Le défaut de carte nationale d’identité valable n’est pas un motif de retrait de détention à domicile sous surveillance électronique

DOI : 10.35562/bacage.725

Décision de justice

CA Grenoble, 6e ch. des appels correctionnels – N° 22/00845 – 22 mars 2023

Juridiction : CA Grenoble

Numéro de la décision : 22/00845

Date de la décision : 22 mars 2023

Résumé

Ne peut se voir retirer la détention à domicile sous surveillance électronique par son juge de l’application des peines, le condamné qui se présente au service pénitentiaire d’insertion et de probation pour les formalités d’écrou, sans être muni d’une pièce d’identité valable.

Créée par la loi du 23 mars 2019, loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, la détention à domicile sous surveillance électronique recouvre deux statuts juridiques : celui d’une peine alternative à la détention (peine autonome) ou celui d’un aménagement de peine d’emprisonnement. C’est depuis cette même loi que pour les peines d’emprisonnement de moins de six mois, le juge correctionnel a l’obligation, sauf motivation spéciale, d’aménager ab initio la peine prononcée. Dans l’arrêt commenté, la condamnation en première instance date de 2018, c’est pourquoi malgré le prononcé d’une peine de trois mois d’emprisonnement, ce n’est pas le juge de jugement mais bien le juge de l’application des peines qui prononce l’aménagement de peine sous forme de détention à domicile sous surveillance électronique du condamné.

En l’espèce, un homme a été condamné, le 28 mai 2018, par le tribunal correctionnel de Charleville‑Mézières, à une peine de trois mois d’emprisonnement pour des faits commis entre 2015 et 2016. Par jugement du 8 novembre 2021, le juge de l’application des peines de Grenoble a admis le condamné au bénéfice de la détention à domicile sous surveillance électronique à compter du 24 novembre 2021. L’homme s’est présenté au rendez‑vous pour la pose du bracelet électronique, mais le service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui devait procéder à la pose, informe le juge de l’application des peines que les formalités d’écrou pour la détention à domicile sous surveillance électronique n’ont pas pu être effectuées car le condamné s’était présenté sans carte d’identité nationale. En effet, ce dernier ne possédait pas de papiers d’identité en cours de validité. C’est pourquoi, le 29 mars 2022, le juge de l’application des peines a ordonné le retrait de la détention à domicile sous surveillance électronique. L’avocat de l’intéressé interjette appel du jugement et demande l’infirmation de la décision précitée.

L’article 723‑13 du Code de procédure pénale dispose que :

Le juge de l’application des peines peut retirer la décision de placement sous surveillance électronique soit en cas d’inobservation des interdictions ou obligations prévues aux articles 132‑26‑2 et 132‑26‑3 du Code pénal, d’inconduite notoire, d’inobservation des mesures prononcées en application de l’article 723‑10 du présent Code, de nouvelle condamnation ou de refus par le condamné d’une modification nécessaire des conditions d’exécution, soit à la demande du condamné.

Cet article énumère les motifs légaux de retrait de la décision de détention à domicile sous surveillance électronique, par le juge de l’application des peines, et le fait de se présenter au rendez‑vous du service pénitentiaire d’insertion et de probation pour la pose du bracelet sans pièce d’identité n’en fait pas partie. En réalité, dans l’ensemble des textes qui régissent la détention à domicile sous surveillance électronique comme aménagement de peine, il n’est nulle part fait mention de la carte nationale d’identité.

Le juge de l’application des peines ordonne le retrait de la détention à domicile sous surveillance électronique aux motifs que « le condamné ne justifie pas avoir effectué les démarches pour régulariser sa situation au niveau de sa carte d’identité et il n’est donc pas possible de procéder à son écrou sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique ». Il ajoute que, bien que « conscient que la prise de rendez‑vous en mairie peut être longue, il n’en demeure pas moins que le condamné ne justifie même pas avoir pris un tel rendez‑vous ». Une justification pour le moins étonnante quand on sait que l’individu pouvait tout à fait prouver son identité par tout autre moyen, comme dans lors d’un contrôle d’identité par exemple, sans qu’il soit nécessaire de procéder au retrait de la mesure prononcée.

La chambre de l’application des peines le rappelle dans l’arrêt commenté, la pratique consistant à imposer à la personne condamnée de présenter une pièce d’identité est justifiée par la nécessité de s’assurer que la mesure restrictive de liberté est appliquée à la bonne personne. Néanmoins, elle s’analyse en un contrôle d’identité qui n’est pas prévu par les dispositions du Code de procédure pénale ou du Code pénitentiaire. Elle affirme en ce sens que le juge de l’application des peines ne peut retirer une mesure de détention à domicile sous surveillance électronique puisque ce défaut de présentation de carte nationale d’identité n’est sanctionné par aucun texte. C’est pour cela qu’elle décide que le retrait de la mesure de détention à domicile sous surveillance électronique est injustifié et qu’elle infirme le jugement frappé d’appel.

En application de la décision de la chambre de l’application des peines, le juge de l’application des peines devra déterminer une autre date de pose du bracelet électronique. Mais concrètement, se pose la question de savoir comment le juge de l’application des peines peut parvenir à régler le problème de ce condamné qui ne possède pas de carte nationale d’identité parce qu’en l’occurrence, il s’agit bien d’une négligence de la part de l’intéressé qui n’a pas procédé au renouvellement de ses papiers. Dans l’hypothèse où ce condamné, sur les conseils de son avocat, ne procèderait pas au renouvellement de ses papiers d’identité, est‑ce que cela signifie que sa peine de détention à domicile sous surveillance électronique ne sera jamais exécutée ?

Il est vrai, le juge de l’application des peines peut, comme le prévoit l’article 747‑1‑1 du Code de procédure pénale, convertir une peine de détention à domicile sous surveillance électronique en une peine de travail d’intérêt général ou une peine de jours-amende. Mais cela ne semble pas être recommandé par la chambre de l’application des peines qui ordonne très clairement au juge de l’application des peines de déterminer une autre date pour la pose du bracelet électronique. Il ne semble pas non plus que ce dernier puisse trouver un fondement juridique permettant d’englober le défaut de carte nationale d’identité pour procéder au retrait de la mesure et donc mettre à exécution la peine d’emprisonnement.

Pour conclure, cette décision de la chambre de l’application des peines est une bonne interprétation de la loi, favorable au condamné. Pour autant, elle retarde encore la mise à exécution de la peine prononcée pour le condamné, ce qui pose la question du sens de la peine mais également de la célérité de la justice.

Citer cet article

Référence électronique

Hugo Caloone, « Le défaut de carte nationale d’identité valable n’est pas un motif de retrait de détention à domicile sous surveillance électronique », BACAGe [En ligne], 02 | 2024, mis en ligne le 17 juin 2024, consulté le 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacage/index.php?id=725

Auteur

Hugo Caloone

Étudiant en Master II droit pénal et sciences criminelles, Univ. Grenoble Alpes, 38000 Grenoble, France, sous la dir. de Martine Exposito.

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