La qualité de bénévole du syndic assurant la gestion d’un syndicat de copropriétaires ne le dispense pas du respect des différentes obligations mise à la charge du représentant de la collectivité par la loi du 10 juillet 1965. Tel n’est pas le seul enseignement que l’on peut retenir de la présente décision de la Cour d’appel de Grenoble.
Au cas particulier, un syndicat de copropriétaires d’un immeuble sis à Laffrey a été représenté par un syndic bénévole de 2008 à 2013. Au cours de cette période, non content de ne pas avoir respecté l’obligation d’ouvrir un compte bancaire spécifique au nom du syndicat, comme l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 l’y oblige, il a encaissé un chèque de 2 200 euros émis par une société au titre de la location d’un panneau publicitaire consentie par le syndicat. Il a par ailleurs renoncé à encaisser un second chèque émis dans les mêmes conditions au profit de la collectivité et n’a pas honoré la prime d’assurance de l’immeuble collectif, de telle sorte que la compagnie d’assurance a résilié le contrat correspondant. L’immeuble collectif s’est en conséquence retrouvé sans couverture d’assurance pendant deux années.
Sur ces faits, une plainte a été émise à son encontre avant d’être classée sans suite au début de l’année 2015. Suite à l’élection d’un nouveau syndic en février 2015, l’ancien représentant du syndicat a été mis en demeure de restituer la somme illégalement encaissée, sans résultat immédiat. Ce n’est qu’en 2018 qu’il s’est acquitté du solde de cette somme. Le litige s’est alors porté, à titre principal, sur la question du paiement des intérêts de retard et de la réparation du préjudice moral subi par les copropriétaires du fait du risque lié à la non-couverture du bâtiment collectif en suite de la résiliation du contrat d’assurance pour non-paiement des primes correspondantes.
Profitant de ce contentieux, le nouveau syndic a également sollicité la production, sous astreinte, d’une attestation d’assurance des parties privatives du lot de copropriété dont l’ancien syndic était resté propriétaire. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les dispositions du nouvel article 9-1 de la loi du 10 juillet 1965, introduit par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, aux termes duquel : « chaque copropriétaire est tenu de s’assurer contre les risques de responsabilité civile dont il doit répondre en sa qualité soit de copropriétaire occupant soit de copropriétaire non occupant ».
Par jugement du 17 octobre 2019, le tribunal d’instance de Grenoble a condamné l’ancien syndic à payer au syndicat les intérêts au taux légal sur la somme de 2 200 euros pour la période courant de sa mise en demeure en mars 2015 au jour du paiement du solde de la somme due en octobre 2018. La demande de production sous astreinte de l’assurance des parties privatives du lot de copropriété souscrite par le locataire du copropriétaire, ancien syndic, a été rejetée. Ce dernier a cependant été condamné à 1 000 euros de préjudice morale et 500 euros pour préjudice financier, outre 500 euros pour résistance abusive.
L’appel interjeté par l’ancien syndic tend à rejeter l’intégralité des demandes du syndicat des copropriétaires et, plus particulièrement, la demande de réparation de son préjudice morale ainsi que celle de sa condamnation sous astreinte à produire l’attestation d’assurance du local loué dont il est propriétaire au sein de l’immeuble collectif.
La Cour d’appel de Grenoble ne répondra pas favorablement à ses demandes. Après avoir constaté les différentes fautes commises par le syndic dans le cadre de la gestion du syndicat que les copropriétaires lui avaient confiée, elle confirme la mise en cause de sa responsabilité civile par les premiers juges. L’absence d’ouverture d’un compte bancaire au nom du syndicat, l’absence de paiement des cotisations d’assurance de l’immeuble collectif pendant plusieurs exercices, l’encaissement d’un chèque émis au nom du syndicat et le délai avec lequel la somme ainsi perçue a été restituée constituent à n’en pas douter une faute de gestion du syndic bénévole. La cour d’appel relève qu’une telle faute a « nécessairement généré un préjudice à la copropriété, notamment en ce que les copropriétaires faisaient confiance à leur syndic puis ont été maintenus dans l’incertitude procédurale et dans l’attente d’une régularisation retardée par l’attitude dilatoire » de leur ancien syndic. Elle estime la réparation due en conséquence au syndicat au titre de son préjudice moral à 1 000 euros. Nulle preuve de ce préjudice n’est exigée par les juges ici (à la différence du préjudice financier lié aux procédures que le syndicat a dû diligenter du fait des carences du syndic fautif). Ils estiment que celui-ci résulte « de facto » de l’absence de souscription d’une assurance et de l’absence d’ouverture d’un compte bancaire spécifique.
Une telle présomption, classiquement retenue par les juges du fond, peut interroger. Elle trouve cependant son fondement dans l’atteinte à l’intérêt collectif des copropriétaires, présumée dès lors que le syndic n’a pas respecté ses obligations légales1.
Par ailleurs, on ne peut qu’approuver la cour d’appel d’avoir confirmé le rejet de la demande formulée par le syndicat afin d’obtenir production, sous astreinte, d’une attestation d’assurance du copropriétaire non occupant. En effet, si l’obligation d’assurance est clairement imposée par la loi aux copropriétaires, qu’ils soient occupants ou non des parties privatives composant leur lot de copropriété, celle-ci ne prévoit aucune obligation d’en justifier le respect. Les copropriétaires ne peuvent donc être contraints de produire un justificatif d’assurance auprès de quiconque le solliciterait.