Dans cette affaire, une personne avait conclu deux contrats de fourniture et de prestation de services avec une société, à la suite d’un démarchage à domicile portant, d’une part, sur le remplacement de l’ensemble des menuiseries de sa maison et l’isolation des combles et, d’autre part, sur l’installation d’une pompe à chaleur. Ces contrats ont été financés par la conclusion simultanée de deux crédits affectés auprès d’une autre société. La société fournisseur a ensuite été placée en redressement judiciaire et le consommateur a fait assigner les deux sociétés en nullité des contrats.
Dans sa décision, la cour d’appel observe en premier lieu que les actes en cause sont des contrats conclus hors établissement. Ils relèvent donc du régime des articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation, qui prévoit notamment un formalisme ad validitatem renforcé afin de mieux protéger le consommateur. La cour d’appel constate ensuite que le contrat portant sur l’installation de la pompe à chaleur est entaché de nullité dès lors qu’une copie du contrat n’a pas été transmise au consommateur, en méconnaissance de l’article L. 221-9 du Code de la consommation. Puis, sur le contrat relatif aux huisseries et à l’isolation, les juges reviennent sur les informations qui doivent être communiquées par le professionnel au consommateur. Ce sont les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du Code de la consommation ainsi que celles relatives aux modalités d’exercice du droit de rétractation. Or, le contrat indique comme date de livraison « sous trois mois, uniquement valable après étude et acceptation de toutes les démarches administratives ». Pour les juges, une telle mention « ne correspond pas à un engagement du professionnel suffisamment clair ». De plus, au jour de la signature du bon de commande à son domicile, le consommateur a signé une autorisation de prélèvement, assimilable à une contrepartie et par-là même contraire à l’article L. 221-10 du Code de la consommation, qui dispose que « le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement ». En outre, les coordonnées de l’assureur de responsabilité professionnelle n’ont pas été mentionnées au bon de commande, ce qui constitue, là aussi, une méconnaissance du formalisme légal, entachant de nullité le second contrat.
La question se posait ensuite à la cour d’appel de savoir si ces irrégularités formelles avaient pu être couvertes par le consommateur qui aurait, dans ce cas, et conformément à l’article 1182 du code civil, tacitement confirmé ce second contrat. À cet égard, l’article 1182 du Code civil prévoit deux conditions d’admission de la confirmation tacite d’un contrat vicié : l’exécution volontaire du contrat par le titulaire de l’action et sa connaissance de la cause de nullité1. Dans l’optique civiliste, c’est la conscience des vices doublée d’une exécution persévérante, qui caractérisent l’effet confirmatif. La renonciation au droit de critique sécurise alors le contrat sans que l’irrégularité formelle ne soit purgée. Le consommateur démarché à domicile peut donc tacitement confirmer les contrats entachés de vices de forme, s’il décide, en connaissance de ces vices, d’en poursuivre l’exécution. En pratique, le critère de l’exécution volontaire du contrat ne pose pas de difficulté. Mais celui tenant à la connaissance des vices est, en revanche, moins aisé à déterminer dans ses modalités d’appréciation. Or, par plusieurs arrêts du 31 août 20222, la Cour de cassation a précisé sa position sur cette question. Dans des affaires relatives à des contrats de vente et de fourniture de panneaux photovoltaïques, elle a procédé à une réinterprétation du critère en posant une présomption de connaissance des vices dès lors que les dispositions du code de la consommation sur le formalisme applicable aux contrats conclus hors établissement ont été lisiblement reproduites dans le bon de commande.
Dans l’arrêt commenté, la Cour d’appel de Grenoble ne fait pas référence à cette nouvelle présomption de connaissance des vices. Elle considère cependant que, si le consommateur a volontairement poursuivi l’exécution du contrat, « il n’est pas établi qu’il ait eu connaissance des formalités concernées à la seule lecture du bon de commande où elles ne sont pas mentionnées ». Ainsi, le silence du bon de commande sur les textes du code de la consommation applicables empêche logiquement de faire jouer cette présomption.
Finalement, la nullité des contrats de prestation de services étant acquise, la cour d’appel en déduit logiquement la nullité des contrats de crédit affectés, sur le fondement de l’article L. 312-55 du Code de la consommation. Sur les effets de ces annulations, elle rappelle qu’en vertu de l’article L. 312-48 du même code, le prêteur de deniers qui verse les fonds sans procéder aux vérifications préalables lui permettant de relever que le contrat principal est affecté d’une cause de nullité, et si ce contrat n’a pas été entièrement exécuté, est privé de sa créance de restitution du capital emprunté. Or, au regard des éléments de l’espèce, les juges constatent que si le prêteur n’a procédé à aucune vérification de la validité du contrat relatif à la pompe à chaleur, aucun dysfonctionnement des matériels installés n’est invoqué par le consommateur. Ils décident donc de ne pas priver le prêteur de son droit à restitution du capital emprunté, déduction faite des sommes déjà versées par le consommateur au titre des contrats de crédit. Ce dernier aspect de la motivation de l’arrêt paraît également conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui juge que « le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute »3.
Conseil
Dans plusieurs arrêts du 31 août 2022, la Cour de cassation a précisé sa position sur les modalités d’appréciation de la confirmation tacite d’un contrat entaché de nullité relative. En particulier, elle a jugé que « La reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions ». Il en résulte une présomption de connaissance des vices qui s’avère en pratique défavorable au consommateur. Cependant, une telle présomption ne s’applique pas si le bon de commande ne reproduit pas les textes du code de la consommation, comme le montre cet arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 6 décembre 2022.