La loi no 2005‑1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a introduit la surveillance judiciaire des personnes dangereuses comme mesure de sûreté complémentaire au suivi socio‑judiciaire. Cette surveillance judiciaire peut être ordonnée par le tribunal de l’application des peines à l’encontre de personnes ayant échappé au suivi socio‑judiciaire, soit parce que la juridiction de jugement ne l’a pas prononcé, soit parce que les faits pour lesquels elles ont été condamnées ont été commis avant l’entrée en vigueur de la loi no 98‑468 du 17 juin 1998 portant création de la mesure.
D’après l’article 723‑29 du Code de procédure pénale, la surveillance judiciaire permet un suivi post-carcéral des condamnés à une peine privative de liberté d’une durée minimale de sept ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru. La durée de la surveillance ne peut excéder celle correspondant aux réductions de peine dont elle a bénéficié et qui n’ont pas fait l’objet d’une décision de retrait. La surveillance judiciaire peut comporter diverses obligations, dont le placement sous surveillance électronique mobile prévu par l’article 131‑36‑12 du Code pénal. Ce dispositif ne peut être mis en place qu’avec le consentement du condamné, tout de même fortement incité puisque le refus de la pose du bracelet électronique permettant la géolocalisation est considéré comme une inobservation des obligations et interdictions qui lui sont imposées. Il en résulte la possibilité pour le juge de l’application des peines d’ordonner avant même la libération de l’individu, le retrait de tout ou partie des réductions de peines dont il a bénéficié. Au vu de la sévérité de la sanction qui peut être infligée, la chambre de l’application des peines de Grenoble vient préciser ce qui peut constituer un refus du placement sous surveillance électronique mobile dans son arrêt rendu le 19 janvier 2023.
En l’espèce, par un jugement du 7 juillet 2022, le tribunal de l’application des peines de Grenoble ordonne le placement sous surveillance judiciaire assortie d’une surveillance électronique mobile et d’une injonction de soins d’un individu précédemment condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour meurtre et tentative de meurtre.
Après l’appel formé par le condamné, la chambre de l’application des peines de Grenoble se prononce sur le principe et les modalités d’une telle mesure de sûreté dans un arrêt du 5 janvier 2023. Tout en confirmant la surveillance judiciaire à l’encontre de l’individu, elle infirme le jugement en ce qui concernait la surveillance électronique qu’elle n’estime pas nécessaire et l’injonction de soins en raison de l’absence d’expertise médicale faisant apparaître la dangerosité du condamné et la possibilité d’un tel traitement.
Toutefois, les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines étant exécutoires par provision en vertu de l’article 712‑14 du Code de procédure pénale, les obligations et interdictions déterminées par le jugement du tribunal de l’application des peines rendu le 7 juillet 2022 étaient immédiatement opposables à la personne placée sous surveillance judiciaire. Ainsi, à compter de sa libération, le condamné devait être placé sous surveillance électronique mobile, et ce, jusqu’à la décision rendue par la chambre de l’application des peines le 5 janvier 2023.
Néanmoins, le 21 novembre 2022, le tribunal de l’application des peines ordonne le maintien en détention de l’individu pour une durée de six mois résultant du retrait partiel du crédit de réduction de peine prévu en cas d’inobservation des obligations et interdictions de la surveillance judiciaire. Le tribunal relève que cinq jours avant sa libération, l’intéressé ne justifiait ni d’une domiciliation personnelle ni d’un hébergement par un tiers alors qu’il avait disposé d’un délai de plus de trois mois pour rechercher un logement. En réalité, il avait fourni dans le délai imparti, une attestation d’hébergement signée par un tiers, mais sans transmettre de titre de propriété permettant d’identifier le véritable propriétaire du logement. Dès lors, bien que le condamné ait donné son accord formel à l’installation du dispositif, il résulte de son comportement, une impossibilité matérielle de mettre en place la surveillance électronique mobile. Le tribunal de l’application des peines précise que le condamné a refusé de rencontrer le service pénitentiaire d’insertion et de probation afin de préparer sa sortie, son opposition systématique à la mesure doit ainsi être considérée comme un refus de la mesure.
Par jugement du 19 janvier 2023, la chambre de l’application des peines de Grenoble sanctionne le raisonnement des juges de première instance considérant qu’il ne peut se déduire d’un tel comportement un refus du placement sous surveillance électronique mobile de la part du condamné, alors que celui-ci n’a jamais explicitement manifesté son opposition au dispositif. Le fait que ce dernier ait fait appel du jugement prononçant la surveillance judiciaire assortie d’une surveillance électronique ou qu’il ait refusé de rencontrer le service pénitentiaire d’insertion et de probation, afin d’être assisté dans sa recherche de logement, ne peut s’apparenter à un refus du dispositif sous prétexte d’une obstruction volontaire à la mise en place de la mesure.
Par la même occasion, la chambre de l’application des peines rappelle qu’il appartient au juge de déterminer le lieu de résidence du condamné y compris par le biais des moyens d’investigations dont il dispose en vertu de l’article 712‑16 du Code de procédure pénale. Plus encore, elle souligne que l’obligation pour l’individu de fournir l’adresse de son logement au plus tard cinq jours avant la date de sa libération ne repose sur aucune disposition légale ou réglementaire. En effet, il est seulement précisé dans l’article D. 147‑37‑2 du Code de procédure pénale que le juge doit déterminer le lieu de résidence du condamné avant la date de libération. Dès lors, il ne pouvait être reproché au condamné de ne pas avoir fourni de titre de propriété accompagnant l’attestation d’hébergement dans le délai qui lui était imposé par le tribunal de l’application des peines puisqu’il incombait au juge de procéder aux vérifications nécessaires. La mise à exécution de l’emprisonnement résultant du retrait partiel du crédit de réductions de peine dont a bénéficié le condamné, est donc infondée.
Bien que la chambre de l’application des peines invite à juste titre les juges à faire application stricte de la loi, il est pertinent de s’interroger sur l’opportunité de cette décision. La solution aurait-elle été identique si la juridiction n’était pas revenue sur le prononcé de la surveillance électronique mobile dans son arrêt du 5 janvier 2023 ? Elle aurait, sans doute, fait preuve de moins de clémence à l’égard d’un condamné pour lequel on aurait estimé que la surveillance électronique était indispensable à la prévention de risque de récidive, au regard de sa dangerosité et de la nécessité de lui interdire la fréquentation de certains lieux. Ici, la chambre de l’application des peines se prononce en faveur du condamné et bien que celui‑ci ait pu faire preuve d’un manque de coopération, un nouvel enfermement apparaît disproportionné et surtout contraire à l’exigence d’adaptation de la peine à la personnalité et à la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée consacrée par l’article 707 du Code de procédure pénale.