Dans deux arrêts rendus les 20 octobre et 1er décembre 2022, la chambre de l’application des peines (CHAP) de Grenoble est venue clarifier les conditions d’octroi de la libération conditionnelle. Les deux espèces portent sur des situations similaires. Dans la première espèce, une personne, condamnée à trente mois d’emprisonnement, dont quinze assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans en répression de faits de vol aggravé, avait d’abord obtenu du juge de l’application des peines (JAP) un aménagement de sa peine sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE). Le condamné avait ensuite, une fois le temps d’épreuve accompli, sollicité l’octroi d’une libération conditionnelle en faisant valoir qu’en respectant l’obligation d’exercer une activité professionnelle et celle réparer les dommages causés par l’infraction qui lui avaient été imposées dans le cadre de cette mesure, il avait manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale au sens de l’article 729 du Code de procédure pénale. Dans la seconde espèce, écroué en exécution de trois peines distinctes, un condamné avait pareillement obtenu l’aménagement de sa peine sous la forme d’une semi-liberté, puis sous le régime de la DDSE. Dans ce cadre, il avait été soumis au respect de plusieurs obligations, notamment l’obligation d’exercer une activité professionnelle, l’obligation de se soumettre à des mesures d’examen médical de traitement ou de soins ou encore l’obligation de justifier qu’il s’acquitte des sommes dues au Trésor public à la suite de sa condamnation. Arguant du fait qu’il avait parfaitement respecté lesdites obligations et estimant avoir ainsi fait preuve d’efforts sérieux de réadaptation sociale, il avait pareillement demandé le bénéfice d’une libération conditionnelle.
Mais, dans les deux espèces, et alors même que les services d’insertion et de probation avaient émis des avis favorables, le JAP refuse l’octroi de la libération conditionnelle au motif que le respect des obligations imposées dans le cadre d’une DDSE a seulement pour conséquence de ne pas retirer la mesure d’aménagement mais ne peut justifier l’octroi d’une libération conditionnelle. Par deux fois, le JAP affirme ainsi que « l’article 729 du Code de procédure pénale ne dispose pas que le simple respect des obligations entraîne l’octroi d’une mesure de libération conditionnelle ».
Cette interprétation de l’article 729 est contredite par la chambre de l’application des peines qui infirme les deux décisions rendues par le JAP et octroie la libération conditionnelle aux condamnés. La chambre considère en effet que c’est par « une interprétation erronée de l’article 729 du Code de procédure pénale » que le JAP retient que le simple respect des obligations n’entraine pas l’octroi d’une libération conditionnelle mais aurait pour seule conséquence de ne pas conduire au retrait de la mesure. Elle estime à l’inverse que « si le retrait d’une mesure d’aménagement de peine suppose la démonstration de la violation des obligations imposées, l’octroi d’une libération conditionnelle doit être fondé sur la seule justification d’efforts sérieux de réinsertion au sens de l’article 729 ». Or, comme elle l’affirme très clairement dans l’arrêt rendu le 20 octobre 2022, « la loi ne distingue pas selon que les efforts de réadaptation sociale consistent en des efforts spontanés ou imposés dans le cadre d’obligations fixées par une mesure d’aménagement de peine ». Elle précise qu’« exiger d’un condamné qu’il fournisse des efforts autres que ceux fixés par la mesure d’aménagement de peine revient à ajouter à la loi ». Dans ces conditions, dès lors que, comme dans les deux espèces, il était établi que les condamnés avaient respecté les différentes obligations imposées dans le cadre de leur DDSE, ils devaient être considérés comme manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale et devaient dès lors bénéficier d’une libération conditionnelle.
L’interprétation ainsi faite de l’article 729 du Code de procédure pénale est conforme au principe d’interprétation stricte de la loi pénale. En effet, la CHAP ne fait qu’appliquer l’adage selon lequel « il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas ». En conséquence, sans précision supplémentaire, les efforts visés par ledit texte peuvent tout aussi bien être imposés que spontanés. En réalité, ce qui importe, c’est que ces efforts témoignent de la volonté du condamné de se réinsérer et de la démarche déjà initiée en ce sens. L’article 729 précité en donne quelques exemples, tel le fait d’exercer une activité professionnelle ou encore de suivre un traitement médical. Or, c’est précisément à ces obligations d’exercer une activité professionnelle et de suivre un traitement qu’étaient tenus les intéressés dans le cadre de l’aménagement de leur peine. Aussi, dès lors qu’ils respectaient parfaitement ces obligations, ils manifestaient bien des efforts sérieux de réadaptation sociale et pouvaient légitimement prétendre à l’octroi d’une libération conditionnelle. On notera, au surplus, que c’est parfois la loi elle-même qui impose la DDSE, la semi-liberté ou le placement en extérieur comme un préalable à l’octroi d’une libération conditionnelle afin précisément que le condamné puisse démontrer des efforts sérieux et son engagement sur la voie de la réinsertion (C. proc. pén., art. 730-2).
La solution doit donc être pleinement approuvée. Elle rappelle en outre opportunément que la réinsertion ne saurait être l’affaire du seul condamné ; elle est nécessairement le résultat d’un dialogue entre l’institution judiciaire et ce dernier. Conformément aux finalités de l’exécution des peines énoncées à l’article 707 du Code de procédure pénale, l’institution judiciaire doit ainsi l’inciter dans la voie de la réinsertion et l’accompagner sur le chemin de la désistance. Que cette incitation puisse prendre la forme d’obligations ou interdictions imposés au condamné est indifférent. Le seul fait que les efforts souhaités ou attendus lui aient au départ été imposés ne signifie en effet pas que sa démarche n’est ensuite pas sincère et ne traduit pas une réelle volonté de réinsertion.