Un incendie se déclare dans le parking souterrain d’un immeuble et entraîne la destruction totale de deux véhicules ainsi que plusieurs préjudices matériels constitués par des dommages causés à d’autres voitures ainsi qu’au parking dans lequel l’incendie s’est déclaré et celui d’une autre copropriété.
L’assureur du syndic de copropriété de l’immeuble dans lequel l’incendie a eu lieu indemnise son assuré des préjudices subis. S’estimant subrogé dans les droits de son assuré, il assigne les assureurs des deux véhicules détruits sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985. Le tribunal judiciaire de Grenoble condamne in solidum les assureurs des deux véhicules à indemniser le préjudice subi par le syndic de copropriété. Ces deux assureurs interjettent appel estimant que la loi Badinter n’est pas applicable car l’incendie a soit une origine criminelle, soit une origine indéterminée. La Cour d’appel de Grenoble doit donc déterminer l’applicabilité de la loi du 5 juillet 1985 en cas d’incendie ayant pris naissance dans un véhicule.
Pour déterminer si ce régime de responsabilité est applicable, la Cour d’appel de Grenoble raisonne en deux temps. Tout d’abord, elle rappelle que la loi Badinter est applicable si un accident de circulation est caractérisé. La qualification d’accident de circulation d’un véhicule immobile prenant feu semble difficile à retenir. Pourtant, la Cour de cassation, dans sa conception extensive de cette notion, a retenu une telle qualification dès lors que le véhicule est stationné dans un lieu ouvert à la circulation, même si celle-ci n’est possible que pour les habitants d’une résidence1. Cette conception est par ailleurs conforme à celle retenue par l’article R. 211-5 du Code des assurances selon lequel les « accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule » sont des événements garantis au titre d’un accident de la circulation.
La Cour d’appel de Grenoble introduit cependant une distinction en fonction de l’origine de l’incendie : « si l’origine de l’incendie est indéterminée ou si elle est due à une cause interne au véhicule, la loi de 1985 sera applicable. En revanche, si l’origine de l’incendie est criminelle ou extérieure au véhicule, la loi de 1985 ne sera pas applicable et le régime général de la responsabilité civile trouvera à s’appliquer ». Tous les incendies prenant naissance dans un véhicule ne revêtent par conséquent pas la qualification d’accident de circulation. Il faut d’une part que l’incendie ait bien pris naissance dans le véhicule – cause interne du véhicule – puisque la loi Badinter s’applique en cas de dommage causé par un véhicule. D’autre part, si l’origine de l’incendie est criminelle alors cela signifie que l’événement est volontaire, et n’est donc pas fortuit – à l’inverse d’un accident. La Cour de cassation a refusé plusieurs fois de qualifier un événement volontaire d’accident2. Dans l’hypothèse de l’origine criminelle de l’incendie ou de sa naissance dans une cause extérieure au véhicule, la loi du 5 juillet 1985 ne serait pas applicable. Dès lors, le droit commun de la responsabilité civile s’applique. Ce serait dès lors l’alinéa 2 de l’article 1242 du Code civil qui trouverait à s’appliquer. Il dispose d’un régime de responsabilité pour faute pour la personne détenant un bien dans lequel un incendie a pris naissance. Ce régime est donc plus favorable au propriétaire du véhicule que la loi Badinter, laquelle n’exige aucune caractérisation de faute.
Enfin, la cour d’appel recherche l’origine de l’incendie en l’espèce. D’après les rapports d’expertise, l’incendie a pris naissance dans l’un de ces deux véhicules, sans pouvoir déterminer lequel. Les rapports sont divergents sur l’existence d’un acte de vandalisme sur l’une des deux voitures. Les juges en déduisent que la cause exacte de l’incendie n’est pas déterminée de manière certaine, et que le caractère volontaire de l’incendie est une simple hypothèse. Ce qui est néanmoins certain est que les deux véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans l’incendie « en raison des constatations formelles des experts sur l’origine de l’incendie qui ne peut provenir que de ces deux véhicules ». Dès lors, les juges retiennent que la loi du 5 juillet 1985 est applicable.