La recevabilité de l’action en contestation d’une décision d’assemblée générale et l’abus de majorité résultant de la rupture d’égalité des copropriétaires

DOI : 10.35562/bacage.709

Décision de justice

CA Grenoble, 2e ch. – N° 22/00661 – 19 décembre 2023

Juridiction : CA Grenoble

Numéro de la décision : 22/00661

Date de la décision : 19 décembre 2023

Résumé

L’action en contestation est recevable même si la décision contestée réitère un refus qui a déjà été opposé au copropriétaire par l’assemblée générales des copropriétaires aux termes d’une autre décision prise antérieurement.

Le propriétaire de plusieurs lots au sein d’un immeuble d’habitation situé dans les Hautes‑Alpes a sollicité le syndic de copropriété afin de faire figurer à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale une demande d’autorisation d’installer un coulissant vitré en fermeture de la terrasse au rez‑de‑jardin. Aux termes de la résolution no 11 du procès‑verbal d’assemblée générale, du 18 février 2020, la demande d’autorisation du copropriétaire a été rejetée. Le copropriétaire a conséquemment engagé une action en contestation de la résolution no 11 dudit procès‑verbal.

Par assignation du 14 avril 2020, le copropriétaire a saisi le tribunal judiciaire de Gap aux fins de voir annuler la résolution no 11 de l'assemblée générale des copropriétaires du 18 février 2020 aux termes de laquelle sa demande d'autorisation d'installer un coulissant vitré en fermeture de la terrasse au rez‑de‑jardin a été rejetée.

Par jugement du 17 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Gap a fait droit à la demande du copropriétaire et a prononcé l’annulation de la résolution no 11 du procès‑verbal d’assemblée générale du 18 février 2020.

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel devant la cour d’appel de Grenoble aux fins de voir rejeter l’intégralité des demandes du copropriétaire. Au soutien de sa demande, le syndicat des copropriétaires faisait valoir, d’une part, que l’action en contestation intentée par le copropriétaire n’était pas recevable. En ce sens, l’appelant relevait que l’annulation de la résolution no 11 serait dépourvue d’effet car la résolution no 13 du procès‑verbal de l’assemblée générale du 25 avril 2019, qui n’a pas été contestée, avait déjà rejeté la demande du même copropriétaire tendant à obtenir l’autorisation d’installer la même installation. Il argue d’autre part, sur le fond, que la décision de rejet de l’assemblée générale était justifiée par la volonté des copropriétaires de préserver l’aspect extérieur de la résidence et que l’autorisation qui avait pu être donnée à un autre copropriétaire de pouvoir fermer sa terrasse était justifiée par un « impérieux motif médical ».

La cour d’appel de Grenoble n’a pas fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires et a confirmé le jugement de première instance. Concernant la recevabilité de l’action en contestation, la cour d’appel relève, à juste titre, « qu’aucun texte n’interdit à un copropriétaire de réitérer une demande d'autorisation de travaux ayant fait précédemment l'objet d'un refus de la part de l'assemblée générale des copropriétaires », de sorte que le copropriétaire est recevable à contester la résolution no 11 du 18 février 2020. Il est vrai que l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 vise les « décisions des assemblées générales » sans autres précisions. Les juges de la cour d’appel auraient pu également fonder utilement leur motivation sur la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, la Haute juridiction a eu l’occasion de préciser qu’une décision votée en assemblée générale qui réitère une décision prise antérieurement demeure, néanmoins, une décision susceptible d’annulation1. Concernant le fond de la demande, après avoir constaté que l’assemblée générale avait autorisé, le 5 janvier 2021, le voisin immédiat du copropriétaire intimé à réaliser le même type de travaux, la cour d’appel a considéré que le refus qui avait été opposé au défendeur caractérisait une rupture d’égalité entre les copropriétaires. L’argumentation de l’appelant, tendant à démontrer que le rejet de la demande d’autorisation était justifié au regard de la différence de situation entre les deux copropriétaires, l’un souffrant de problèmes de santé, l’autre n’occupant pas personnellement l’appartement, n’a pas été retenue par les juges du fond. On ne peut qu’approuver le raisonnement de la cour d’appel, dès lors que les travaux qui ont été autorisés au profit du copropriétaire malade ont été effectués, de par leur nature, de manière définitive et non pas de manière temporaire. L’abus de majorité découlant de la rupture d’égalité entre les copropriétaires est ainsi caractérisé.

Notes

1 Cass. civ. 3e, 25 oct. 2006, no 05‑17.278. Retour au texte

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Référence électronique

Julie Bukulin, « La recevabilité de l’action en contestation d’une décision d’assemblée générale et l’abus de majorité résultant de la rupture d’égalité des copropriétaires  », BACAGe [En ligne], 02 | 2024, mis en ligne le 17 juin 2024, consulté le 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacage/index.php?id=709

Auteur

Julie Bukulin

Docteure de l’Université Grenoble Alpes 38000, Grenoble, France. Qualifiée aux fonctions de maître de conférences

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