Lorsqu’il est constaté que des travaux sont, en vertu des dispositions du code de l’urbanisme, soumis à l’obligation d’obtenir un permis de construire mais n’ont fait l’objet que d’une simple déclaration préalable, l’autorité compétente est tenue de s’opposer aux travaux déclarés et d’inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire. Lorsque l’autorité administrative, saisie d’une déclaration préalable relative à un projet soumis à l’obligation d’obtenir un permis de construire, a illégalement accordé l’autorisation d’urbanisme sollicitée au lieu de s’opposer aux travaux déclarés et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire, cette illégalité tenant à la nature de l’autorisation d’urbanisme délivrée ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600‑5‑1 du code de l’urbanisme ou d’une annulation partielle en application de l’article L. 600‑5 du même code.
Choix de l’autorisation d’urbanisme sollicitée et vice régularisable au titre de l’article L. 600‑5 ou du L. 600‑5-1 du code de l’urbanisme
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Décision de justice
CAA Marseille, 1re chambre – N° 20MA02543 – Mme R. – 01 décembre 2022
Informations complémentairesJuridiction : CAA Marseille
Numéro de la décision : 20MA02543
Numéro Légifrance : CETATEXT000046678051
Date de la décision : 01 décembre 2022
Index
Rubriques
UrbanismeTextes
Résumé
Conclusions du rapporteur public
DOI : 10.35562/amarsada.223
Ce litige concerne la légalité de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable de travaux prise par le maire de Simiane-Collongue au bénéfice de Mme R. pour la transformation d’un garage en studio et buanderie que le tribunal administratif de Marseille a annulée en première instance sur requête des époux G., voisins du projet au sein du même lotissement et justifiant, en cette qualité et sous le régime antérieur à la Loi ELAN, d’un intérêt pour agir.
Le tribunal administratif a fondé le jugement d’annulation attaqué par Mme R. sur trois motifs :
D’abord, il a estimé que le projet situé en zone urbaine aurait dû être soumis à un permis de construire.
Il s’est notamment fondé sur la circonstance que la surface en cause serait de 45 m2 et non de 35,19 m2 tel qu’indiqué dans le dossier de déclaration, ce qui ferait entrer les travaux dans le champ du permis en application des dispositions combinées des articles R. 421-17 et 14. Mais conformément à la jurisprudence commune de Cogolin (CE, Sect., 15 fév. 2019, no 401384),
« le permis de construire n’ayant d’autre objet que d’autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, - l’autorité administrative - n’a à vérifier ni l’exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu’elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l’urbanisme, ni l’intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d’éléments établissant l’existence d’une fraude à la date à laquelle l’administration se prononce sur la demande d’autorisation »
et en l’espèce, le dossier ne comporte aucune contradiction qui permettrait de remettre en cause la surface déclarée, au contraire, le plan de masse présente un espace d’une superficie de 6,90 mètres par 5,10 mètres, soit 35,19 m2 précisément.
Toutefois, l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme prévoit notamment que
« demeurent soumis a permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l’emprise totale de la construction au-delà de l’un des seuils fixés à l’article R. 431-2 […] ».
L’article R. 421-17, qui renvoie expressément à l’article R. 421-14, prévoit que, en zone urbaine d’un PLU, les travaux « impliquant la création d’au moins vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol » ne relèvent pas du champ de la déclaration préalable mais de celui du permis de construire « lorsque cette création conduit au dépassement de l’un des seuils fixés à l’article R. 431‑2 du présent code ». Et cet article R. 431‑2 qui fixe des seuils au-delà desquels un architecte doit être mandaté dispose que :
« […] ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques […] qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : / a) Une construction à usage autre qu’agricole dont la surface de plancher n’excède pas cent cinquante mètres carrés […] ».
Ces 150 m2 constituent bien l’un des seuils auxquels fait référence l’article R. 421‑14.
Or, en l’espèce, la construction existante présente une surface de 125 m2 qui sera portée à 160 m2, soit au-delà dudit seuil, après réalisation des travaux qui étaient donc bien soumis à permis de construire. Le maire était donc en situation de compétence liée pour s’opposer à la DP (CE, 9 juill. 2014, cne de Chelles, no 373295, A) et c’est une question d’ordre public (CE, 15 déc. 2016, commune de Saint-Denis d’Oléron no 389141, B).
Vous remarquerez, si vous vous interrogiez sur ce point, que nous ne sommes pas confrontés à une situation entrant dans le champ de la décision Me Craeye (CE, 3 août 2011, no 32675) selon laquelle le moyen tiré de ce que le juge du fond a annulé une décision que l’administration était en situation de compétence liée pour prendre est d’ordre public car ici, tout à fait différemment, le tribunal administratif a annulé une décision de non-opposition que le maire était tenu de ne pas prendre puisqu’il était en situation de compétence liée pour s’opposer aux travaux. Quant aux autres moyens d’annulation invoqués en première instance, ils ne sont évidemment pas inopérants du fait de cette compétence liée du maire pour s’opposer au projet, une décision pouvant être entachée de plusieurs illégalités à la fois, et l’existence d’une illégalité imposant au maire de prendre une décision dans un sens donné ne rend pas les autres moyens sans incidence sur la légalité de la décision qu’il a prise en sens inverse.
Ensuite, le tribunal administratif a retenu une violation de l’article UD7 relatif à la distance d’implantation par rapport à la limite séparative par un escalier de la construction qui n’est ni situé sur la limite ni à au moins trois mètres de celle-ci comme règlementairement exigé. Néanmoins, les travaux ne visent ni à la création ni à la modification de cet escalier existant et les requérants n’ont pas invoqué le moyen qui n’est pas d’ordre public tiré, sous l’angle de la jurisprudence Séckler, d’une irrégularité de la construction existante que les travaux ne permettraient pas de régulariser et à laquelle ils ne seraient pas étrangers. Ils n’ont pas davantage invoqué l’irrégularité de tout ou partie de la construction sur l’ensemble de laquelle aurait dû porter la déclaration dans la logique de la jurisprudence Thalamy. Le moyen sera écarté.
Enfin, le troisième motif est fondé sur les dispositions de l’article UD12 relatives au nombre de places de stationnement.
Le tribunal a considéré que le projet qui entrainera la création d’un nouveau logement devait prévoir une place de stationnement supplémentaire accessible et utilisable indépendamment de celles dédiées au logement existant. Deux questions se posent à vous : Premièrement, le projet entrainera-t-il la création d’un nouveau logement ? Il y a matière à hésiter car si la demande indique que les travaux porteront sur la résidence principale de la pétitionnaire et ne mentionne pas qu’un logement sera créé dans le tableau prévu à cet effet du formulaire Cerfa, elle porte expressément sur la création d’un « studio », notion inconnu du droit de l’urbanisme mais distincte, dans le langage courant de la pétitionnaire, d’une chambre ou d’une pièce supplémentaire qui suppose une certaine autonomie fonctionnelle, notamment du fait de la présence d’arrivées d’eau, de sanitaires et d’un espace destiné à la cuisine, et a prévu la création d’une place de stationnement supplémentaire. Deuxièmement, cette place de stationnement satisfait-elle aux conditions de l’article UD12 ? Sur ce point le tribunal a estimé que la place nouvellement créée sur le terrain d’assiette serait celle mise à la disposition des occupants du futur studio et comme elle se trouve dans le prolongement des deux places existantes, plus profondément implantée qu’elles à l’intérieur du terrain, elle ne serait pas accessible en cas d’occupation de ces deux places existantes. Mais rien dans le dossier ne permet de considérer que cette nouvelle place créée sera affectée au studio. La déclaration fait seulement état de l’emplacement de la troisième place devant être aménagée sur le terrain d’assiette et rien n’empêchera de destiner aux occupants du studio l’une des deux places existantes et accessibles et de laisser les deux places prévues l’une derrière l’autre aux occupants de la maison existante, ce que la jurisprudence constante admet comme ne posant pas de difficulté fonctionnelle. À nos yeux, le projet doit plutôt être regardé comme impliquant la création d’un nouveau logement mais vous pourriez juger, sans vous prononcer sur ce point, qu’en tout état de cause, les dispositions de l’article UD12 ont été respectées.
Il résulte de ce qui précède que la décision de non-opposition est illégale au seul motif que le projet était soumis à permis de construire. Par ailleurs, saisis par l’effet dévolutif de l’appel, vous constaterez qu’aucun autre moyen n’a été invoqué contre cette décision qui n’est donc affectée que par ce seul vice.
Mais quelles conséquences devrez-vous en tirer au regard des facultés de régularisation offertes par l’article L. 600‑5‑1 du code de l’urbanisme, étendues aux déclarations préalables de travaux par la loi ELAN du 23 novembre 2018 ? La réponse n’a rien d’évident. À notre connaissance seuls les tribunaux administratifs de Nantes (31 mars 2020, M. et Mme D., no 1710851) et de Bordeaux (29 juin 2022, Mme P., no 2005449) l’ont tranché et dans le sens d’une impossibilité de régulariser un tel vice.
Dans sa rédaction actuellement en vigueur, cet article dispose que
« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600‑5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».
Vous constaterez que le texte n’enferme l’éventuelle régularisation dans aucun cadre ou forme prédéfini et n’exige rien de plus qu’un vice « susceptible d’être régularisé » par une « mesure de régularisation ». Cette étendue du champ de la régularisation qu’aménagent ces termes n’a rien de fortuit puisque le législateur et la jurisprudence n’ont cessé d’œuvrer en ce sens depuis l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 ayant introduit l’article L. 600‑5‑1 au code de l’urbanisme. La régularisation dont la forme était initialement limitée aux permis de construire modificatifs par le texte lui-même, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2019, a pu, en application de la loi ELAN, prendre la forme d’un nouveau permis. Le dispositif s’est par la même occasion trouvé à s’appliquer aux déclarations préalables. Le Conseil d’État, après avoir limité les régularisations possibles à celles n’affectant pas l’économie générale du projet et dès lors que les travaux n’étaient pas achevés (Conseil d’État, 1er octobre 2015, commune de Toulouse, no 374338, A pour une régularisation sur le fondement du L. 600‑5, puis B., 2 octobre 2020, no 438318, A), ce qui répondait aux critères classiques de qualification d’un permis de construire modificatif (voyez Conseil d’État, 26 juillet 1982, Le Roy, no 23604 ou 21 décembre 2001, SCI Le Complexe, no 211663, A et la décision M. A. du 4 octobre 2013, no 358401, classée en B), a déplacé le curseur de la qualification du permis de construire modificatif et donc, implicitement et par ricochet, de celui de régularisation au sens du L. 600‑5‑1 dont font d’ailleurs état les références du fichage de cette jurisprudence, aux décisions qui, bien qu’en bouleversant l’économie générale, ne changent pas la nature même du projet (Conseil d’Etat, 26 juillet 2022, Mme V., no 437765, A). Comme l’indiquait Vincent Villette dans ses conclusions sur la décision société Marésias (Conseil d’État, 6 octobre 2021, no 442182, A) :
« Vous savez aussi que vous avez admis que la régularisation couvrait un champ très large. Dans ce cadre en effet, vous ne vous déterminez pas en fonction de la gravité du vice en cause, et vous en excluez seulement les modifications qui impliqueraient de bouleverser le projet initial en en changeant la nature même. Bref, pour reprendre le mot de R. Noguellou, tout, ou presque, est devenu régularisable ».
C’est, du reste, ce qu’illustrent certaines des solutions pragmatiques consacrées par la jurisprudence. Le juge admet par exemple que la régularisation d’un vice de légalité interne puisse être assurée par une décision délivrée pour un projet identique mais sous l’empire du document d’urbanisme révisé postérieurement à la décision illégale initiale et que le projet, pourtant inchangé, respecte désormais (voyez le fichage de la décision Mme B., 7 mars 2018, no 404079, A). Ou comme le précise le fichage de la décision SCI Alexandra (Conseil d’État, 3 juin 2020, no 402736, B) :
« Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision litigieuse, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. S’agissant des vices entachant le bien-fondé du permis de construire, le juge doit se prononcer sur leur caractère régularisable au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue et constater, le cas échéant, qu’au regard de ces dispositions, le permis ne présente plus les vices dont il était entaché à la date de son édiction ».
Une décision peut même être purgée d’un vice de procédure suivant les modalités applicables à la date où le juge statue si celles qui étaient en vigueur à la date de la décision initiale illégale ne sont plus légales ou plus en vigueur (Conseil d’État, 9 juillet 2021, Commune de Grabels, no 437634, A). La forme de la mesure et le procédé de régularisation ne semblent donc plus être les critères de l’application de l’article L. 600‑5‑1.
Rappelons également que ce sens de l’évolution du droit de l’urbanisme vise à capitaliser au mieux la saisine du juge de l’excès de pouvoir par l’aménagement des conditions permettant d’aboutir au règlement le plus complet et le plus rapide possible du différend, puisque la faculté de régulariser en cours d’instance la décision illégale assure à bref délai le règlement contentieux de l’éventuel futur litige qui pourrait naître au sujet de la légalité de la mesure de régularisation, sans qu’il ait à donner lieu à une nouvelle instance coûteuse à tout point de vue pour les justiciables, l’administration et le juge. Cette démarche a également justifié la faculté offerte au juge de mises en œuvre successives des dispositions des articles L. 600‑5‑1 et L. 600‑5 du code de l’urbanisme dans l’hypothèse où la mesure de régularisation bien qu’ayant assuré son office, se trouvait affectée de vices propres relatifs à des modifications du projet étrangères aux points initialement illégaux (Conseil d’État, 17 mars 2021, Mme V., no 436073, B).
Pour finir, outre le cas où la régularisation conduit à un bouleversement de l’économie du projet en modifiant sa nature même, la seule autre impossibilité de régularisation sur le fondement de l’article L. 600‑5‑1 a été dégagée par la décision société Marésias (précitée) et a concerné le vice particulier tenant à la circonstance que la demande de permis ou la déclaration n’avait pas porté sur l’ensemble des éléments irréguliers de la construction existante faisant l’objet des travaux, en violation du principe posé par la jurisprudence Thalamy (Conseil d’État, 9 juillet 1986, no 51172, A sur ce point). Cette limite à la régularisation trouve sa justification, tel que l’expose Vincent Villette dans ses conclusions, dans trois séries de considérations parmi lesquelles ne figure pas la compétence liée du maire, ce qui n’a rien d’étonnant en l’absence d’incidence que pourrait avoir en droit cette circonstance commune à une grande diversité de méconnaissances de règles d’occupation ou d’utilisation du sol déjà admises à la régularisation : D’abord parce que, dans cette hypothèse Thalamy, l’autorité administrative n’a pas pu porter une appréciation sur la nature exacte du projet faute pour la demande d’avoir porté sur l’ensemble des éléments à régulariser de la construction. La demande soumise initialement à l’administration a concerné un projet tronqué d’une partie qui peut avoir été substantielle. Elle se combine avec la deuxième considération, qui en est un prolongement, selon laquelle le débat de droit se tenant devant le juge du caractère régularisable ou non de ce vice serait fondé sur « des bases inédites » au sens où « le juge serait alors le premier à appréhender la question de savoir si la construction, prise dans son ensemble, peut prétendre à un permis légal au regard des dispositions applicables à la date à laquelle il statue ». Tel que le concède ce rapporteur public, ces premières difficultés nous semblent néanmoins levées par l’application de la condition relative à l’absence de modification de la nature même du projet qu’entrainerait la régularisation qui permet au juge d’estimer que la régularisation n’est pas possible en cas de décalage trop important entre le projet initial et celui permettant la régularisation. Enfin, et cela nous parait de ce fait l’argument le plus déterminant, il faut veiller à ne pas affaiblir la sanction juridictionnelle et moralisatrice qui sous-tend la jurisprudence Thalamy en incitant « les pétitionnaires indélicats à ne solliciter une autorisation que pour leurs nouveaux travaux, qui pour à eux à corriger le tir, sans véritables perte de temps, si finalement la tentative subreptice devait se heurter à la vigilance du juge ». Pour ces mêmes raisons qui y sont transposables, et notamment la dernière qui est la plus déterminante, il a paru naturel d’étendre cette impossibilité de régulariser à l’hypothèse des décisions obtenues par fraude (voyez cour administrative d’appel de Marseille, 13 octobre 2022, M. C., no 20MA02077 ou 27 octobre 2022, Consorts L., no 20MA01283 ou cour administrative d’appel de Lyon, 17 mai 2022, M. et Mme B., no 20LY00367).
Au vu de ces éléments, on est sérieusement en droit de douter de l’impossibilité d’admettre la régularisation du vice tenant à ce que le projet était soumis à permis de construire et non à déclaration préalable :
D’abord, aucun argument textuel ne s’y oppose, on l’a dit.
Certes, les dossiers de demande de permis et de déclaration préalable sont différents, le premier nécessite la production de davantage de pièces instruites dans un délai plus long, mais ce qui nous parait essentiel au regard de l’état de la jurisprudence, c’est que pour obtenir la régularisation d’un tel vice, il ne sera pas nécessaire que le projet soit modifié ni, par suite, que le juge soit le premier à porter cette appréciation sur sa légalité dont parlait Vincent Villette dans ses conclusions précitées. De plus, ne serait-ce pas l’objet même de cette régularisation que de permettre à l’administration de disposer du dossier plus complet et d’un délai plus long que réclame l’instruction d’une demande de permis afin de confronter plus précisément, en disposant de plus de temps et de pièces justificatives, le projet demeuré inchangé aux règles de droit applicables ? La jurisprudence admet avec constance le caractère régularisable par la mise en œuvre de l’article L. 600‑5‑1 de vices de légalité interne tenant à l’incomplétude du dossier de demande de permis, l’administration n’ayant pu apprécier la conformité aux règles d’urbanisme de certains aspects du projet, c’est pourquoi également la différence de composition des dossiers de déclaration préalable et de demande de permis ne nous parait pas constituer un argument décisif s’opposant à ce que vous estimiez régularisable le vice dont est affectée la décision critiquée en l’espèce. En outre, ces décisions présentent avant tout un certain nombre de similitudes. En remontant à la racine formelle de ces décisions, tel qu’on devrait s’y attacher dans le cadre rigoureux de la mise en œuvre du principe de parallélisme des formes, on constatera qu’il s’agit de décisions individuelles, prenant la forme d’arrêtés d’une même autorité compétente pour des projets d’utilisation ou d’occupation du sol qui ne diffèrent parfois que très marginalement, d’un centimètre-carré seulement dans certaines hypothèses, qui font l’objet d’une instruction par les mêmes services et suivant des régimes juridiques très semblables. Et bien qu’il puisse être théoriquement question d’une procédure déclarative dans un cas et d’une demande d’autorisation dans l’autre, vous savez à quel point leurs frontières sont floues dans le cas de ces deux types de décisions d’urbanisme, rendues toutes deux sur la base des éléments déclarés par le pétitionnaire que ne remet en principe pas en cause l’administration, sauf dans l’hypothèse où une fraude apparaîtrait suffisamment manifestement du dossier, sous réserve du droit des tiers, indépendamment de la question ultérieure de la conformité de l’exécution des travaux, après avoir été instruites par la même autorité chargée de confronter le projet à la règlementation d’urbanisme applicable, indépendamment des législations distinctes qui pourraient s’appliquer, si bien que les demandes de permis sont avant tout déclaratives et que les non-opposition à déclaration préalable se présentent essentiellement comme des autorisations d’exécuter les travaux déclarés.
Pour terminer, l’aspect moralisateur qui justifie les impossibilités de régulariser la violation de la jurisprudence Thalamy ou la fraude ne concerne en rien le vice en cause. Le dépôt d’une déclaration préalable en lieu et place d’une demande de permis n’a ni fortuitement ni volontairement conduit à soumettre à l’administration un projet différent de ce qu’il aurait dû être, tronqué d’une partie des travaux réalisés ou projetés devant être autorisés. Il n’y a donc aucune raison ici de veiller à ne pas limiter une quelconque sanction juridictionnelle de l’illégalité en permettant la régularisation. Rien ne s’oppose, pour un tel vice, à la recherche du contrôle le plus efficace et économe possible de la conformité du projet au droit applicable à la date où le juge statue.
Alors pourquoi faudrait-il, dans notre hypothèse, que le maire délivre pour ce même projet soumis aujourd’hui à votre contrôle un éventuel permis de construire hors du champ de l’article L. 600‑5‑1 et de l’instance, permis qui pourrait être attaqué par les mêmes voisins devant le même tribunal administratif dont le jugement pourrait à nouveau être contesté en appel devant notre cour ainsi saisie, dans deux ou trois années, des questions de droit que vous pourriez trancher aux termes du délai de quelques mois que vous fixerez dans le cadre de la présente instance ? Nous l’ignorons. C’est pourquoi nous vous invitons à juger qu’un tel vice est régularisable.
Par ces motifs, nous concluons, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme au sursis à statuer dans un délai de six mois sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de non-opposition à déclaration préalable dans l’attente d’une éventuelle régularisation.
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