Si le droit à indemnisation financière au titre des congés payés non pris pendant un congé de maladie d'un agent dont la relation de travail a pris fin est conditionné par la circonstance que la cessation de la relation de travail soit intervenue dans le délai de 15 mois à compter du terme de l'année civile au cours de laquelle les congés sont dus, il n'est, en revanche, pas subordonné à la présentation d'une demande d'indemnisation dans ce délai, cette demande restant régie par les seules règles de prescription des créances.
Le droit des agents publics à indemnisation des congés payés non pris pendant un congé de maladie
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Décision de justice
CAA Marseille, 5e chambre – N° 20MA01949 – M. T. c/ La Poste – 17 octobre 2022
Informations complémentairesJuridiction : CAA Marseille
Numéro de la décision : 20MA01949
Numéro Légifrance : CETATEXT000046441389
Date de la décision : 17 octobre 2022
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Fonction publiqueTextes
Résumé
Conclusions du rapporteur public
DOI : 10.35562/amarsada.296
M. T. a été recruté par la Poste en qualité de préposé en 1974. En 1997, il obtint le grade de cadre professionnel pour occuper un emploi de conseiller financier (PJ1 PI La Poste). Il exerce depuis 2006 ses fonctions de conseiller au sein de l’agence Marseille Canebière. Du 21 janvier 2015 au 31 décembre 2017, il a été placé en congé de maladie de manière discontinue, autrement dit avec une courte reprise d’activité, du 21 janvier 2015 au 31 janvier 2018. Puis il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2018.
M. T. a présenté, suivant courrier du 26 avril 2018, réceptionné le 30 avril 2018, une demande tendant au versement d’une indemnité compensatrice au titre des congés payés non pris en 2015, 2016, 2017 et 2018 (ce qui correspond à 30 jours par an et 2,5 jours en 2018).
La Poste a rejeté implicitement cette demande. L’intéressé a alors saisi le TA de Marseille d’une demande d’annulation de cette décision implicite et de réparation de son préjudice.
Le tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet et a enjoint à la Poste de lui verser une compensation financière à hauteur de 21,5 jours (au lieu des 92,5 demandés). Le tribunal administratif a en revanche rejeté les conclusions au titre de l’année 2015 et de l’année 2016, et a limité son droit au report, soulignant qu’il n’était pas illimité dans le temps.
M. T. relève régulièrement appel de ce jugement devant vous. Il vous demande d’annuler ledit jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à sa demande de versement d’une indemnité compensatrice au titre des congés annuels non pris au titre de l’année 2016, qu’il a limité à 20 jours cette indemnité au titre de l’année 2017 et 1,5 jours au titre de l’année 2018 ; vous noterez que l’année 2015 n’est pas visée en appel. M. T. vous demande également de condamner la Poste à lui verser une compensation financière équivalente à 30 jours au titre des années 2016 et 2017 et 2,5 jours au titre de 2018. La Poste conclut au rejet de ces demandes.
Sur le fond :
La problématique, vous le savez, a été réglée par l’avis du 26 avril 2017 no 406 009 Ministre de l’intérieur c/ M. C. : le droit à indemnisation ne peut répondre à la même logique et à la même justesse que le droit à report de congé : si la problématique du report de congé est centrée sur la vie et l’intérêt de l’entreprise, la problématique du paiement des congés est centrée sur l’intérêt de l’agent qui ne pouvant reporter ses congés doit se les faire payer. Il ne serait pas juste, aux deux sens du terme, (la vertu cardinale de justice et le concept de justesse : au sens d’ajustement à une finalité) qu’il n’en soit autrement.
En résumé, l’agent est tenu de solliciter le report de ses congés dans un délai de 15 mois à compter de la fin de la période de référence. Le délai de 15 mois dans le cadre du report se justifie par un argument économique lié à la vie des entreprises : un délai plus long serait susceptible de nuire excessivement au bon fonctionnement de celle-ci. En revanche, l’agent est tenu de solliciter l’indemnisation de ses congés non pas dans un délai de 15 mois à compter de la fin de la période de référence mais en application des règles de forclusion de droit commun, applicables en droit de la fonction publique et aux demandes d’indemnisations. La cessation de la relation de travail doit intervenir dans lesdits 15 mois. Le versement d’une indemnité compensatrice est conditionné par la non-extinction du droit au report. Le droit à indemnisation ne peut subsister si le droit au report, qui en est le fondement, a lui-même disparu. Voyez en ce sens CE L. no 441041 du 14 mars 20021. En revanche le nombre de jours de congés susceptibles de donner lieu à indemnisation est toujours de vingt maximum déduction faite des jours pris.
Ainsi, je vous propose de réformer le jugement attaqué en accordant une indemnisation de 20 jours annuel au titre de l’année 2016 mais de rejeter la demande concernant l’année 2017 dont l’indemnisation a été correctement limitée à 20 jours et enfin à 1,5 jours pour l’année 2018.
Pourquoi pas 2,5 jours en 2018 mais seulement 1,5 ? Le calcul est simple : 1 mois de congé maladie ; 12 mois dans l’année et la limite des 20 jours ; le produit en croix ; pas d’erreur donc.
Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a refusé d’annuler la décision implicite de la SA La Poste en tant qu’elle a rejeté la demande du 26 avril 2018 de M. T. au titre des congés annuels non pris en 2016.
Annulation de la décision implicite de la SA La Poste en tant qu’elle a rejeté la demande du 26 avril 2018 de M. T. au titre des congés annuels non pris en 2016.
Condamne La Poste à verser à M. T. une compensation financière correspondant à 20 jours de congés annuels au titre de l’année 2016 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Mise à la charge de la SA La Poste d’une somme de 2 000 euros à verser à M. T. en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Rejet du surplus des conclusions de la requête.
Rejet des conclusions présentées par la SA La Poste sur le fondement de l'article L. 761‑1 du code de justice administrative.
Tel est le sens de mes conclusions.
Notes
1 Cf. le paragraphe 6 de cet arrêt : « Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment dans son arrêt du 6 novembre 2018 '' Stadt Wuppertal '' et '' Volker Willmeroth '' (C‑569/16 et C‑570/16), lorsque la relation de travail prend fin, la prise effective du congé annuel payé n’est plus possible ». Retour au texte
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