Les cas relevés ci-dessous l’ont été soit dans des textes effectivement publiés tels quels, soit dans des tapuscrits avant travail de correction.
Cas nº 1 : participer de
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : « toute littérature participe d’une civilisation » affirmait Roger Caillois, illustrant le bon emploi de la préposition de précédée du verbe participer. Qualifiée de littéraire par les dictionnaires, la locution participer de donne un cachet plus recherché que participer à, cependant son mésusage est courant car les deux ne sont pas synonymes. Participer de doit pouvoir être remplacé dans votre texte par tenir de la nature de. L’autrice du Prépositionnaire, Françoise Bulmann, cite « la tendresse participe de l’amour » en exemple. Ici, en revanche, le mariage a contribué au rapprochement des deux parties, imposant de corriger la préposition.
Françoise Bulman, Le prépositionnaire. Dictionnaire des verbes et adjectifs pouvant être suivis d'une préposition, Québec, L’Instant même, 2003, p. 160-161.
Maurice Rouleau, Le Rouleau des prépositions, Montréal, Linguatech, 2018, p. 316.
https://www.academie-francaise.fr/participer-participer-de
Cas nº 2 : publier à
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : on peut publier dans une revue, publier sous pseudonyme, publier chez un éditeur prestigieux ou encore, sans nécessiter de préposition, publier un livre ; mais jamais publier à la revue. Publier à peut néanmoins se rencontrer mais généralement dans des cas où à est le début d’une locution : ainsi on peut publier à compte d’auteur ou – mais ce n’est guère recommandé – publier à l’encontre de la grammaire.
Cas nº 3 : ès
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : ès est la contraction de en les, par conséquent cette préposition ne doit s’employer que devant un pluriel – et sans trait d’union ajouterons-nous. La faute est courante, même les plus grands auteurs ont pu la commettre, à l’image de Charles Baudelaire qui dédia ses Fleurs du mal à Théophile Gautier en ces mots : « Au parfait magicien ès langue française ».
Quant à la locution ès qualités, l’Office québécois de la langue française souligne que « la langue juridique a conservé un emploi bien vivant de ès dans l’expression ès qualités. [Elle] qualifie une personne qui agit dans le cadre de ses fonctions, selon les qualités propres à sa fonction, et non à titre personnel ». Si dans notre exemple, la locution est employée dans un sens convenable, elle contient une faute de grammaire et deux fautes d’orthographe qui obligent à recomposer : « Il se dresse ès qualités contre tout projet ».
Didier Guével, Petit lexique des erreurs usuelles de l’étudiant en droit, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-Lextenso éditions, 7e édition, 2018, p. 47.
https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9E2534
Cas nº 4 : pallier à
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : le verbe pallier étant transitif direct, il n’est suivi d’aucune préposition. Les broderies évoquées dans l’exemple ci-dessus ont pu pallier l’usure du fil blanc et non pallier à cette usure.
Françoise Bulman, Le prépositionnaire. Dictionnaire des verbes et adjectifs pouvant être suivis d'une préposition, Québec, L’Instant même, 2003, p. 158.
https://www.dictionnaire-academie.fr/article/DNP0176
Cas nº 5 : monter sur
Commentaire : « La vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier », affirmait Antoine de Saint-Exupéry et nous pourrions bien être, dans le cas qui nous occupe, face à une erreur en passe de devenir admissible.
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : correctrice au Monde, Muriel Gilbert s’est agacée de ce tic de langage : les emplois abusifs de la préposition sur. Parmi les nombreux emplois abusifs qu’elle relève1, celui qui conduit à remplacer à ou en par sur lorsque l’on évoque un lieu géographique. « En somme, résume-t-elle, on ne va pas sur Paris. On n’habite pas sur Toulouse. On va à Paris, on habite Toulouse ou à Toulouse. » La linguiste Françoise Nore va dans le même sens et, d’une formule imagée, « comme on n’est pas en vol géostationnaire au-dessus de quelque lieu, on évitera de dire, par exemple, que l’on va sur Lyon », règle son compte à cet usage.
Et pourtant, il existe un groupe nominal consacré par l’histoire qui se soustrait à cette règle : la marche sur Rome. Ainsi, l’Académie française qui, dans sa rubrique « Dire, ne pas dire », exhorte à ne jamais employer sur « à la place de à ou de en pour introduire un complément de lieu désignant une région, une ville et, plus généralement, le lieu où l’on se rend, où l’on se trouve » a-t-elle concédé, dans une autre rubrique, qu’employée « avec un verbe de mouvement, cette construction peut éventuellement se justifier par sa connotation dynamique (ainsi de déménager sur Toulouse qui rappelle marcher sur Rome) ».
En définitive, notre exemple, monter sur Paris, doit-il être considéré comme fautif ou non ? Le langage change, évolue, et des mots ont vu leur sens tellement changer qu’ils en viennent aujourd’hui à signifier le contraire de ce qu’ils signifiaient jadis. Ainsi du verbe énerver qui caractérisait autrefois une personne qui n’a plus de force, alanguie, alors qu’aujourd’hui, on l’entendrait surexcitée. Bref, si vous êtes partisans du dynamisme de la langue, vous ne corrigerez pas ce monter sur Paris ; si l’invariance a votre préférence, vous corrigerez.
Muriel Gilbert, Encore plus de bonbons sur la langue, Paris, La Librairie Vuibert, 2019, p. 143-144.
https://www.francoisenore.com/articles/s
https://www.dictionnaire-academie.fr/article/QDL084
https://www.dictionnaire-academie.fr/article/DNP0237
Cas nº 6 : attester de
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : attester, comme pallier rencontré plus haut, est un verbe transitif direct, n’admettant par conséquent aucune préposition. Le Petit Robert signale bien la construction attester de mais la qualifie d’archaïsme et, en définitive, ne reconnaît à ce verbe, tout comme le Larousse, qu’un emploi transitif.
Le Juridictionnaire, tout en reconnaissant une « habitude très répandue dans nos lois et notre jurisprudence » d’écrire attester de, s’en démarque et prescrit un emploi conforme à la grammaire française. Dans notre exemple, on corrigera donc : « les études précitées attestent l’existence d’un problème ».
Maurice Grevisse, La préposition. Règles, exercices et corrigés, Louvain-la-Neuve, De Boeck supérieur, 2018, p. 49-50.
https://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/fr/juridictionnaire/attestation-attester
https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9A3055
Cas nº 7 : enjoindre
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : le verbe enjoindre est transitif indirect, il se construit avec la préposition à. Grevisse et le Juridictionnaire condamnent tous deux la tournure directe enjoindre quelqu’un. Dans l’exemple ci-dessus, le tribunal administratif de Marseille avait enjoint à l’État d’affecter un autre auxiliaire de vie scolaire. Il est fréquent que la préposition à disparaisse lorsqu’un pronom vient à remplacer le nom auquel l’injonction est faite. Ainsi, et parlant toujours de l’État, le tribunal administratif de Marseille lui avait enjoint d’affecter un autre auxiliaire de vie ? Selon l’Académie française, c’est sans doute la fréquence de cette tournure pronominale qui a pu laisser penser qu’enjoindre était un verbe transitif direct, ce qu’il n’est pas.
Commentaire : Le verbe enjoindre a également des constructions beaucoup plus rares qui ne seront pas abordées ici.
https://www.dictionnaire-academie.fr/article/DNP0090
https://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/fr/juridictionnaire/enjoindre
Maurice Rouleau, Le Rouleau des prépositions, Montréal, Linguatech, 2018, p. 184.
https://www.cnrtl.fr/definition/enjoindre
Cas nº 8 : mettre à jour
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : mettre à jour et mettre au jour sont des locutions qu’on pourrait croire synonymes de prime abord tant elles se ressemblent. Il n’en est rien et leurs sens divergent fortement. Mettre à jour indique une action d’actualisation, comme dans le cas d’un logiciel informatique que l’on doit mettre à jour pour éviter les failles de sécurité. Mettre au jour, dont de nombreux emplois viennent de l’archéologie ou du journalisme, signifie exhumer, dévoiler, révéler. Un enquêteur va mettre au jour tel scandale politique et un archéologue mettre au jour tel artéfact ou, comme ici, une couche picturale recouverte ultérieurement par un enduit.
https://www.academie-francaise.fr/mettre-jour-pour-mettre-au-jour
Cas nº 9 : calquer
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : le verbe calquer a deux sens ; le premier lui octroie la signification de « reproduire un dessin » et comme synonyme décalquer et le second (au figuré ou par extension) celle d’« imiter exactement » et comme synonymes imiter, copier. Ce second sens nécessite la présence de la préposition sur ou, moins fréquemment, de la locution prépositionnelle d’après, avant d’indiquer la source d’inspiration. Ici, on pourra réécrire, au choix, que MacKenzie copie le second2 amendement ou qu’il s’en inspire.
Françoise Bulman, Le prépositionnaire. Dictionnaire des verbes et adjectifs pouvant être suivis d'une préposition, Québec, L’Instant même, 2003, p. 44.
Cas nº 10 : contenu par
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : le verbe contenir entend deux grands sens, le premier exprime l’idée d’avoir en soi ou de pouvoir renfermer (une bouteille contient de l’eau, les épinards contiennent du fer, un stade peut contenir tant de personnes), le second celle de retenir pour empêcher de s’étendre (contenir ses émotions, contenir les armées ennemies, contenir un incendie).
Selon l’emploi de telle ou telle préposition, c’est le sens 1 ou le sens 2 qui va l’emporter. Si dans, issu du latin deintus « au-dedans, en dedans », va logiquement orienter vers le sens 1, ce n’est pas le cas de par qui pourra conduire vers le sens 2. Dans notre exemple, contenu par nous guide plus naturellement vers l’idée que le privilège du fermier est limité ou contraint (sens 2) par l’article 6 quand il aurait fallu nous faire comprendre que ce privilège est contenu dans ou décrit à l’intérieur de (sens 1) l’article 6.
Cas nº 11 : connaître de
Quelle est la règle et pourquoi il y a une erreur : la locution connaître de, employée pour l’essentiel dans le domaine du droit, signifie « avoir compétence pour juger ». Ainsi, l’extrait proposé est une tournure pléonastique qui revient à dire que la Cour de cassation « admet la compétence judiciaire pour être compétent à juger » la réclamation évoquée. Nous avons corrigé en « admet la compétence judiciaire à propos de la réclamation » qui est certes moins lettré mais stylistiquement plus correct.
https://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/fr/juridictionnaire/connaitre-de