Depuis une réforme de 20101, le juge aux affaires familiales peut ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. L’article 373‑2‑6 du Code civil prévoyant cette intervention ne précise pas quels sont les critères pour ordonner une telle interdiction2. La doctrine reste également relativement silencieuse sur cette question. Cette interdiction vise à préserver la stabilité de l’enfant et à garantir les relations de l’enfant avec ses deux parents3. C’est une mesure préventive à l’enlèvement international4.
Champ de la recherche. Cette étude propose l’analyse de dix‑sept arrêts statuant sur l’interdiction de sortie du territoire français sans l’autorisation des deux parents5 recensés entre le mois de juin 2024 et le mois de juin 2025. Cinq arrêts ne seront pas commentés car ils se positionnent seulement sur des points de procédure6. Parmi les douze arrêts retenus pour l’analyse, quatre arrêts ordonnent l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents7. Les huit arrêts restants rejettent la demande portant sur celle‑ci8. Il doit être noté qu’une étude de 2017 propose un travail similaire mais sur une centaine de décisions rendues par différentes cours d’appel9. Cela a permis de confronter les critères récemment retenus par les juges grenoblois à ceux ayant pu être autrefois adoptés par leurs homologues. Il semble que la jurisprudence est homogène concernant les critères retenus pour ordonner cette interdiction. Par ailleurs, les critères retenus par la juridiction grenobloise sont souvent pluriels et non hiérarchisés, ce qui justifie que ceux‑ci soient parfois croisés dans la présente étude pour mieux comprendre le raisonnement adopté par les juges de la cour d’appel.
Problématique. Il conviendra de s’intéresser aux critères retenus par la cour d’appel de Grenoble pour statuer sur les demandes relatives à l’interdiction de sortie du territoire français sans l’autorisation des deux parents. La Cour de cassation s’est déjà prononcée sur différentes questions. Elle a appliqué le contrôle de proportionnalité de la Convention européenne des droits de l’homme à la mesure10. Elle a également affirmé que l’interdiction de sortie doit toujours être appréciée en fonction de l’intérêt de l’enfant11 et doit être motivée par un risque ou une circonstance particulière, la subordonnant à l’existence d’un motif suffisant12. Quels « motifs suffisants » retient la cour d’appel de Grenoble ?
Plan. Dans les arrêts étudiés, en s’appuyant sur un faisceau d’indices, elle apprécie différents critères en fonction des éléments fournis par les parents. Cet article cherche à faire ressortir les tendances judiciaires concernant les critères retenus pour statuer sur cette interdiction. Cependant, les juges s’appuyant sur un faisceau d’indices, il ne sera évidemment pas possible de conclure à une règle ou à un raisonnement systématique. À travers ses critères, la cour d’appel évalue le risque d’enlèvement international de l’enfant13. Elle prend donc des « mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents14 ». D’une part, la cour d’appel s’intéresse systématiquement aux indices relatifs aux liens entretenus par la famille avec les territoires français et étranger (1). D’autre part, elle statue en fonction de la réalité des relations familiales (2).
1. Les indices relatifs aux liens entre la famille et les territoires français et étranger
Dans la majorité des arrêts commentés, la cour d’appel s’intéresse aux liens entretenus par la famille avec les territoires français et étrangers. Si une expérience a été vécue par la famille à l’étranger, celle‑ci sert d’élément décisif de motivation aux juges (1.1). Ensuite, la cour justifie ses décisions en considération de l’intégration sociale et professionnelle des parents dans les territoires français et étranger (1.2).
1.1. L’expérience décisive du parent avec l’enfant à l’étranger
Lorsqu’un ou plusieurs voyages ont déjà été effectués par le parent et l’enfant dans des circonstances proches de celles suspectées pour l’enlèvement de l’enfant, ces expériences passées servent d’éléments décisifs pour l’appréciation des juges. Lorsque celles‑ci n’ont pas donné lieu à des difficultés pour le retour de l’enfant, l’interdiction de sortie n’est pas justifiée. À l’inverse, quand ce départ a été effectué en contradiction avec les droits de l’autre parent, la cour d’appel retiendra cet élément pour ordonner l’interdiction.
Jurisprudence de la Cour de cassation. La Cour de cassation a déjà utilisé cette expérience de départ du parent avec l’enfant à l’étranger dans ses arrêts statuant sur cette interdiction. Par un arrêt du 8 mars 201715, la juridiction suprême a affirmé la conventionnalité de cette mesure pour une mère ayant refusé de restituer les enfants pendant quatre mois, seule la décision prise par les juges du pays étranger l’ayant contrainte à exécuter le jugement. Par un autre arrêt du 16 décembre 201516, la Cour de cassation a validé une interdiction afin de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens avec les parents en partie eu égard aux événements qui avaient vu le père décider unilatéralement du lieu de vie et de scolarisation de sa fille.
Départ en contravention aux droits de l’autre parent. Dans un premier arrêt17, la cour d’appel de Grenoble énonce que « les circonstances du départ des enfants en Algérie en contravention aux droits de la mère qui démontre s’être opposée au mari qui projetait une installation de la famille en Algérie et ce dès le mois de mai 2021, justifient de confirmer l’interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents ». Pour ce cas, le départ du père en contravention aux droits de la mère est un des éléments qui justifie l’interdiction ordonnée. Il doit cependant être noté que cet élément est complété par la volonté du père de s’installer à l’étranger. Au contraire, dans un deuxième arrêt18, la cour rejette la demande relative à l’interdiction au motif qu’il était « établi au dossier que les parties ont régulièrement quitté le territoire français pour se rendre au Maroc, sans que pour autant cela ne traduise leur intention de s’y établir, leurs attaches en France étant sérieuses quand bien même elles sont sans emploi ». Dans ce cas, l’expérience de départ des enfants complétée par les attaches en France de la famille va permettre de refuser l’interdiction malgré le conflit parental, l’importance du lien qui unit chacun des époux à leur famille à l’étranger et l’absence d’emploi de chacun.
Déménagement effectué. Dans un autre arrêt19, la cour a ordonné la mainlevée de l’interdiction dès lors que le parent et l’enfant étaient déjà domiciliés à l’étranger. Cet arrêt est témoin de l’échec du dispositif lorsque le pays étranger est dans l’espace Schengen20. Si la décision paraît décevante car elle fait droit au parent ayant déplacé l’enfant en contravention d’une décision judiciaire, il est difficile de trouver une alternative à cette capitulation en pratique. La seule option est de demander le retour de l’enfant en application du règlement Bruxelles II ter21.
Vacances estivales. Pour une affaire différente22, la cour relève que le parent demandeur ne justifie d’aucun motif sérieux de nature à prononcer une telle interdiction de sortie du territoire, « qui a pour objet de prévenir les déplacements illicites d’enfant et non d’empêcher des départs en vacances ». En l’espèce, il s’agissait d’un mois de vacances estivales. Dans un dernier arrêt23, la cour expose que la « question de l’opportunité d’un séjour de l’enfant au Brésil sur le temps de vacances de la mère ne relève pas du dispositif de l’article 373‑2‑6 du Code civil destiné à prévenir une soustraction d’enfant et garantir la continuité et l’effectivité du maintien de ses liens avec chacun de ses parents ». Ainsi, la volonté d’un parent de partir en vacances avec son enfant dans un pays étranger où il a souvent des attaches n’est pas constitutif d’un motif suffisant pour ordonner l’interdiction de sortie de territoire sans l’accord des deux parents. Dans le second arrêt, la cour d’appel énonce, à juste titre, que cela relève de l’exercice de l’autorité parentale conjoint. L’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des parents ne se justifie pas dès lors qu’il ne s’agit que de voyages familiaux24. Cette position est d’autant plus opportune lorsqu’elle permet à l’enfant d’avoir accès à une part de sa famille ou à une culture familiale étrangère.
Ainsi, les juges de la cour d’appel semblent faire de l’expérience du parent et de l’enfant à l’étranger un indice décisif pour ordonner l’interdiction. Si celle‑ci est positive, l’interdiction n’est pas justifiée. Concernant les liens entretenus entre la famille et des territoires français et étranger, la cour s’intéresse ensuite à l’intégration en France et à l’étranger du parent suspecté d’un enlèvement international d’enfant.
1.2. L’importance de l’intégration sociale et professionnelle du parent en France et à l’étranger
La cour d’appel apprécie également l’intégration sociale et professionnelle du parent à l’étranger et en France. Elle peut ainsi estimer les risques d’un enlèvement international d’enfant. Ce critère se révèle être important dans la motivation des juges.
Jurisprudence de la Cour de cassation. La Cour de cassation a déjà retenu le critère de l’existence de liens de la mère avec l’étranger25. L’interdiction de sortie du territoire des enfants mineurs ne saurait en revanche être justifiée par le seul constat des liens d’un parent avec l’étranger26.
Projet d’installation à l’étranger. Le projet d’installation d’un parent à l’étranger peut justifier l’interdiction. Dans un premier arrêt27, la mère qui envisage de s’installer à l’étranger ne produit aucun élément sur son projet et ne justifie pas en quoi l’intérêt des enfants commande qu’ils quittent la France, ceux‑ci résidant dans ce pays depuis neuf ans, un des enfants y étant né, et ce au risque de distendre voire rompre les liens avec leur père. La cour retient que le risque de déplacement des enfants par la mère justifie d’ordonner l’interdiction. Pour cette affaire, la cour d’appel semble davantage statuer sur l’opportunité du déménagement des enfants. Malgré l’exercice irrégulier de ses droits de visite par le père, l’intégration des enfants sur le territoire français semble être l’élément déterminant de la décision du juge pour ordonner l’interdiction et empêcher le déménagement de la famille.
Absence de stabilité professionnelle et personnelle. Dans un deuxième arrêt28 dans lequel la cour estime que le père de nationalité étrangère et gardant des liens étroits avec son pays d’origine n’était pas en mesure d’établir une réelle stabilité professionnelle et personnelle en France, elle retient que les craintes de la mère sont justifiées, ce qui justifie de confirmer l’interdiction. Dans un autre arrêt29, la cour évoque « l’importance du lien qui unit chacun des époux à leur famille à l’étranger et leur absence d’emploi ». Dans cet arrêt, malgré un conflit parental, l’importance des liens des parents avec leur famille à l’étranger et leur absence d’emploi, l’expérience positive de la famille d’un déplacement de l’enfant à l’étranger ne permet pas au demandeur de prouver le risque de déplacement illicite d’enfant et de mener la cour à ordonner l’interdiction de sortie du territoire. Il semble donc que l’absence de stabilité professionnelle et personnelle du parent puisse permettre d’ordonner l’interdiction, à moins qu’une expérience prouve que la mobilité du parent avec l’enfant à l’étranger ne constitue pas un risque d’enlèvement.
Présences d’attaches sur le territoire français. Dans un quatrième arrêt30, malgré le conflit parental, le père ne démontre pas l’existence d’un risque de déplacement par la mère des enfants à l’étranger au mépris de ses droits malgré le fait que la mère y ait des attaches familiales et matérielles car elle est établie et insérée en France depuis plus de dix ans, y travaille, que les enfants y ont trouvé leurs repères et suivis médicaux et qu’un enfant y poursuit également ses études. La présence d’attaches familiales et matérielles à l’étranger ne suffit pas à ordonner cette interdiction, notamment en présence d’attaches en France. Enfin, dans un dernier arrêt31, la cour déclare qu’« eu égard aux attaches du père sur le territoire français, à l’évolution positive des relations familiales et en l’absence d’élément de nature à faire craindre un départ de l’enfant à l’étranger au mépris des droits de l’autre parent » l’interdiction doit être levée. Ainsi, les attaches du parent sur le territoire français permettent d’écarter le risque d’un enlèvement international.
Ainsi, la cour d’appel s’intéresse aux relations qui existent entre la famille et les territoires français et étranger. L’intégration des membres de la famille en France et à l’étranger semble constituer un indice important pour sa décision en absence d’expérience décisive du parent avec l’enfant à l’étranger. Par ces décisions, elle cherche à assurer la continuité des relations parentales.
2. L’orientation des décisions motivée par les relations familiales
La cour d’appel motive également ses décisions en accordant une importance moindre à l’existence d’un conflit parental (2.1) et en faisant, au contraire, du maintien des relations entre le parent et les enfants sa priorité (2.2).
2.1. L’indifférence de l’existence d’un conflit parental
Atteinte à la coparentalité. L’interdiction de sortie du territoire est une atteinte à l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Si le voyage d’un parent avec son enfant est un acte usuel32, il doit en informer l’autre parent. Lorsque l’enfant quitte le territoire sans être accompagné d’un titulaire de l’autorité parentale, il doit être muni d’une autorisation de sortie de territoire signée d’un titulaire de l’autorité parentale33. « Qualifiée de droit de veto par certains magistrats, l’interdiction de sortie du territoire ne doit pas être un moyen de pression d’un parent sur l’autre, d’autant que l’exercice conjoint de l’autorité parentale les oblige à s’informer mutuellement des séjours de l’enfant hors de leur résidence habituelle34. » Elle s’assure donc de « l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre35 ».
Jurisprudence de la Cour de cassation. Par un arrêt de la première chambre civile du 16 décembre 201536, la Cour de cassation a validé une interdiction afin de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens entre parents et enfants, en présence d’un conflit parental très prégnant, et eu égard aux événements qui avaient vu le père décider unilatéralement du lieu de vie et de scolarisation de sa fille. En précisant l’existence d’un conflit parental important dans ses motifs, elle semble en faire un élément pour statuer sur l’interdiction. Pourtant, dans les arrêts étudiés de la cour d’appel de Grenoble, si ce conflit est nommé dans la décision du juge, l’existence de celui‑ci semble être sans conséquence pour l’interdiction.
Conflit sur les valeurs éducatives. En matière de protection de l’enfance, le législateur a introduit la possibilité de cette interdiction pour éviter les hypothèses de mariage forcé ou de mutilation sexuelle à l’étranger37. Un arrêt de la cour d’appel38 rejette la demande d’un parent indiquant avoir découvert que sa fille de dix ans souhaitait porter le voile et déménager à l’étranger, sa demande n’étant justifiée par aucun élément versé au dossier. Cet arrêt ne permet pas de se faire une idée sur la position de la cour sur ce point, le manque de preuve étant la raison du rejet de la demande.
Désaccord sur l’hébergeant à l’étranger. Dans une autre affaire39, un père n’était pas opposé au départ à l’étranger de la mère avec les enfants mais souhaitait pouvoir s’assurer que ceux‑ci résideraient pendant la durée du voyage chez la grand‑mère paternelle. L’interdiction est levée, le père ne démontrant pas en quoi cet hébergement serait de nature à protéger ces derniers d’un danger qu’il ne qualifie pas. La cour précise que « les dispositions précitées sont destinées à prévenir une soustraction d’enfant et garantir la continuité et l’effectivité du maintien de ses liens avec chacun de ses parents ». Ainsi, cette interdiction ne doit pas être utilisée pour imposer à l’autre parent des conditions pour un voyage à l’étranger si ces conditions ne sont pas justifiées par la prévention d’un risque d’enlèvement international.
Indifférence concernant l’existence d’un conflit parental. Toutefois, le conflit parental ne semble pas être un motif suffisant pour justifier l’interdiction. Dans une affaire différente40, la demande relative à l’interdiction est rejetée malgré la présence d’un « conflit parental prégnant » et d’attaches à l’étranger du parent suspecté, en l’absence de risque de déplacement illicite des enfants, ce parent intégré en France et les enfants y ayant trouvé leur repère et ayant des suivis médicaux. Dans un autre arrêt41, le conflit parental et l’importance des liens des parents avec l’étranger ne permettent pas de motiver l’interdiction en présence d’une expérience positive de la famille. Dans une affaire différente42, un message envoyé sous le coup l’émotion par un parent ne permet pas de retenir un projet de partir avec l’enfant à l’étranger. De plus, le fait pour ce parent de renouveler son passeport ne peut suffire à corroborer un risque d’enlèvement de l’enfant par la mère.
Evolution positive des relations. Au contraire, concernant une évolution positive des relations parentales, dans un dernier arrêt43, la cour déclare qu’« eu égard aux attaches du père sur le territoire français, à l’évolution positive des relations familiales et en l’absence d’élément de nature à faire craindre un départ de l’enfant à l’étranger au mépris des droits de l’autre parent » il y a lieu de lever cette interdiction.
Si l’existence d’un conflit parental n’est donc pas un critère pour ordonner l’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents, la cour d’appel laissant ainsi de côtés les relations parentales, on trouve au cœur de ses préoccupations le maintien des relations de l’enfant avec son parent.
2.2. La recherche du maintien des relations de l’enfant avec son parent
Jurisprudence de la Cour de cassation. La Cour de cassation a déjà retenu comme critère pour ordonner cette interdiction la difficulté pour la mise en place du droit de visite et d’hébergement du père44. Dans le cas soumis à la Cour, la mère ne respectait pas véritablement les droits du père sur l’enfant. Pour rappel, c’est en tant que garant de la continuité et de l’effectivité des liens de l’enfant avec chacun de ses parents que le juge peut ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Si cette motivation du juge n’est pas rappelée dans tous les arrêts étudiés, il semble que, comme pour la considération de l’intérêt de l’enfant, on puisse considérer qu’elle constitue le prisme de décision du juge.
Absence de droit de visite. Dans un cas où un parent ne disposait plus de droit de visite45, la cour estime qu’« il n’est pas nécessaire à ce stade de se prononcer sur cette interdiction ». Elle précise qu’il n’est en outre justifié d’aucun risque de fuite du père avec l’enfant. Sa formulation permet de penser que l’absence de droit de visite constitue une présomption simple d’absence de nécessité de statuer sur l’interdiction qu’un risque de fuite du parent avec les enfants pourrait renverser. Dans ce cas, il n’est plus question d’un maintien des liens entre le parent et l’enfant.
Maintien des liens avec l’enfant. Par ses décisions la cour d’appel cherche à maintenir les liens entre l’enfant et chacun des parents. Dans l’arrêt dans lequel le déménagement a déjà été effectué46, le père bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement et les deux parents manifestaient la volonté de créer un lien père‑enfant. Au contraire, dans l’arrêt dans lequel la mère projetait de s’installer à l’étranger47, la cour ordonne l’interdiction de sortie du territoire du parent hébergeant malgré un exercice irrégulier de son droit de visite par le père. Dans cette espèce, la mère produit cinq mains courantes qui démontrent que le père n’est pas toujours régulier dans l’exercice de son droit de visite, sans pour autant établir la rupture des liens père‑enfants. La cour d’appel empêche ici le déménagement de la mère. Elle semble statuer sur le déménagement. Elle motive d’ailleurs sa décision en énonçant qu’elle « ne justifie pas en quoi l’intérêt des enfants commande qu’ils quittent la France où ils vivent depuis neuf ans, un des enfants y étant né, et ce au risque de distendre voire rompre les liens avec leur père ».
Conclusion. Ainsi, pour ordonner une interdiction de sortie du territoire français sans l’autorisation des deux parents, la cour d’appel est particulièrement attentive à deux indices : l’expérience qui a pu être vécue par la famille et l’intégration sociale et professionnelle du parent. Considérant ces indices, elle prend sa décision dans l’objectif de préserver les liens de l’enfant avec chacun de ses parents et d’éviter un enlèvement international de l’enfant. Au contraire, dans les affaires soumises à analyse, le conflit parental ne semble pas être un critère suffisant pour ordonner cette interdiction.
