Preuve de la propriété immobilière et établissement d’une servitude de passage : une illustration de l’importance d’accomplir des actes matériels de possesseur

DOI : 10.35562/bacage.1330

Décision de justice

CA Grenoble, 1re ch. – N° 23/03591 – 17 juin 2025

Juridiction : CA Grenoble

Numéro de la décision : 23/03591

Date de la décision : 17 juin 2025

Résumé

La décision concerne l’établissement de la propriété immobilière par usucapion. La cour s’appuie sur divers éléments de fait pour établir l’élément matériel de la possession. Elle reconnaît néanmoins l’existence d’une servitude légale de passage sur la parcelle revendiquée.

Plan

L’arrêt rendu le 17 juin 2025 par la cour d’appel de Grenoble illustre parfaitement les difficultés que peut susciter un litige ayant trait à la preuve de la propriété immobilière. En effet, si la preuve de la propriété mobilière n’est pas souvent en cause, la présomption irréfragable de propriété de l’article 2276 du Code civil faisant son œuvre, la preuve de la propriété immobilière est bien plus complexe à rapporter puisqu’il n’existe aucun mode de preuve en particulier qui puisse irréfutablement régler la question1.

Il est désormais acquis que la preuve de la propriété immobilière est libre2, mais il n’en demeure pas moins que trois principaux modes de preuve sont privilégiés : les titres de propriété, la possession et les indices matériels et autres présomptions de fait. Ni la jurisprudence ni la doctrine n’ont adopté de hiérarchisation précise entre ces différentes preuves. Néanmoins, il est assez largement admis que la possession se hisse comme la preuve la plus efficace de la propriété3.

Il en va ainsi car la possession est un mode d’acquisition originaire de la propriété. Par conséquent, lorsque le possesseur devient propriétaire du bien immobilier par la force du temps, c’est un nouveau droit de propriété qui voit le jour et qui efface tous les éventuels titres ou commencements de possession relatifs au bien qui étaient antérieurs à la date d’acquisition de la propriété. À l’inverse, la preuve par titre, en matière immobilière, n’est pas des plus aisées en ce sens que le bénéficiaire du titre devra prouver que son auteur était lui‑même le propriétaire du bien concerné par le titre, de même que son propre auteur l’était et ainsi de suite jusqu’à ce que l’intégralité de la chaîne de propriété ait été vérifiée.

Bien que la possession soit généralement privilégiée, les conflits de preuves de la propriété immobilière sont de nature variable et peuvent donner lieu à des oppositions entre plusieurs titres, plusieurs possessions ou encore entre un titre et une possession. Dans l’affaire étudiée, le conflit faisait intervenir non seulement des titres mais aussi des possessions, ce qui la rend, à notre sens, plus qu’intéressante, notamment en ce qu’elle va s’inscrire dans le courant de pensée majoritaire et privilégier la possession au titre pour prouver la propriété immobilière.

Au cas d’espèce, des époux étaient propriétaires de deux parcelles, dont l’accès à l’une d’entre elles se faisait uniquement par un chemin situé entre différentes constructions appartenant à la propriétaire d’une parcelle voisine. Un litige était donc né entre ces voisins relativement à la propriété du chemin, les époux revendiquant notamment l’existence d’une servitude de passage à leur profit.

La voisine a finalement assigné les époux aux fins de voir reconnaître l’absence de toute servitude de passage grevant son fonds, ainsi que l’interdiction d’emprunter le chemin devant être reconnu comme sa propriété exclusive. Les époux ont quant à eux poursuivi la voisine en revendication de la partie non‑bâtie de sa parcelle, à savoir le chemin, et subsidiairement en reconnaissance de la servitude de passage.

Le tribunal judiciaire de Grenoble, le 7 septembre 2023, a débouté la voisine de sa demande en revendication de propriété, reconnaissant par la même occasion les époux comme véritables propriétaires du chemin. Pour ce faire, le juge de première instance s’est notamment appuyé sur différents actes de vente ainsi que des plans qui permettaient, selon lui, de démontrer que la portion de parcelle litigieuse était en réalité inscrite par erreur dans le titre de propriété de la voisine et qu’elle se rattachait finalement au lot des époux revendiquants. Insatisfaite de cette solution, la voisine en a relevé appel.

Elle soutient être la propriétaire exclusive du chemin. Elle explique d’abord que les propriétés des parties au litige émanent d’un auteur commun, puisque les parcelles étaient autrefois la propriété exclusive d’un couple. C’est à la suite du décès de l’un des membres de ce couple que le fonds a fait l’objet d’une division en deux lots, le lot 1 et le lot 2. Une donation‑partage en date de 1945 avait attribué la propriété du lot 1 à l’auteur de l’appelante, tandis que le lot 2 fut attribué à l’auteur des époux intimés. Elle affirme ensuite sa position de véritable propriétaire de la parcelle, arguant qu’elle est la seule à s’être acquittée de la taxe foncière, mais aussi parce qu’en vertu d’un acte du 21 août 1950, ses auteurs ont été expressément autorisés à vendre la parcelle litigieuse selon leur bon vouloir, marquant ainsi la reconnaissance d’une prérogative exclusive du propriétaire sur cette dernière, à savoir celle de disposer de sa chose et de l’aliéner comme bon lui semble. Subsidiairement, elle invoque une éventuelle usucapion décennale, à défaut trentenaire. Elle réfute également l’attestation d’un témoin produite par les intimés en vertu de laquelle leur auteur se prévalait d’une possession à titre de véritable propriétaire sur le passage qui en aurait permis l’acquisition par prescription alors qu’il ne s’agissait selon elle que d’une simple tolérance. Enfin, elle affirme qu’aucune servitude conventionnelle ne profite aux intimés, de même qu’aucun enclavement ne pourrait justifier d’en établir une.

En défense, les intimés soutiennent que la parcelle litigieuse a bien été intégrée à tort dans le lot de l’appelante dès 1945. Par ailleurs, ils affirment qu’elle ne saurait se prévaloir d’une usucapion décennale dès lors que le titre qu’elle excipe n’est qu’un acte de partage, n’ayant pas d’effet translatif mais seulement déclaratif. Elle ne saurait pas non plus se prévaloir d’une usucapion trentenaire dans la mesure où elle n’a effectué aucun acte matériel de possesseur, témoignant d’une absence de corpus pour caractériser une possession utile permettant de prescrire. Ils considèrent en effet que les simples faits de s’acquitter de la taxe foncière et de garer un véhicule sur la bande litigieuse ne sont pas des actes matériels de possesseur. Subsidiairement, ils réclament que leur soit reconnue la servitude de passage.

La cour d’appel de Grenoble a finalement censuré la décision du tribunal, attribuant la propriété de la bande de passage à l’appelante. En revanche, elle a reconnu l’existence d’une servitude de passage au profit des intimés.

La cour était donc confrontée à deux problématiques distinctes. Elle devait d’abord déterminer qui était le véritable propriétaire de la bande de passage litigieuse (1). En effet, le juge est dans l’obligation d’attribuer le bien à un seul revendiquant, car il est désormais acquis qu’il ne saurait attribuer pour moitié la propriété du bien à chacun des revendiquants4. Cette solution découle du caractère exclusif du droit de propriété, prévu à l’article 544 du Code civil, en vertu duquel la propriété d’une chose n’appartient par principe qu’à une seule personne5. Ensuite, elle devait analyser les éléments en présence afin de retenir, ou non, l’existence d’une servitude de passage au profit des époux intimés (2).

1. La détermination du propriétaire de la bande de passage litigieuse

L’essentiel du litige repose sur la question de la détermination du véritable propriétaire de la bande de passage. Le juge commence par rappeler les fondamentaux en matière de preuve de la propriété immobilière : elle est libre et le juge du fond est souverain pour dégager les présomptions de preuve les meilleures et les plus caractérisées. Il est en fait question de déterminer quels sont les éléments qui sont de nature à rendre plus vraisemblable la propriété de l’un ou l’autre des revendiquants.

Quand il s’agit de prouver la propriété immobilière grâce à un titre, la vraisemblance de la propriété se caractérise le plus souvent par la publication du titre au service foncier. Cette règle se confirme par le fait que, dans l’hypothèse d’un conflit entre deux titres, c’est le premier à avoir été publié qui est préféré (sous condition tout de même que son titulaire soit de bonne foi — article 1198 alinéa 2 du Code civil6).

S’il est question de prouver la propriété immobilière par la démonstration d’une usucapion, il faut alors en analyser les caractéristiques7. Tout d’abord, une possession utile sera systématiquement privilégiée à une possession qui ne l’est pas, puisque seule la première permet de prescrire. Pour rappel, une possession n’est utile que dans la mesure où elle présente les caractéristiques énoncées à l’article 2261 du Code civil. En vertu de ce texte, la possession est utile lorsqu’elle est continue, paisible, publique, non équivoque et réalisée à titre de propriétaire. Sur cette dernière condition, il faut que la possession regroupe deux éléments : un élément matériel, le corpus, qui consiste en la réalisation d’actes matériels de possession (comme l’entretien du bien, la taille d’arbustes, par exemple) et pas seulement des actes juridiques8 (comme l’acquittement de la taxe foncière, par exemple) ; un élément psychologique, l’animus, qui suppose une intention du possesseur de se comporter comme le véritable propriétaire du bien. À défaut, il ne serait qu’un détenteur de la chose (comme un locataire relativement au bien loué) et ne saurait prescrire son droit. Le juge peut donc s’appuyer sur ces différents éléments pour déterminer quelle possession avancée par les revendiquants rend la propriété la plus vraisemblable. Généralement, la possession antérieure est privilégiée, à moins qu’elle n’ait été réalisée de mauvaise foi auquel cas celle réalisée de bonne foi, même postérieure, est privilégiée.

Au cas d’espèce, il était d’abord question d’analyser la vraisemblance de propriété émanant d’un titre. Il s’agissait d’une donation‑partage en date de 1992 ayant attribué la propriété de la parcelle à l’appelante suite au décès de son père, ancien propriétaire du bien. La cour d’appel écarte immédiatement cette piste, ainsi que l’argumentaire des intimés qui suggérait une inscription erronée de la propriété de la bande litigieuse dans le titre de l’appelante et un rattachement du chemin à leur lot 2. Elle considère en effet que la seule analyse de cet acte, couplé à d’autres actes de vente, n’était pas de nature à déterminer de façon suffisante une vraisemblance de propriété au profit des époux intimés.

En adoptant cette position, la cour d’appel s’inscrit totalement dans le nouveau mouvement initié par la Cour de cassation9, soutenu par la doctrine10, qui privilégie désormais la possession sur le titre aux fins de prouver la propriété immobilière.

La cour d’appel s’est alors reportée sur la possession pour établir la propriété de la bande litigieuse. Elle rappelle d’abord les règles relatives à la durée d’une usucapion. Celle‑ci s’opère par principe sur une durée de trente ans, mais peut être abrégée pour une simple durée de dix ans si le possesseur est de bonne foi, ce qui est présumé, et qu’il excipe d’un juste titre. Pour être en présence d’un juste titre, celui‑ci doit être valable en apparence, translatif de propriété (faute de quoi la propriété du bien n’aurait dans tous les cas pas pu être transmise) et non putatif, c’est‑à‑dire qu’il n’existe pas uniquement dans l’esprit des parties au contrat ou qu’il ne concerne pas un autre bien que celui revendiqué.

La cour écarte donc fort logiquement la possibilité d’une usucapion décennale de l’appelante puisque le titre qu’elle excipe, un acte de donation‑partage, n’a qu’une portée déclarative11, ce qui implique qu’elle ne peut se prévaloir d’un juste titre permettant d’abréger la prescription. Elle précise toutefois que l’appelante était totalement en mesure d’adjoindre à sa propre possession celle de ses auteurs pour permettre une prescription trentenaire.

Mais avant d’analyser plus en détail cette possession, la cour préfère se tourner vers celle revendiquée par les intimés. Elle relève l’existence d’une équivocité de leur possession dans la mesure où la seule preuve qu’ils ont pu rapporter d’une possession utile leur ayant été transmise n’est autre que le témoignage de leur auteur en vertu duquel il se servait du passage pour y entreposer de la ferraille et y garer son camion. On peut déjà relever une certaine hypocrisie des intimés, puisqu’ils ont fait valoir dans leurs propres conclusions que le fait que l’appelante stationne son véhicule sur la bande n’était pas de nature à caractériser une possession utile. La cour d’appel ne manque pas ce détail, et affirme que la preuve rapportée par les époux n’est pas de nature à caractériser l’existence d’un animus, ni celle d’un corpus de leur auteur qu’il aurait pu leur transmettre12, puisqu’un doute subsiste quant au fait que cette utilisation de la bande ne soit pas le résultat d’une simple tolérance du propriétaire d’époque de la parcelle en question. Elle en conclut que les intimés n’apportent la preuve d’aucun acte matériel de possession permettant de retenir à leur profit l’existence d’une possession utile opérant ainsi prescription.

En revanche, il est établi que l’appelante, ainsi que ses auteurs, se sont toujours comportés comme les véritables propriétaires de la parcelle, notamment en ce qu’ils ont entretenu le chemin, celui‑ci étant enherbé et recouvert de pavés autobloquants dont l’installation ne pouvait résulter que de leur fait. La cour en déduit que l’appelante était en mesure de revendiquer une prescription trentenaire et qu’elle devait, par conséquent, être reconnue propriétaire de la bande litigieuse.

On remarque donc que le critère ayant permis de résoudre le conflit de preuve est la réalisation d’actes matériels de possession13. Le fait de ne pas les accomplir est de nature à entacher d’équivocité la possession. Pour rappel, une possession est équivoque quand les tiers ont des doutes sur la réalité de cette possession et de la qualité prétendue de propriétaire du possesseur. Une possession équivoque n’étant pas utile, il était donc obligatoire pour le juge de retenir l’appelante comme véritable propriétaire, cette dernière démontrant une possession utile.

La question de la propriété de la bande litigieuse résolue, la cour devait ensuite traiter des demandes subsidiaires des parties au litige, à savoir la reconnaissance ou non d’une servitude de passage au profit des intimés, dont le droit de propriété sur la bande a été écarté.

2. La reconnaissance d’une servitude de passage

La servitude est un droit réel rattaché à deux (ou plusieurs) fonds. L’un est appelé fonds dominant, il profite de la servitude, l’autre est appelé fonds servant, il supporte la servitude. La servitude de passage consiste en une faculté attribuée au propriétaire du fonds dominant de circuler sur la parcelle constitutive du fonds servant. Ces servitudes sont fréquemment reconnues quand le fonds dominant fait face à une situation d’enclavement (qui se traduit généralement par l’impossibilité d’accéder à la voie publique autrement qu’en empruntant un chemin sur le fonds servant — article 682 du Code civil).

Elles peuvent être établies de deux manières : soit par le moyen d’une convention, soit par le biais d’une décision en justice. Dans le premier cas, ce sera une servitude conventionnelle et dans l’autre, ce sera une servitude légale. Cette distinction n’est pas sans incidence au regard de la preuve de la servitude. En effet, quand elle est conventionnelle, seul un titre la mentionnant en permet la preuve. En revanche, la servitude légale se prouve en rapportant les éléments de fait qui correspondent à sa définition dans le Code civil, donc l’enclavement du fonds quand il s’agit d’une servitude de passage.

Au cas d’espèce, c’était bien une servitude de passage dont il était question. La cour d’appel a donc commencé par rechercher une éventuelle mention de la servitude au sein des différents actes de vente qui ont été produits par les parties. Si cette recherche s’avérait fructueuse, elle permettrait de retenir l’existence d’une servitude conventionnelle. Encore faut‑il rappeler, comme le fait très justement la cour, que l’opposabilité de cette servitude à l’égard des nouveaux acquéreurs du fonds servant n’est pas acquise par la seule démonstration de son existence. En effet, elle ne leur est opposable que dans la mesure où elle a été mentionnée au sein du contrat de vente, ou bien qu’elle a été publiée au service foncier, ou encore que les acquéreurs en ont eu connaissance au moment d’acheter le bien14.

Néanmoins, il résulte expressément de l’acte de vente des époux intimés, qui sont pourtant ceux qui revendiquent l’existence d’une servitude conventionnelle à leur profit, qu’aucune servitude conventionnelle à leur profit ne grève le fonds de l’appelante. Ainsi, il n’était pas possible de retenir l’existence de cette servitude sur le plan conventionnel.

Il fallait donc nécessairement se rabattre sur le terrain de la servitude légale. La cour a bel et bien retenu l’existence d’une enclave dès lors que l’accès à la parcelle des intimés ne se faisait que par le moyen d’une porte, tandis que l’accès à leur garage en voiture ne pouvait se faire que par le moyen du chemin litigieux dont la propriété a été attribué à leur voisine. La cour a donc prononcé l’établissement d’une servitude légale de passage au profit des intimés et grevant le fonds de l’appelante.

Même si la cour ne le dit pas explicitement dans sa motivation, elle s’est en réalité appuyée sur la cause essentielle de la servitude, c’est‑à‑dire permettre un usage normal du fonds dominant15. Il en résulte, lorsque le fonds dominant a pour destination l’habitation16, comme c’était le cas en l’espèce, qu’un usage normal de ce dernier n’est caractérisé que dans la mesure où il est possible d’y accéder tant par la voie piétonne que par véhicule. Or, au cas particulier, la seule porte d’entrée du fonds des époux ne leur permet pas d’accéder à leur garage en voiture. Pour y parvenir, ils sont obligés d’emprunter le chemin litigieux. Par conséquent, ils ne sont pas en mesure d’utiliser « normalement » leur fonds conformément à sa destination. Dès lors, afin d’assurer l’usage normal de leur fonds, il était nécessaire de reconnaître à leur profit une servitude légale de passage, justifiée par l’enclavement du fonds.

Les époux intimés ont par la même occasion été condamnés à verser à l’appelante une indemnité compensatrice d’un montant de 5 000 euros. Si cette compensation a été accordée, c’est parce que la servitude de passage est une servitude unilatérale. Par conséquent, elle ne profite qu’à un seul des deux fonds et il est alors requis du propriétaire du fonds dominant de dédommager celui du fonds servant pour le trouble occasionné, constitutif d’une atteinte à son droit de propriété.

Conseils pratiques. Les praticiens pourront donc relever deux points d’intérêt relativement à cette décision. D’abord, s’agissant de la preuve de la propriété immobilière, il sera préférable de demander au plaignant qu’il rapporte la preuve d’une usucapion plutôt que d’un simple titre dont la force probante est aujourd’hui diminuée dans le domaine de la preuve de la propriété immobilière. Il sera également important de produire des preuves illustrant la réalisation d’actes matériels de possession (caractérisant le corpus), comme l’entretien du bien, afin de démontrer son intention de se comporter comme le véritable propriétaire du bien.

Ensuite, s’agissant des servitudes, il est essentiel pour le praticien d’agir sur l’ensemble des fondements possibles et de ne pas se cantonner à la seule servitude conventionnelle. Il faudra donc s’assurer de produire des preuves étant de nature à établir une correspondance entre les éléments exposés dans les textes de loi du Code civil pour la reconnaissance d’une servitude et ceux qui relèvent de la situation de fait pour laquelle le plaignant aura sollicité le praticien.

Notes

1 F. Terré, V. Forti et P. Simler, Droit des biens, Dalloz, coll. « Précis », 11e éd., 2024, no 513, 435. Retour au texte

2 Civ. 3e, 20 juillet 1988, no 87‑10.998 P ; RTD Civ 1989, 776, obs. F. Zenati. Retour au texte

3 F. Terré, V. Forti et P. Simler, préc., no 516, 439 ; voir en ce sens également N. Reboul‑Maupin, Droit des biens, Dalloz, coll. « Hypercours », 10e éd., 2024, no 526, 598. Retour au texte

4 Civ. 3e, 18 juin 1980, RDI 1981, 41, obs. J.‑L. Bergel. Retour au texte

5 Les propriétés collectives, comme l’indivision et la copropriété, ne constituent pas tant des exceptions mais plutôt des atténuations de ce principe. En effet, l’indivisaire jouit de toutes les prérogatives du propriétaire sur sa quote‑part indivise, de même que le copropriétaire relativement aux parties privatives de son lot. Retour au texte

6 F. Terré, V. Forti et P. Simler, préc., no 521, 445 : cette solution ne vaut néanmoins que dans la situation où les parties au litige ont un auteur commun. Quand les parties ont des auteurs différents, il n’existe pas de certitudes, mais la préférence devrait être donnée au « titre meilleur » et pas nécessairement au plus ancien en date. Retour au texte

7 Il en résulte que la possession la mieux caractérisée l’emporte sur la plus ancienne : Civ. 3e, 31 octobre 2006, Dr et patr. 8/2007. 88, obs. J.‑B. Seube. Retour au texte

8 Il est désormais admis que le corpus ne saurait être caractérisé uniquement par des actes juridiques de possesseur. Il est donc impératif pour le possesseur d’accomplir des actes matériels de possession : Civ. 3e, 4 mai 2011, no 09‑10.831, Dalloz actualité, 25 mai 2011, obs. S. Prigent. Retour au texte

9 Voir p. ex. Civ. 3e, 17 février 2017, no 15‑23.359 ; Civ. 3e, 17 décembre 2020, no 18‑24.434. Retour au texte

10 Voir supra note 3. Retour au texte

11 Voir notamment Civ. 3e, 11 février 2015, no 13‑24.770 : l’acte de partage n’ayant qu’une portée déclarative, il ne saurait emporter transfert de la propriété. Par conséquent, il ne permet pas la caractérisation d’un juste titre. Retour au texte

12 La cour d’appel fait ici référence à la jonction des possessions, prévue par l’article 2265 du Code civil. En vertu de ce texte, un possesseur peut joindre à sa propre possession celle de son auteur afin de prescrire plus rapidement son droit. Par exemple, un possesseur est en possession d’un bien depuis dix ans, et son auteur (celui qui lui a transmis le bien) était en possession de celui‑ci pendant vingt ans. Le possesseur actuel pourra joindre à sa possession celle de son auteur afin de prescrire son droit, car le tout permet une possession trentenaire (10 + 20).
En revanche, la jonction des possessions ne permet une usucapion abrégée qu’entre deux possessions présentant les mêmes qualités. Par exemple, si le possesseur actuel démontre une possession utile, à juste titre mais de mauvaise foi, il ne pourra pas joindre à sa propre possession celle de son auteur qui était utile, à juste titre et de bonne foi. Il devra donc se contenter d’une prescription trentenaire. Retour au texte

13 Voir notamment Civ. 3e, 23 mai 2002, no 00‑20.861 et Civ. 3e, 4 mai 2011, no 09‑10.831, supra note 8, qui illustrent bien l’importance de la réalisation d’actes matériels de possession dans la caractérisation d’une possession utile. Retour au texte

14 D’autres décisions grenobloises récentes rappellent ces règles : CA Grenoble, 31 mars 2025, no 23/02707 ; CA Grenoble, 22 mai 2025, no 23/03924 ; CA Grenoble, 3 juin 2025, n23/03581. Retour au texte

15 F. Terré, V. Forti et P. Simler, préc., no 901, 916. Retour au texte

16 La jurisprudence a étendu la portée du droit de passage inscrit à l’article 682 du Code civil, qui ne l’admettait que pour les fonds ayant une destination commerciale, agricole ou industrielle, à tout type de destination : Civ. 3e, 28 octobre 1974, no 73‑12.270 ; Civ. 3e, 7 avril 1994, no 89‑20.964 ; Civ. 3e, 14 janvier 2016, no 14‑25.089. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Adrien Giraud‑Telme, « Preuve de la propriété immobilière et établissement d’une servitude de passage : une illustration de l’importance d’accomplir des actes matériels de possesseur », BACAGe [En ligne], 05 | 2025, mis en ligne le 18 décembre 2025, consulté le 19 décembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacage/index.php?id=1330

Auteur

Adrien Giraud‑Telme

Étudiant en Master 1 de droit civil approfondi, stagiaire au CRJ
adrien.giraud-telme[at]univ-lyon3.fr

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Frédérique Cohet

Professeure, Univ. Grenoble Alpes, CRJ, 38000 Grenoble, France
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