un spécimen femelle d’éléphant d’Afrique et, d’autre part, au transfert de cet animal. Dans la seconde affaire, l’association One Voice demandait l’annulation de la décision du 28 juin 2017 par laquelle le préfet de la Drôme a refusé, d’une part, d’abroger « tout arrêté d’ouverture, de présentation et de détention de l’établissement de MM. Edmond et Franck Muller à l’enseigne cirque Muller concernant l’hippopotame amphibie dénommé Jumbo » et, d’autre part, de procéder au transfert de cet hippopotame dans un sanctuaire. La formule « il ne ressort pas des pièces du dossier » est utilisée laissant penser que les contentieux ont été traités comme des REP. Dans les deux affaires il n’était pas question d’installations fixes et permanentes de présentation au public. Vos collègues n’étaient donc pas confrontés à la question de l’application concurrente des deux législations. Ces activités n’étaient pas soumises à la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Il était donc logique de rester dans une logique de REP. Retour au texte

11 Il y a une différence : fondement législatif dans le cas des ICPE, fondement réglementaire dans notre cas. Retour au texte

12 Sur la notion de compétence liée voir CE, Section, 3 février 1999, M. Montaignac, no°149722, en A. Il me semble que dans cette affaire, le commissaire du Gouvernement admet un contrôle sur la situation de fait par le juge (justifiant la mise en demeure) : « Nous ne sommes pas sûrs que l’appréciation du franchissement du seuil de 10 000 h ne pose pas un jour une difficulté au regard de cette jurisprudence, eu égard par exemple à la difficulté de cerner la notion d’habitant…quoi qu’il en soit, la présente affaire ne présente pas de doute puisque l’unique contestation portait sur une substitution éventuelle du nombre d’habitants de la commune … et que, si l’on s’en tient à cette dernière notion imposée par les textes, aucune hésitation ne pouvait exister sur le fait que l’agglomération de Latte comprend moins de 10 000 h ». Retour au texte

13 CE 6 décembre 2012 Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, Des Transports et du Logement c/Société Arcelormittal no°354241 en B : « Alors même que le préfet a compétence liée, lorsque l’inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) a constaté l’inobservation de conditions légalement imposées à l’exploitant d’une installation classée, pour édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé, la circonstance que le rapport de l’inspecteur constatant les manquements n’ait pas été préalablement porté à la connaissance de l’exploitant dans les conditions prescrites par l'article L. 514‑5 du code de l’environnement est de nature à entacher d’irrégularité la mise en demeure prononcée. » Retour au texte

14 Voir également explicitement s’agissant d’un vice affectant la régularité de la mise en demeure : CE 4 mars 2011 M. Hery no°322608 : « Considérant toutefois, d’autre part, que, lorsqu’un manquement à l’application des conditions prescrites à une installation classée a été constaté, la mise en demeure prévue par les dispositions rappelées ci-dessus a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s’attachent à la fois à la protection de l’environnement et à la continuité de l’exploitation, de permettre à l’exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en vue d’éviter une sanction pouvant aller jusqu’à la suspension du fonctionnement de l’installation ; qu’il incombe donc à l’administration, pour donner un effet utile à ces dispositions, de prescrire dans la mise en demeure un délai en rapport avec les mesures à prendre par l’exploitant ; Retour au texte

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les articles 1er et 3 de l’arrêté du 26 novembre 2004 du préfet de la Loire-Atlantique, qui ont mis M. HERY en demeure, d’une part, de cesser l’activité d’élevage de canards sur caillebotis dans le bâtiment no°3 dans l’attente de travaux d’étanchéité du sol et d’un raccordement à la fosse à lisier et, d’autre part, de respecter les effectifs autorisés pour l’élevage de volailles en plein air par l’arrêté préfectoral du 3 mai 2004, n’étaient assortis d’aucun délai qui aurait permis à celui-ci de s’acquitter des obligations que lui imposaient les termes de cette mise en demeure ; que, par suite, en se bornant à relever que le préfet se trouvait en situation de compétence liée pour édicter les prescriptions des articles 1er et 3 de l’arrêté litigieux et en écartant comme inopérants tous les autres moyens soulevés par M. HERY contre ces articles, y compris le moyen tiré de l’irrégularité de la mise en demeure en l’absence de délai laissé à l’intéressé pour prendre les mesures prescrites, pour en déduire que la procédure suivie pour mettre en demeure M. HERY sur le fondement de l’article L. 514‑14 du code de l’environnement était régulière et que, par voie de conséquence, l’arrêté de suspension du 13 avril 2005 était légalement fondé, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que celui-ci doit, par suite, être annulé ; »

15 Précisons que votre appréciation sur ce point est souveraine. Le Conseil d’Etat ne contrôle pas en cassation, sauf dénaturation, l’appréciation à laquelle se livrent les juges du fond pour savoir si un arrêté de mise en demeure ajoute des prescriptions nouvelles à l’arrêté d’autorisation (CE 3 décembre 2003, Me Breion, no°236901 ; CE 22 octobre 2008 Sté Palchem, no°307816 ; CE 12 janvier 2009 Société Total France no°306194 en B). Retour au texte

16 Il est jugé dans l’arrêt : « Considérant que l’arrêté ministériel du 10 mai 2000, relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, a été pris sur la base de l’article 7 de la loi du 19 juillet 1976, ultérieurement codifié à l’article L. 512‑5 du code de l’environnement, qui permet au ministre chargé de l’environnement, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur des installations classées, de fixer des règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises à autorisation ; que selon les prescriptions issues de l’article 8.1 de cet arrêté ministériel : « les études de dangers définies à l'article 3-5 du décret du 21 septembre 1977 susvisé décrivent, dans un document unique à l'établissement ou dans plusieurs documents se rapportant aux différentes installations concernées, les mesures d'ordre technique propres à réduire la probabilité et les effets des accidents majeurs ainsi que les mesures d'organisation et de gestion pertinentes pour la prévention de ces accidents et la réduction de leurs effets » ; que, dès lors que, comme il en avait le pouvoir en vertu du second alinéa de l’article 7 de la loi du 19 juillet 1976, le ministre avait rendu les prescriptions de l’article 8.1 applicables aux installations existantes soumises à autorisation, ces prescriptions, bien que non incluses dans l’arrêté préfectoral d’autorisation de l’installation, avaient le caractère de « conditions imposées à l’exploitant » au sens de l’article L. 514‑1 du code de l’environnement ; qu’il en résulte que la cour administrative d’appel de Bordeaux, dès lors qu’elle n’avait ni retenu un moyen tiré de l’absence de bien fondé des prescriptions édictées par l’article 8.1, ni constaté leur observation par l’exploitant, devait regarder comme inopérant le moyen soulevé devant elle par la société Soferti tiré de ce que la mise en demeure du préfet aurait méconnu la procédure prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que par suite, en accueillant un tel moyen, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; » Retour au texte

17 L’article 14 de de l’arrêté du 8 octobre 2018 dans sa version applicable : « La détention en captivité d'animaux d'espèces non domestiques est soumise à autorisation en application de l'article L. 413‑3 du code de l'environnement lorsque l'une au moins des conditions suivantes est satisfaite, et les installations d'hébergement constituent alors un établissement d'élevage au sens de cet article : / (i) l'élevage porte sur des animaux d'espèces ou groupes d'espèces inscrits à la colonne (c) de l'annexe 2 et les effectifs détenus sont égaux ou supérieurs à la valeur mentionnée dans cette même colonne ; / (ii) le nombre d'animaux adultes hébergés excède 40 pour les mammifères, 100 pour les oiseaux, 40 pour les reptiles ou 40 pour les amphibiens ; / (iii) le nombre total d'animaux adultes hébergés excède 40 lorsqu'ils appartiennent à plusieurs des classes zoologiques mentionnées au (ii) ;/ (iv) l'élevage est pratiqué dans un but lucratif, notamment : / la reproduction d'animaux a pour objectif la production habituelle de spécimens destinés à la vente ; / ou le nombre de spécimens cédés à titre gratuit ou onéreux au cours d'une année excède le nombre de spécimens produits. / Les personnes responsables de l'entretien des animaux au sein de ces établissements doivent être titulaires du certificat de capacité prévu à l'article L. 413‑2 du code de l'environnement. / Il est interdit d'exposer en vue de la cession gratuite et onéreuse des animaux appartenant à une espèce ou à un groupe d'espèces qui relève, dès le premier spécimen détenu, de la colonne (c) de l'annexe 2. ». Aux termes de l’article 63 de l’arrêté du 25 mars 2004 : « Il est interdit de vendre ou de proposer à la vente aux visiteurs des animaux hébergés dans les établissements visés par le présent arrêté. » Retour au texte

18 Pas de fichage. Le passage intéressant au regard du moyen est : « Considérant, enfin, que la liberté d’entreprendre s’entend comme celle d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées ; que le législateur a entendu faire obligation aux responsables des établissements d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques d’obtenir un certificat de capacité pour l’entretien desdits animaux ; que les dispositions réglementaires sus rappelées se bornent à faire application des dispositions précitées de l’ancien article L. 213‑2 du code rural ; que, dès lors, M. CADEAC ne peut utilement invoquer l’atteinte à la liberté d’entreprendre qui résulterait du caractère restrictif du certificat de capacité qui lui a été accordé ; qu’il suit de là que M. CADEAC n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Melun a refusé de faire droit à sa demande tendant à l’annulation dudit certificat en tant qu’il n’a qu’une durée de validité de trois ans et ne concerne pas toutes les espèces figurant dans la demande qu’il avait formulée ; » Retour au texte

19 Il ressort des pièces du dossier que le rapport du 3 septembre 2019 de l’ONCFS a relevé l’absence de règlement intérieur en méconnaissance de l’article 5 de l’arrêté du 25 mars 2004. La SAS Cheloniens Diffusion n’établit pas que ce règlement intérieur existait à la date des contrôles opérés par les agents de l’ONCFS en se bornant à produire des photographies non datées de l’affichage de ce règlement. Rappelons sur ce point que les constatations effectuées par les inspecteurs de l’environnement ou leurs équivalents dans la législation relative à la police de la protection de la faune et de la flore, agents assermentés, font foi jusqu’à preuve du contraire (CAA Marseille 3 février 2023 Société HMTP no°21MA04405 ; CAA Paris 18 novembre 2021 Société Men Autos no°20PA02801). Retour au texte

Mais en défense le ministre admet que ce manquement à une règle de fond a été régularisé depuis et si vous nous suivez pour intervenir en tant que juge du plein contentieux vous tiendrez compte de cette évolution de la situation de fait.

20 Aux termes de l’article 36 de l’arrêté du 25 mars 2004 : « Le contact entre le public et les animaux présents dans leur enclos n'est possible qu'après qu'a été examiné et écarté tout risque pour la sécurité et la santé des personnes. A défaut, afin d'empêcher les contacts entre le public et les animaux, un espace de sécurité doit séparer les lieux où le public a accès des enceintes où sont hébergés les animaux, sauf si un dispositif continu de séparation prévient en permanence tout contact entre le public et les animaux. / La dimension de cet espace tient compte de la nature des risques à prévenir pour la sécurité et la santé des personnes ainsi que des aptitudes des espèces. / Dans des conditions normales de visite, la mise en place de barrières ou de tout autre moyen empêche le franchissement de cet espace par le public. L'efficacité des dispositifs utilisés à cette fin doit être proportionnelle au niveau de dangerosité des animaux ». Retour au texte

Il ressort du rapport du 3 septembre 2009 que les agents de l’ONCFS ont constaté des problèmes de sécurité au niveau des enclos des espèces aquatiques et que pour de nombreux enclos, les visiteurs pouvaient passer sur le côté des barrières en bois. Ils ont également relevé que sur les aquariums contenant les tortues alligators considérées comme une espèce dangereuse, la grille du dessus peut être soulevée et les visiteurs peuvent mettre les mains dans les bassins et qu’il n’y avait aucun verrou sur les portails d’accès aux enclos, les visiteurs pouvant les ouvrir et entrer dedans. D’ailleurs, l’arrêté contesté vise « et notamment l’accès possible du public à des espèces aquatiques dangereuses ». Par suite, la préfète de Corse‑du‑Sud a pu légalement demander à la SAS Cheloniens Diffusion de créer un espace sécurité entre le public et les animaux.

Mais là encore, le ministre admet en défense que ce manquement à une règle de fond a été régularisé depuis et si vous nous suivez pour intervenir en tant que juge du plein contentieux vous tiendrez compte de cette évolution de la situation de fait.

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