Le délai franc pour déposer sa déclaration de revenus après mise en demeure

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Décision de justice

CAA Marseille, 3e chambre – N° 20MA02135 – Ministre de l'action et des comptes publics – 13 juillet 2022

Juridiction : CAA Marseille

Numéro de la décision : 20MA02135

Numéro Légifrance : CETATEXT000046241728

Date de la décision : 13 juillet 2022

Index

Rubriques

Fiscalité

Résumé

En application du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dans le cas où un contribuable s'est abstenu de déposer sa déclaration d'impôt sur le revenu dans le délai de trente jours à la suite d'une mise en demeure, l'administration peut lui infliger la majoration de 40 %. Ce délai de trente jours est un délai franc. N'est ainsi pas tardive la déclaration des contribuables adressée aux services fiscaux le 17 octobre 2017, dès lors qu'ils ont réceptionné la mise en demeure le 16 septembre 2017.

Un couple de contribuables, assujetti à une majoration de 40 % de sa cotisation d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2016, au motif qu’il n’avait pas adressé sa déclaration de revenus dans le délai de trente jours suivant la mise en demeure qui lui avait été adressée par les services fiscaux, en avait demandé la décharge au tribunal administratif. Celui-ci avait fait droit à leur demande. Sur appel du ministre, la cour confirme la décharge, en jugeant que le délai de trente jours ainsi imparti est un délai franc, qui commence donc à courir le lendemain de la réception de la mise en demeure et qui s’achève le lendemain du jour où il est venu à son terme.

Rappr. CE, 27 juillet 1984, Parrot, no 38879, p. 549 ; 2 octobre 2002, Mlle Delarue, no 228436, p. 325, RJF 2002 no 1348 ; 21 juin 2017, M. Bertrand, no 398104.

Conclusions de la rapporteure publique

Audrey Courbon

Rapporteure publique

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DOI : 10.35562/amarsada.305

M. et Mme F., qui n’ont pas déposé leur déclaration de revenus de l’année 2016 dans les délais, ont fait l’objet d’une mise en demeure, notifiée le 16 septembre 2017.

Ils ont alors envoyé leur déclaration le 17 octobre 2017, reçue le lendemain par l’administration.

Par courrier du 2 novembre 2017, l’administration les a informés de l’application de la majoration de 40 % prévue au b) du 1 de l’article 1728 du CGI, laquelle a été mise en recouvrement le 31 janvier 2018, pour un montant de 4 025 euros.

Le ministre relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le TA 13 a fait droit à la demande des époux F. tendant à la décharge de cette majoration.

Il fait valoir que les intéressés ont envoyé tardivement leur déclaration de revenus en réponse à la MED.

L’article 1728-1-b du CGI prévoit, en cas d’absence de dépôt dans les délais légaux d’une déclaration de revenus, l’application d’une pénalité de 40 % « lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ».

L’article 286 du LPF prévoit par ailleurs que

« Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi de correspondance, le cachet apposé par les prestataires de services postaux autorisés au titre de l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques faisant foi ».

Le ministre fait valoir que le délai 30 jours prévu à l’article 1728‑1‑b n’est pas un délai franc. Par conséquent, la MED ayant été reçue par M. et Mme F. le 16 septembre 2017, le délai expirait le 16 octobre suivant, de telle sorte que l’envoi de la déclaration, effectué le 17 octobre, était tardif.

En revanche, si ce délai est un délai franc, autrement dit un délai commençant à courir le lendemain de la réception de la mise en demeure et s’achevant le lendemain du jour où il est venu à son terme, soit en l’espèce, le 17 octobre 2017, alors la régularisation n’est pas tardive.

Si ce point n’a pas été tranché par le CE s’agissant spécifiquement du délai prévu par les dispositions de l’article 1728‑1 du CGI, sa jurisprudence tend à considérer que les délais de procédure prévus en matière fiscale sont des délais francs. Tel est le cas :

  • du délai, de dix jours, de convocation du contribuable pour la séance de la commission départementale des impôts (CE, 27 juil. 1984, Parrot, n38879 et n38880, T. p. 549, RJF 1984 n1215) ;

  • du délai s’écoulant entre la réception de l’avis de vérification et le début des opérations de vérification (CE, 2 oct. 2002, Delarue, n228436, rec. p. 325, RJF 2002 n1348) ;

  • du délai de trente jours imparti au contribuable par l’article R. 59‑1 du LPF pour demander à l’administration de soumettre le litige à la commission départementale des impôts (CE, 21 mars 2008, Cassou du Cadet, no 286007, T. p. 676, RJF 2008 no 705, concl. N. Escaut) ;

  • du délai de 30 jours imparti au contribuable pour faire connaître ses observations sur la proposition de rectification (CE, 21 juin 2017, n398104, M. Bertrand).

Dans ces conditions, nous ne voyons pas de raison de considérer qu’il devrait en aller autrement s’agissant du délai de régularisation prévu à l’article 1728‑1 du CGI, en dépit de la solution inverse rendue par la CAA de Versailles dans une décision 29 mai 2007 (n05VE01672).

Vous relèverez, au demeurant, comme le font valoir les intimés, qu’un TA s’est récemment prononcé en faveur d’un délai franc (TA Grenoble, 13 novembre 2017, n1505345), d’autres ayant antérieurement retenu la même solution s’agissant du délai de régularisation de trente jours prévu aux articles L. 67 et L. 68 du LPF, qui fonctionne selon le même mécanisme (TA Marseille, 4 avril 2006, n0104808 ; TA Versailles, 16 décembre 2008, n0605109 ; TA Guadeloupe, 1er octobre 2015, n1200630).

Nous vous proposons donc de juger que les époux F. ont régularisé leur situation dans le délai imparti et de confirmer la solution rendue par le TA.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête du ministre et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l’État au titre des frais liés au litige exposés par M. et Mme F.

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