En l’espèce, Madame X est victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de […] en 1986. Une transaction a été conclue entre les parties en 1992. Cependant, la victime présente une aggravation de son état. Agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants, le couple X assigne l’assureur afin d’obtenir une réparation complémentaire. La cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt en date du 13 septembre 2016 condamne l’assureur. Bien qu’elle accorde une rente viagère à la victime au titre de ses pertes de gains professionnels futurs (PGPF), la Cour statue également en faveur d’une indemnisation au titre de l’incidence professionnelle (IP) : « Qu’en raison de l’aggravation de son état, la victime ne peut plus envisager d’exercer une activité professionnelle, ce qui justifie de réparer ce préjudice ». La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 13 septembre 2018, casse et annule partiellement l’arrêt d’appel (et renvoie en conséquence les parties devant la cour d’appel de Chambéry). À ce titre, elle précise notamment que « l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d’une rente viagère d’une victime privée de toute activité professionnelle pour l’avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l’incidence professionnel ». La position de la cour d’appel conduirait donc manifestement à une double indemnisation de la victime indubitablement contraire au principe de réparation intégrale.
D’après la Cour de cassation toutes les conséquences tenant à l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle étaient d’ores et déjà indemnisées à la victime au travers d’une rente viagère réparant ses PGPF. La nomenclature « Dintilhac » rappelle pourtant dans son rapport que l’indemnisation de l’incidence professionnelle n’est pas incompatible avec celle des pertes de gains futurs : « ce poste d’indemnisation vient compléter celle déjà obtenue par la victime du poste de gains professionnels futurs sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice » (rapport « Dintilhac » p. 35). Pour évaluer les PGPF le régleur doit notamment tenir compte des reconversions difficiles voire impossibles de la victime. Si celle-ci a perdu son emploi, et qu’elle est dans l’incapacité définitive d’exercer cette même activité ou toute autre activité professionnelle médicalement, elle peut bénéficier d’une indemnisation au titre des PGPF. L’incidence professionnelle quant à elle ne doit pas être appréhendée qu’économiquement (perte de droits à la retraite, dévalorisation sur le marché du travail…). Elle revêt une vision extrapatrimoniale permettant d’indemniser la victime du préjudice moral lié à la nécessité d’abandonner définitivement sa profession. Telle est d’ailleurs la distinction opérée dans le projet de décret de nomenclature présenté par la Chancellerie en 2014 (V. également Civ. 2e, 14 septembre 2017, pourvoi n°16-23.578).