La difficile preuve de la possession d’un bien en copropriété excluant le bénéfice de la prescription acquisitive abrégée

DOI : 10.35562/bacage.207

Décision de justice

CA Grenoble, 2e ch. civ. – N° RG 20/03206 – 27 septembre 2022

Juridiction : CA Grenoble

Numéro de la décision : RG 20/03206

Date de la décision : 27 septembre 2022

Résumé

L’action en revendication par un copropriétaire d’une bande de terrain partie commune de son lot, fondée sur la prescription acquisitive abrégée, est rejetée en l’absence de la preuve de la possession utile du bien.

En matière de prescription acquisitive, qu’elle soit trentenaire ou abrégée, la preuve des actes matériels nécessaires à la caractérisation de la possession utile du bien par celui qui en revendique la propriété fait souvent difficulté, y compris lorsque le bien est soumis au statut de la copropriété.

En l’espèce, dans un immeuble en copropriété, Mme N, qui souhaitait clôturer des parcelles de terrain cadastrées section AB n° 7 et 8 attenantes à l’appartement en rez-de-chaussée (lot n° 4) concurremment acquis par acte notarié, se voit opposer par le syndic de la copropriété l’interdiction de clôturer le passage de 2,50 mètres de largeur, en face de la porte ouvrant sur le lavoir central, car il entrerait dans l’assiette de la copropriété.

Mme N a saisi le tribunal judiciaire d’une action en revendication des parcelles de terrain cadastrées section AB n° 7 et 8 ainsi que le passage de 2,50 mètres litigieux. Le tribunal judiciaire de Valence, par jugement du 3 septembre 2020, a rejeté sa demande en toutes ses prétentions. Mme N a interjeté appel. À titre principal, elle estime être propriétaire exclusive de la bande de terrain litigieuse en se référant à l’acte notarié d’achat ayant pour objet les parcelles de terrain cadastrées section AB n° 7 et 8. Elle soutient, en outre, que le règlement de copropriété comporte des mentions illisibles, qui ne permettent pas d’individualiser la bande de terrain. À titre subsidiaire, l’appelante fait valoir son droit de propriété sur le passage en invoquant le bénéfice de l’usucapion abrégée.

Les juges de la cour d’appel se prononcent, d’abord, sur le statut juridique des parcelles de terrains cadastrés section AB n° 7 et 8. En ce sens, la cour d’appel se réfère, à juste titre, au règlement de copropriété, à l’état descriptif de division et à son état modificatif afin d’identifier les parties privatives et les parties communes qui composent le lot n° 4. En effet, cette fonction de distinguer les parties privatives et les parties communes d’un lot incombe au règlement de copropriété éventuellement complété par l’état descriptif de division, par application de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965. De cet examen des titres, il en résulte, en l’espèce, que les parcelles de terrains cadastrées section AB n° 7 et 8 sont des parties privatives rattachées au lot n° 4 acquis en copropriété par Mme N.

Par la suite, la Cour d’appel de Grenoble examine le bienfondé de l’action en revendication intentée par Mme N portant sur les parcelles cadastrées section AB n° 7 et 8 y compris la bande de terrain de 2,50 mètres de largeur litigieuse. Il est vrai que la faculté d’acquérir un bien par prescription, qu’il s’agisse d’une partie privative ou d’une part commune du lot de copropriété a été admise de longue date par la Cour de Cassation1. Néanmoins, encore faut-il que le requérant parvienne à démontrer les conditions de la prescription acquisitive. En l’espèce, Mme N sollicite le bénéfice de la prescription abrégée de dix ans, dont les conditions spécifiques, énoncées à l’article 2272 du Code civil, doivent être démontrées par celui qui s’en prévaut en plus des conditions générales requises en matière d’usucapion, à savoir une possession utile, c’est-à-dire « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire »2.

En l’espèce, la Cour d’appel de Grenoble estime souverainement que la requérante échoue à rapporter la preuve d’une possession non équivoque, à titre de propriétaire exclusif, de la bande de terrain litigieuse par elle-même et ses auteurs. En ce sens, les juges du fond relèvent des indices matériels de séparation entre la bande de terrain, de 2,50 mètres, et les parcelles cadastrées section AB n° 7 et 8 afin d’exclure la possession utile invoquée par la requérante. Il s’agit en l’occurrence d’une haie et d’un mur « d’une hauteur très importante » qui séparent sans équivoque le passage litigieux des jardinets privatifs rattachés au lot n° 4. Le jugement de première instance est ainsi confirmé.

Notes

1 Par ex. Cass. civ. 3e, 30 avr. 2003, n° 01-15.078. Retour au texte

2 Art. 2261 du Code civil. Retour au texte

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Référence électronique

Julie Bukulin, « La difficile preuve de la possession d’un bien en copropriété excluant le bénéfice de la prescription acquisitive abrégée », BACAGe [En ligne], 01 | 2023, mis en ligne le 10 octobre 2023, consulté le 17 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/bacage/index.php?id=207

Auteur

Julie Bukulin

Docteure de l’Université Grenoble-Alpes ; qualifiée aux fonctions de Maître de conférences

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