Est irrecevable la demande, formulée pour la première fois en cause d’appel, tendant à voir déclarer judiciairement la propriété par constat d’une prescription acquisitive, là où la demande de première instance avait trait au fonctionnement de la copropriété et se limitait à l’annulation d’une résolution d’assemblée générale. Une telle demande n’entre pas dans les prévisions de l’article 565 du Code de procédure civile en ce qu’elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande formulée en première instance. Elle ne saurait davantage être regardée comme constituant l’accessoire de la demande d’annulation de la résolution d’assemblée générale. Le constat judiciaire d’une usucapion induit des conséquences juridiques certaines à la différence de l’annulation d’une résolution qui n’a d’autre effet que l’anéantissement de la résolution annulée.
L’espèce portée à la connaissance de la Cour d’appel de Grenoble présente le double intérêt de s’attacher à des notions souvent controversées. La première a trait aux décisions d’assemblée générale de copropriétaires tandis que la seconde intéresse la recevabilité d’une demande nouvelle en appel.
L’affaire en cause était relativement simple. Des copropriétaires ont utilisé des espaces communs pendant plus de trente années. Afin de donner une assise juridique à cette situation de fait ils ont sollicité de l’assemblée générale des copropriétaires, la « constatation » de l’appropriation d’éléments d’escaliers intérieurs, parties communes, par le jeu d’une prescription acquisitive. A cette fin, une résolution a été proposée par les intéressés. Cette résolution a fait l’objet d’un vote à la majorité renforcée de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Ce vote a conduit au rejet de la demande des copropriétaires possesseurs trentenaires de parties communes de l’immeuble collectif. Curieusement, alors que les demandeurs en constatation de l’usucapion de parties communes détenaient ensemble 520/1000 tantièmes de parties communes, la résolution discutée a été rejetée, selon les mentions notées au procès-verbal d’assemblée, par 477 tantièmes pour et 523 tantièmes contre. Le procès-verbal sensé entériné une réalité effective depuis 36 ans, était donc entaché d’irrégularité sur ce point.
Le tribunal de grande instance de Grenoble a donc été saisi par les copropriétaires souhaitant faire constater leur droit de propriété sur partie commune. Un jugement contradictoire en date du 8 septembre 2016 a jugé leur demande irrecevable et les a condamnés à rétablir les accès au parties communes, telles qu’elles résultent de l’état descriptif de division de la copropriété, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de six mois.
Les copropriétaires ayant succombé en première instance ont interjeté appel afin non seulement d’en obtenir la réformation à leur profit mais également de voir constater, judiciairement cette fois-ci, l’usucapion des éléments parties communes qu’ils se sont appropriés dès 1976, dans le prolongement de leurs casiers à ski. Leur demande s’appuyait sur l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Il résulte du second alinéa de ce texte, que les décisions des assemblées générales « doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale »1.
C’est ici la notion même de décision qui était contestée par les juges de première instance.
Au soutien de leur recours, les demandeurs invoquaient, à titre principal, le fait qu’est qualifiée de décision toute résolution ayant fait l’objet d’un vote des copropriétaires. Or, au cas présent, la résolution ayant été rejetée, elle avait bien été l’objet d’un vote. Ils relevaient par ailleurs que cette résolution revêtait une efficacité juridique puisque son vote entraînait des conséquences juridiques telles que la modification de la répartition des tantièmes de parties communes et du calcul de l’impôt foncier dû par les copropriétaires.
D’évidence, une action en nullité d’une résolution d’assemblée générale n’est envisageable qu’en présente d’une véritable décision. Or, il est de jurisprudence constante qu’une décision suppose non seulement une délibération explicite sanctionnée par un vote2, mais également une efficacité juridique la distinguant des résolutions de principe. Si au cas présent, un vote a bien été constaté, la résolution questionnée ne visait qu’au constat de l’appropriation d’éléments parties communes. Elle n’avait donc pas pour objet de produire directement un quelconque effet de droit. On ne peut donc qu’approuver les juges du fond, du premier comme du second degré, d’avoir qualifié la résolution litigieuse de simple avis et, en conséquence, écarté tout contestation au sens de l’article 42 de la loi précitée. Il en eut été différemment si l’assemblée avait fait injonction aux copropriétaires de restituer les parties communes indûment appropriées3.
Les copropriétaires possesseurs eues été mieux avisés de faire constater judiciairement leur possession trentenaire afin de se voir reconnaître la qualité de propriétaire. On rappellera en effet ici qu’en matière immobilière la prescription acquisitive ne joue pas de plein droit. Le possesseur doit en solliciter le bénéfice afin d’être en mesure d’opposer sa possession au véritable propriétaire.
C’est sans doute un conseil tardif sur ce point qui a conduit les demandeurs de solliciter, pour la première fois en appel, la constatation de la situation de fait excipée.
Aussi l’arrêt permet-il de revenir que la distinction entre les notions de demande nouvelle et de demande susceptible d’être admise en cause d’appel.
On sait que les juges d’appel ne peuvent se contenter de déclarer que les demandes formulées devant eux ne l’on pas été en première instance et qu’elles ne tendent pas aux mêmes fins. Ils sont tenus de rechercher, même d’office, si ces demandes constituent l’accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées en première instance. A défaut, leur décision serait privée de base légale4.
Il est ainsi possible d’invoquer pour la première fois en appel des moyens nouveaux ou des nouvelles preuves5, comme des demandes nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles invoquées en première instance, même si leur fondement juridique est différent6. Par ailleurs, les prétentions invoquées afin d’opposer compensation ou pour faire écarter les prétentions adverses sont également admises pour la première fois en appel7. Il peut en être ainsi des demandes liées à l’intervention d’un tiers ou à la révélation d’un fait nouveau. Enfin, sont admissibles les « prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge » auxquelles les parties peuvent ajouter, en cause d’appel, « toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément »8, comme les demandes reconventionnelles9.
Ainsi, quand bien même les parties ne soulèveraient pas l’irrecevabilité de la demande nouvelle la cour d’appel doit la relever d’office, en évoquant toutes les dispositions du code de procédure civile pouvant les justifier. Aussi la cour d’appel s’est-elle, au cas présent, interrogé tour à tour sur le point de savoir si la demande d’une constatation judiciaire de la prescription acquisitive d’une partie commune pouvait constituer l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande d’annulation de la résolution d’assemblée générale ayant rejeté ce même constat par les copropriétaires, présentée en première instance.
La solution ne pouvait être autre. L’usucapion entrainant des effets juridiques d’une tout autre nature de celle pouvant résulter de l’annulation d’une résolution d’assemblée de copropriétaires.