En l’espèce, Madame X (agent administratif âgé de 26 ans) se fait opérer en 2008 de kystes sur un ovaire. Suite à l’opération, la victime présente une affection neurologique. Elle assigne donc en indemnisation l’ONIAM, la clinique et le praticien. La responsabilité de ces deux derniers ayant été écartée. La cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 4 avril 2017 condamne l’ONIAM (sur le fondement de l’article 1142-1 II du code de la santé publique) à verser 449 806 € à la victime au titre de ses pertes de gains professionnelles futures (PGPF) et 10 000 € au titre de son incidence professionnelle (IP). L’ONIAM forme un pourvoi en cassation. La première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 11 juillet 2018, casse et annule partiellement l’arrêt d’appel (et renvoie en conséquence les parties devant la cour d’appel de Grenoble autrement composée).
Elle considère, d’une part, qu’au jour de la consolidation il était médicalement constaté que la victime n’était plus en mesure de travailler justifiant ainsi l’allocation d’une indemnité (calculée sur la base du traitement annuel qu’elle aurait dû percevoir en 2016) au titre de ses PGPF. Elle souligne, d’autre part, que la victime ne pouvait plus espérer aucune progression professionnelle justifiant ainsi l’allocation d’une indemnisation complémentaire au titre de l’IP (perte de chance de l’évolution de carrière qu’aurait pu avoir l’intéressée). La Cour rappelle ainsi la dissociation opérée par la nomenclature « Dintilhac » : les PGPF indemnisent la victime de la perte/diminution de ses revenus consécutivement à l’incapacité permanente constatée à la suite du dommage ; l’IP indemnisent quat à elle, notamment, les conséquences économiques périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle telle que la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de chance professionnelle ou l’augmentation de la pénibilité de l’emploi par exemple. L’indemnisation de l’un n’étant pas incompatible avec l’indemnisation de l’autre : « ce poste d’indemnisation vient compléter celle déjà obtenue par la victime du poste de gains professionnels futurs sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice » (rapport « Dintilhac » p. 35). La Cour rejette donc les moyens présentés sur ce point : « de sorte [que la cour d’appel] n’a ni porté atteinte au principe de réparation intégrale, ni entaché sa décision de contradiction ».
Dans son calcul relatif au PGPF la cour d’appel de Grenoble opère toutefois une dissociation. Elle répare, tout d’abord, la perte éprouvée entre la date de consolidation (2012, victime âgée de 31 ans) et le 1er janvier 2017 pour un montant de 26 637 €. Puis, la perte éprouvée par la victime à partir du 1er janvier 2017 pour un montant de 423 169 € - en recourant à une indemnité capitalisée sur la base d’un euro rente viager à l’âge de 31 ans. Or sur ce point la Cour de cassation précise :
« Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ces énonciations qu’en prenant en compte, pour la fixation de l’indemnité capitalisée, l’âge de Madame X à la date de sa consolidation et non à la date du 1er janvier 2017, la cour d’appel a réparé deux fois la perte de gains professionnels éprouvées entre la date de consolidation et le 1er janvier 2017 ».
Il existait donc bien une double indemnisation s’agissant du calcul indemnitaire des PGPF prenant deux fois en considération la période établie entre la date de consolidation et la date de liquidation.
Une approximation méthodologique source de difficultés pratiques, voire d’erreurs, nous conduisant à nous interroger sur la réelle pertinence de la notion de consolidation comme date charnière. Nous nous demandons effectivement si cette ligne de fracture ne devrait pas éventuellement être repensée, à tout le moins en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux (En ce sens : S. Porchy-Simon, « Quelles améliorations pour la nomenclature Dintilhac ? Le point de vue de l’universitaire » in La réparation du dommage corporel à l’épreuve de l’unification des pratiques, Gaz Pal. 2011, p. 19 et A. Guégan-Lécuyer, « La distinction de préjudices temporaires et permanents : l’exemple du déficit fonctionnel » in Autour de la nomenclature des préjudices corporels. Hommage au président Dintilhac, Gaz Pal. 2014, p. 28).