Un jour de mars 2023, des policiers intervenaient auprès d’une personne ayant été mordue par le chien de son voisin sur la voie publique. L’animal, non tenu en laisse, se serait jeté sur la victime, lui causant des blessures au bras. Le propriétaire de l’animal avait, tout d’abord, nié les faits, avant de reconnaître que c’était bien son chien qui avait mordu la victime de manière involontaire. En première instance, les juges du tribunal correctionnel ont prononcé la relaxe du chef de violences involontaires avec incapacité n’excédant pas trois mois par agression d’un chien. Cependant, sur appel du ministère public, la décision fut infirmée en appel.
Devant la chambre des appels correctionnel, l’avocat du prévenu, non‑comparant à l’audience, contestait toute faute commise. Il arguait que l’animal n’était pas en état de divagation, et, qu’en outre, ne s’agissant pas d’un chien catégorisé, le prévenu n’avait pas l’obligation de le tenir en laisse ou de le museler. Cette argumentation n’a pas convaincu les juges qui, rapidement, mais efficacement, caractérisent l’infraction en tous ses éléments. Les magistrats de la chambre des appels correctionnels rappellent, tout d’abord, qu’il est constant que le chien est l’origine des blessures de la victime, caractérisant ainsi le résultat et le lien de causalité, ici indirect. Ils indiquent, ensuite, qu’il est également constant que le chien n’était pas tenu en laisse, ce qui établit la faute.
Rappelons que les violences involontaires par agression d’un chien exigent la présence d’une faute qualifiée, l’article 222‑20‑2 du Code pénal renvoyant à l’article 220‑20. Pour entrer en voie de condamnation, les magistrats sont donc tenus d’établir la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. En pratique, celle‑ci résulte, le plus souvent, d’une méconnaissance de l’interdiction de laisser divaguer un animal prévue à l’article L. 211‑19‑1 du Code rural et de la pêche maritime, la sanction de la divagation étant prévue à l’article R. 622‑2 du Code pénal. Cependant, bien que défini par l’article L. 211‑23 du même Code, le caractère particulier de cette interdiction est discuté. Les obligations particulières se présentent comme des modèles de conduite circonstanciée, à la différence des obligations générales. Or, l’interdiction de laisser divaguer des animaux domestiques semble, alors, plutôt revêtir ce trait de généralité, couvrant des situations très variées dans lesquelles l’animal n’est plus sous la supervision de son maître. Néanmoins, le caractère particulier de cette obligation non circonstanciée trouve une explication au regard même du comportement interdit. C’est « parce que le danger est inhérent à la divagation, et parce que la divagation elle‑même est un manquement à une obligation de résultat, (que) cette dernière peut être comprise comme une obligation particulière de sécurité1 ».
La décision qui nous occupe doit être saluée, dès lors que les magistrats s’extraient de cette difficulté tenant à la qualification de l’obligation particulière. Ils ne se fondent pas sur l’état de divagation inscrit dans le Code rural et de la pêche maritime, pour établir la culpabilité du prévenu, mais directement sur un arrêté municipal de la commune prévoyant que « tout chien circulant sur la voie publique doit être constamment tenu en laisse2 ». Dès lors, la chambre des appels correctionnels coupe court à tout éventuel débat pouvant naître du caractère particulier de l’obligation qui est ici manifeste. En effet, nul ne peut se méprendre sur le comportement à tenir, l’obligation de tenir son chien en laisse étant circonstanciée. Les magistrats concluent, ainsi, par un raisonnement quasi logico‑déductif que, puisque le prévenu ne tenait pas son chien en laisse et que l’arrêté municipal prévoit une telle obligation, il a donc commis une faute par manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par le règlement, à l’origine des blessures de la victime. À l’évidence, l’infraction est bien caractérisée, et l’infirmation du jugement de première instance s’imposait.