Face à des coûts de démantèlement, d'enlèvement d'installations ou de remise en état d'un site, qui résultent d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle ou d'un engagement et constatent une dégradation immédiate, l'entreprise doit comptabiliser une provision relevant par exception de l'article 39 ter C du code général des impôts, qui constitue une dérogation aux règles de droit commun en matière de provisions édictées à l'article 39 du même code et est ainsi d'interprétation stricte, fiscalement non déductible, ainsi qu'un actif de contrepartie amortissable d'égal montant. Face à des coûts qui ne relèvent pas de ces catégories, tels que ceux qui constatent une dégradation progressive, l'entreprise peut comptabiliser une provision pour dépréciation de l'actif sous-jacent, déductible sur le fondement du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, l'actif de contrepartie étant sans objet au regard de telles dégradations progressives. La société Immobilière Velaux ne justifie ainsi pas d'une provision pour dépréciation d'un terrain pollué, déduite fiscalement en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, alors que les frais de dépollution correspondant relevaient de l'article 39 ter C du même code.
L’impossible intégration dans une provision de droit commun des coûts obligatoires de démantèlement, d'enlèvement d'installations ou de remise en état d'un site
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Décision de justice
CAA Marseille, 3e chambre – N° 20MA00321 – Société Immobilière Velaux c/ Ministre de l'économie, des finances et de la relance – 26 janvier 2023
Informations complémentairesJuridiction : CAA Marseille
Numéro de la décision : 20MA00321
Numéro Légifrance : CETATEXT000047116660
Date de la décision : 26 janvier 2023
Index
Rubriques
FiscalitéTextes
Résumé
Conclusions du rapporteur public
DOI : 10.35562/amarsada.207
En 2005, la société immobilière Velaux a acquis un terrain pour une valeur de 1 700 498 euros. En 2006, elle a signé avec la société Kaufman et Broad une promesse de vente de ce terrain pour 5 000 000 d’euros, sous réserve de la dépollution de celui‑ci pour des travaux estimés par le futur acquéreur à 4 000 000 d’euros. Une provision pour risques et charges de 4 000 000 d’euros a été comptabilisée au titre de l’exercice 2006, et simultanément la valeur du terrain a été rehaussée du même montant pour être portée à 5 700 478 euros.
A la clôture de l’exercice 2008, Kaufman et Broad a renoncé à acquérir ce terrain, et sur la base d’une expertise fixant la valeur du terrain à la somme de 1 645 000 euros, la société Immobilière Delvaux a constaté une provision pour dépréciation des immobilisations corporelles d’une valeur de 3 635 571 euros, afin de ramener la valeur du terrain à la somme de 1 645 000 d’euros, qui a été imputée sur le résultat fiscal de cet exercice, et a contribué à créer un déficit qui perdure au 31 décembre 2010. La provision de 4 000 000 euros a été maintenue au motif qu’il n’était pas envisageable que le terrain soit cédé sans être dépollué.
La société a été contrôlée sur place, et des redressements ont été opérés au titre de l’exercice 2011. La société Immobilière Delvaux relève appel du jugement no 1800497 du 20 novembre 2019, par lequel le TA de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice 2011 pour un montant de 366 569 euros, et à titre subsidiaire, de prononcer le remboursement de la créance fiscale d’un montant de 3 332 037 euros née du report en arrière du déficit qu’elle constaté au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2012.
En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges ont répondu, au point 11 de leur jugement, au moyen relatif à la méconnaissance par l’administration de son devoir de loyauté.
En deuxième lieu, l’avis de mise en recouvrement du 17 novembre 2014, a été signé par M. Prepoutsides, contrôleur principal, qui avait reçu délégation du comptable su service des impôts des entreprises du 8e arrondissement de Marseille à effet de signer un tel acte, et publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches‑du‑Rhône. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de cet avis de mise en recouvrement, manque ainsi en fait.
En troisième lieu, le vérificateur a repris au titre de l’exercice 2011, la provision pour dépréciation des immobilisations corporelles constituée en 2008, de 3 635 571 euros, au motif que l’annulation de la promesse de vente avec Kaufman et Broad déliait la société requérante de son engagement de dépolluer, et qu’il n’était pas établi en 2008 qu’un autre acquéreur imposerait une telle clause.
Les dispositions de l’article 39 ter C du CGI prévoient que les coûts afférents au démantèlement, à l’enlèvement ou à la remise en état d’une immobilisation corporelle, encourus du fait de l’installation de l’immobilisation, sont inclus dans le coût de l’immobilisation. Ainsi, l’exploitant doit constater un passif correspondant à l’obligation de démantèlement, qui inclut les coûts qui seront pris en charge directement par l’exploitant et ceux qui seront assumés par un tiers, lequel traduit la totalité des obligations futures de l’exploitant liées au démantèlement. Un actif amortissable est inscrit en contrepartie à hauteur des seuls coûts pris en charge directement par l’exploitant, et les coûts correspondant à son obligation de démantèlement, mais qui seront assumés par un tiers, figurent à l’actif sous la forme d’une créance distincte de l’actif de contrepartie.
Il résulte de l’instruction que la société a revalorisé le terrain à la somme de 4 000 000 d’euros et a constitué en parallèle une provision de 3 635 571 euros. La résolution de la promesse de vente a pour conséquence directe le non‑engagement des opérations de dépollution. Dès lors, le coût envisagé de celles‑ci ne pouvait donner lieu à la constatation, en application de l’article 39 ter C du code général des impôts, d’une provision au titre des coûts futurs de dépollution et d’un actif amortissable de contrepartie. Ainsi, la société aurait dû reprendre la provision de 4 000 000 d’euros, et annuler l’actif amortissable du même montant, ce qu’elle n’a pas fait.
Par ailleurs, au regard des dispositions de l’article 39‑1 5° du CGI, en 2008, exercice de constatation de la provision litigieuse de 3 635 571 euros, et eu égard aux écritures comptables enregistrée par la société sur cet exercice, elle ne produit aucun élément permettant de connaître avec une précision suffisante le risque de dépréciation des immobilisations corporelles, et par suite, elle ne justifie pas du caractère de probabilité de la perte à laquelle cette provision avait pour objet de faire face.
Il résulte de ce qui vient d’être dit, que la reprise de la provision de 3 635 571 euros ne peut qu’être confirmée.
En quatrième lieu, la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 a restreint les possibilités de report en avant des déficits pour les exercices clos à compter du 21 septembre 2011 (loi 2011‑17 du 19 septembre 2011, art. 2). Pour les exercices clos à compter du 21 septembre 2011, le montant des déficits imputables sur le bénéfice fiscal de l’exercice est, pour les sociétés soumises à l’IS, plafonné à 1 000 000 euros majoré de 60 % du montant correspondant au bénéfice imposable de l’exercice excédant 1 000 000 euros, alors qu’auparavant, les sociétés soumises à l’IS disposaient de la faculté de reporter leurs déficits fiscaux en avant sur leurs résultats futurs sans limitation de montant ni de durée.
La société requérante fait valoir que l’administration a méconnu son devoir de loyauté et le principe de confiance légitime, en notifiant tardivement, par une proposition de rectification du 3 juin 2014, ses rectifications au titre de l’exercice 2011 alors que l’exercice 2010 était également visé par l’avis de vérification de comptabilité et qu’elle disposait de tous les éléments nécessaires pour notifier les rectifications avant le 31 décembre 2013, dans le but de la priver du droit de demander le report en arrière de la totalité des déficits reportables dans les conditions antérieures à l’article 2 de la loi no 2011‑1117 du 19 septembre 2011 et à l’article 31 de la loi no 2011‑1978 du 28 décembre 2011.
Il résulte de l’instruction que le vérificateur a imputé un montant de 2 525 616 euros correspondant à 1 000 000 + 60 % du bénéfice de l’année 2011, et que le service a accepté l’imputation du déficit de l’année 2012, soit 14 222 euros, en application des dispositions de l’article 2220 quinquiès du code général des impôts, dans sa rédaction postérieure au 21 septembre 2011.
En application des articles 38 et 39‑1‑5 du CGI, l’administration est en droit de rapporter aux résultats du plus ancien des exercices non prescrits le montant des provisions figurant au bilan de clôture de cet exercice, dans la mesure où celles‑ci ont été irrégulièrement constituées. Ainsi, au regard de la loi fiscale, le vérificateur a pu réintégrer la provision de 3 635 571 euros, regardée comme irrégulièrement constituée au cours d’un exercice prescrit, dans les résultats de l’exercice 2011, premier exercice non prescrit (CE, 28 mars 1979, no 01772, Société X). Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du devoir de loyauté, qui ne fait pas partie des règles applicables au contentieux fiscal, ainsi que du principe de confiance légitime, qui ne trouve manifestement pas application au cas de l’espèce, doit être rejeté comme inopérant.
Il résulte de tout ce qui vient d’être dit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Telles sont nos conclusions dans cette instance.
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